Les bars sont fermés depuis le jeudi 27 octobre, date du reconfinement en France. Après 3 mois de fermeture en début d’année, comment s’organisent-ils pour leurs clients et leurs économies ?
Considérés comme commerces non-essentiels par le gouvernement, il est néanmoins essentiel pour eux de se maintenir à flot après avoir déjà subi la crise sanitaire de plein fouet. À Lille, les bistrots furent obligés de fermer à 0h30 dès le 12 septembre, puis à 22h seulement 2 semaines après. Ils n’ont pas eu le choix de baisser le rideau 24h sur 24 le 10 octobre. La crise sanitaire les pousse donc à l’inventivité afin de payer les factures.
Une balance économique négligée
Avec une aide d’État plafonnée à 1500€, Johann, patron de La Base Arrière confie qu’il est impossible de subvenir aux charges. Dans les grandes villes aux loyers excessifs (comme Lille) cela ne permet même pas de payer le local. Les charges mensuelles des bars sont estimées en moyenne à 4000€, un chiffre bien loin de l’aide proposé par l’État. Le site J’<3 mon bistrot lancé lors de la première vague essaye d’apporter une solution en proposant aux clients de commander une boisson aux bars partenaires, de la payer maintenant mais d’aller la chercher à la réouverture seulement. Cela permet à certains bars de payer les différents frais sans attendre et sans devoir avancer de l’argent. Johann avoue que cette solution n’est pas miracle mais qu’elle a tout de même permis de payer quelques factures.
Retrouver le bar à la maison
Mais si vous ne voulez pas attendre pour déguster votre pression, c’est vers La Capsule qu’il faut se tourner. Ce bar du vieux Lille a développé la vente à emporter de bière pression dans des conteneurs particuliers : Les Growlers. C’est un petit fut transportable de 1.9 litre qui permet de garder la pression de la bière grâce à une bonbonne de Co2 intégrée. La bière reste fraiche 8h mais il est possible de la conserver au frigo durant 8 à 14 jours. Le Growler est directement rempli sur les pompes du bar où 10 bières sont proposées pour une offre allant de 20 à 30€. La Capsule ne s’arrête pas là car pour chaque commande elle loue également les verres et les playlists du bar, de quoi retrouver un petit bout de l’esprit Capsule chez vous.
S'amuser à distance
Malgré, la situation économique pour le secteur tertiaire, il est important pour eux de continuer à s’amuser même si cela se fait à distance. C’est pour cela que La base Arrière propose ses fameuses soirées «Apéro Hard» à la maison. Les habitués (et les non initiés) se retrouvent sur la page Facebook du bistrot pour partager un live avec l’un des DJs ou invités du bar de 19 à 20h. Il est aussi possible pour eux de discuter grâce a tchat mit en parallèle du direct. Un vrai concert depuis chez soi. Pour Vincent, DJ résident de la Base Arrière, cela est utile à la fois pour « faire vivre l’âme du bar » mais aussi pour lui permettre de continuer à exercer sa passion devant un public et d’entretenir la relation qu’il a avec eux. Cette solution fut un réel succès car elle comptait une cinquantaine de personnes regardant les lives régulièrement. Même si en effet, elle n’apporte pas d’argent directement au bar, elle permet une fidélisation et une découverte pour d’autres.Si d’astucieuses alternatives sont mises en place pour pallier l’absence de clientèle physique, les bars s’apprêtent à vivre néanmoins une fin d’année très compliquée. C’est pour cela qu’il ne faut pas oublier ceux qui nous font bouger et s’amuser dans les temps moins sombres.
– Julien Carpentier
Témoignage: Clément, gérant du bar Le rat perché
Quel avenir post-confinement pour les bars ?
Confrontée à une forte résurgence du virus Sars-Cov2, la France a opté pour la voie du confinement qui avait permis d’endiguer la première vague de l’épidémie. Une décision terrible pour de nombreux acteurs économiques, notamment dans le secteur tertiaire qui éprouve des difficultés à se réinventer à distance. Bien qu’il soit trop tôt pour prévoir une sortie de crise, il convient d’imaginer à quoi pourrait ressembler le secteur des bars post-confinement.
A titre d’exemple, la période post-confinement de juin est considérée comme une réussite par les professionnels. Elle a notamment permis de réduire le déficit et de rééquilibrer les pertes du printemps. Néanmoins, le prochain déconfinement sera-t-il similaire au précédent ? La réponse est non.
Sur le volet économique, les patrons de bar ne bénéficieront pas de l’apport du tourisme, même local, ce qui avait été l’aide majeure de l’été dernier. La relance ne sera donc pas effective à la reprise de l’activité. Quid de l’aide d’Etat ? Les bars bénéficieront-ils toujours de subvention ? Par ailleurs, la clientèle étant moins abondante, le chiffre d’affaire sera certainement inférieur aux attentes classiques de la période. La solution qui revient avec insistance est la vente à emporter qui pourrait se démocratiser. En effet, ce système de vente pourrait être amené à devenir une priorité commerciale pour nombre d’enseignes afin de pallier au manque de clientèle physique. Enfin, le secteur étant en crise, il faudra s’attendre à ce que l’offre proposée soit réduite et à ce que les prix augmentent.
Par ailleurs, sur l’aspect sanitaire, les mesures prises en juin seront certainement durcies. Un nombre de client limité sera probablement instauré avec le maintient des règles d’hygiène essentielles (masque, distanciation sociale, etc..). Les horaires d’ouverture seront sans doute extrêmement limitées à l’instar de l’avant couvre-feu (18h-22h). Les bars risquent alors de perdre pendant un certain temps l’âme qu’on leur prête. Ils ne seront plus des lieux de partage mais uniquement des lieux de consommation.
« Le bar de demain » différera de celui que l’on connaît. Les commerces qui auront résisté à ce nouvel arrêt de l’activité devront définir les contours du « nouveau bar » et auront la tâche de relancer un secteur en perte de vitesse.
– Pierre Coplo