Une BD pour mieux comprendre l’histoire de Lille
Posted On 8 novembre 2020
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C’est il y a cinq ans que la maison d’édition Petit à Petit décide de créer une série de docu-BD ayant pour sujet l’Histoire des villes, de la préhistoire à nos jours. Le premier livre sort en 2015 et aborde la ville de Rouen où vit Olivier Petit, directeur de la maison d’édition et auteur de l’œuvre. Petit à Petit décide rapidement d’étendre la série à d’autres villes comme Le Havre, Strasbourg ou encore Nice afin de mettre en valeur leur patrimoine. Pour chaque ville, les éditeurs choisissent de travailler avec un collectif « d’auteurs-scénaristes, documentaristes ou dessinateurs ayant un lien fort avec elle », comme l’explique Thomas Mosdi, auteur de Lille en BD. Il a découvert le projet avec Rouen et, séduit par le concept, a assez vite proposé de travailler sur Lille et Nice, où il a vécu.
Le palais Rihour est construit au XVème siècle pour accueillir Philippe II de Bourgogne. Classé monument historique en 1875, il a hébergé certains des plus grands souverains de France, et ses vestiges demeurent encore place de Rihour, à Lille, où il accueille l’office de tourisme. © Quentin Saison
Comme l’indique Pauline Veschambes, éditrice chez Petit à Petit, la création de la série Les villes en BD fait suite à un constat : la plupart des gens connaissent très mal l’histoire de leur ville. Ainsi, d’après l’enquête d’Harris Interactive pour Historia, les Français déclarent s’intéresser à l’Histoire de France et du monde avant celle de leur région. Ce constat est particulièrement vrai dans des villes étudiantes, comme Lille, où beaucoup d’habitants ne sont que de passage.
La volonté de la maison d’édition était donc de “remédier à ce manque de connaissances de l’Histoire locale” en proposant des livres faciles à comprendre. « Si les parties documentaires ont une forte dimension pédagogique, les parties BD sont plus ludiques », note Thomas Mosdi. Les lecteurs plongent dans le quotidien des Lillois ayant vécu il y a des centaines d’années, ce qui rend la lecture vivante. Les moins férus d’Histoire peuvent donc s’y intéresser sans être submergés par un trop-plein d’informations. « C’est accessible à tous, de 10 à 90 ans », précise Pauline Veschambes. Alors que 26% des Français souhaitant s’intéresser à l’Histoire ne trouvent pas de supports adaptés à leurs envies (en majorité des femmes, des jeunes et des personnes issues des catégories populaires), la rendre accessible semble aujourd’hui essentiel.
La porte de Paris a été érigée en 1685 par Louis XIV afin de célébrer la prise de la ville. Elle a depuis été réaménagée, par l’architecte Simon Vollant notamment. © Quentin Saison
L’objectif de Lille en BD est de rendre à chaque habitant une capacité à comprendre les enjeux des décisions, par la connaissance de leur ville. L’Histoire est un moyen de disposer d’éclairages nécessaires à une bonne compréhension des événements et de l’actualité. Ne pas comprendre les événements passés, c’est souvent ne pas prendre en compte leur implication dans le présent. Redonner aux individus accès à l’Histoire signifie alors leur redonner un pouvoir politique, un rôle de citoyen. En effet, le manque de compétence conduit parfois à l’abstention de personnes ne se sentant pas assez légitimes.
Au niveau local, connaître l’Histoire permet également une plus grande implication politique. Par exemple, les projets d’urbanisme impactent surtout ceux qui connaissent la ville et souhaitent protéger son patrimoine. « On s’implique plus au quotidien et dans la politique locale quand on connaît les racines et les origines des lieux qui nous entourent » déclare l’éditrice. Rendre accessible au plus grand nombre l’Histoire locale permet de donner aux habitants les informations nécessaires à leur compréhension et à leur engagement politique.
Lise Pruvost
La maison de Gilles de la Boë a été construite en 1636, ce qui en fait l’une des plus anciennes maisons de Lille sauvegardée en l’état. Elle est l’un des symboles de la domination espagnole à Lille au XVIIème siècle. © Quentin Saison
Ces dernières années, la bande dessinée historique s’est imposée sur le marché de l’édition. Au point de devenir un genre à part entière, auquel appartiennent la moitié des nouveaux titres qui sortent tous les ans. Et chacun devrait y trouver son compte : de la Grèce antique à la guerre d’Algérie en passant par la Révolution française et le massacre de Tian’anmen, toutes les périodes et toutes les régions du monde – ou presque – sont représentées dans le neuvième art.
L’historien Pascal Ory distingue trois types de bandes dessinées historiques. D’abord, il y a les ouvrages de vulgarisation, qui se veulent des résumés exhaustifs des faits. Les premières publications appartenaient à cette catégorie, même si beaucoup relevaient surtout du roman national. Ensuite, on trouve les albums de fiction qui situent leur histoire dans un cadre historique précis et gardent une visée pédagogique. Enfin, les récits dont les auteurs accordent un peu moins d’importance à la réalité historique constituent une troisième catégorie.
S’il a pendant longtemps été boudé par les universitaires, bien qu’il ait toujours rencontré un large public, le genre gagne peu à peu ses lettres de noblesse. La plupart des manuels scolaires intègrent désormais des planches de BD, et les maisons d’édition font de plus en plus appel à des historiens, non plus seulement comme consultants, mais comme scénaristes. Depuis 2004, les Rendez-vous de l’Histoire de Blois récompensent d’ailleurs chaque année un album selon les critères suivants : la qualité du scénario, la valeur du dessin ainsi que le sérieux de la reconstitution historique.
Martin Thiebot
L’Hospice Comtesse, fondé au XIIIème siècle, avait pour vocation d’accueillir et de soigner les plus pauvres et les pélerins. Classé monument historique en avril 1923, il est aujourd’hui investi par boutiques en tous genres et un musée. © Quentin Saison
Angellina Thieblemont
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