Le cannabis est de loin la drogue illicite la plus consommée et la plus accessible en France. Bien qu’elle soit clairement interdite par la loi, cette drogue est plus fumée en France que dans n’importe quel autre pays d’Europe. A contrario, le CBD, sa petite sœur, ne partage pas ses effets néfastes.
La marijuana, le haschich, la beuh, la weed… autant de noms à cette drogue dite douce que de féroces consommateurs. À usage récréatif dans la plupart des cas, le cannabis voit un nombre croissant de ses consommateurs le délaisser pour le CBD.
Nous avons rencontré un chercheur en laboratoire d’analyses spécialisé sur le chanvre, en particulier sur le dosage du CBD, ainsi que le vendeur de The Hemp Concept Lille (magasin de produits à base de CBD).
Une alternative florissante, sur le marché comme pour la santé
Le CBD a été découvert en 1963. Depuis, un puissant effet de mode a amené des dizaines de boutiques spécialisées en produits dérivés à ouvrir leurs portes en France, particulièrement depuis 2018. On trouve dans la consommation de cette plante un moyen de soigner et d’oublier ses tracas quotidiens. Des études ont prouvé que le CBD permettait d’atténuer les douleurs et les inflammations, de réduire l’anxiété, d’alléger les crises d’angoisse et de dépression, voire de traiter certaines maladies.
« Malheureusement on ne peut pas attester des vertus parce qu’il n’y a pas de consensus malgré les nombreuses recherches. Elle agit sur certaines pathologies, la plus connue étant la polyarthrite rhumatoïde. Ça complète voire remplace les traitements à base d’opioïdes qu’on prescrit aujourd’hui et qui ont beaucoup d’effets secondaires. Le CBD, lui, n’en a pas », précise le laborantin.
Depuis juillet 2019, l’Agence du Médicament est chargée d’effectuer des études sur les effets thérapeutiques du cannabis (avec THC) sur des patients atteints de troubles et maladies graves.
D’ici à sa légalisation et son encadrement, le CBD attire les malades qui y trouvent un moyen de se détendre assez flagrant, particulièrement depuis le premier confinement qui accentue les angoisses. « Tu ne peux pas tout soigner avec le CBD mais ça peut réellement t’aider : ça ne te fait pas du bien mais ça enlève ton mal », assure Mathys. Il a remplacé depuis quelques temps sa consommation de cannabis dit récréatif pour le CBD, « ça a bien marché sur moi : je faisais des névralgies faciales, ce sont des très grosses migraines extrêmement douloureuses. J’ai pris de l’huile de CBD et je me suis rendu compte 2 mois après en avoir consommé quotidiennement que je n’avais plus mal. »
« Pour l’instant le CBD n,’est pas un médicament. Du moins, il existe sous la forme de médicaments déposés mais qui n’ont jamais été commercialisés, on ne peut pas les acheter. L’industrie pharmaceutique a tendance à se tourner vers les produits synthétiques, ce qui est normal puisqu’on y a un contrôle total. Quand on a du CBD naturel on a des traces de produits qui varient, c’est impossible à purifier totalement », ajoute le laborantin.
Une législation qui se fait attendre
Il existe trois volets dans le cannabis au niveau législatif : le récréatif, qui n’est pas prévu d’être légalisé dans les années à venir ; le thérapeutique, avec THC ; et le cannabis « bien-être » (à usage médical, sans THC), actuellement à l’étude.
La réglementation française interdit toutes les opérations concernant le cannabis, notamment sa production, sa détention et son emploi, sauf s’il entre dans le cadre d’une dérogation permettant l’utilisation du chanvre à des fins industrielles et commerciales. Dans le cas du CBD, si son taux ne dépasse pas 0,2% de THC, il peut être légalement vendu en France. Toutefois, la législation reste assez floue à l’heure actuelle ; aucun texte de loi ne statue clairement sur la légalité du CBD.
Une impasse pour ses défenseurs et acteurs que commente le scientifique : « On marche sur la tête. Il y a des produits au CBD en France qui sont commercialisés, on nous demande un taux de 0% de THC, chose qui est impossible. Car il y toujours des traces, même infimes – elles ne provoquent aucun effets psychotropes sous une certaine dose – C’est une zone grise. »
Plus de 90 000 hectares de terres sur le continent européen sont consacrés à la fabrication du chanvre, dont la plupart sont concentrées en France. « Les chanvreries de France sont contraintes de brûler les fleurs (cannabis) de la plante. Alors qu’une législation claire permettrait d’augmenter les rendements des agriculteurs qui ont du mal. »
Aujourd’hui le CBD a le statut de complément alimentaire, au même titre que la caféine par exemple, on ne peut par contre pas parler d’allégation thérapeutique, même si ses effets deviennent de plus en plus connus. Son association directe au cannabis, mot tabou en France, complique aussi grandement la communication sur le CBD qui pourrait pourtant soulager bien des Français.
Lucie Pelé
Zoom :
Quand le marché du cosmétique joue avec l’image du cannabis
Face à l’effet de mode croissant autour du cannabis, le marché français s’est tourné vers une plante quasi-identique : le chanvre industriel. Crèmes, huiles, mascaras, les produits dérivés à base de chanvre font rage, surtout en matière de cosmétique. Mais cet engouement n’est-il pas le reflet d’un simple argument marketing ?
Cultivées selon un programme de sélection génétique intensif, le chanvre est ici récolté pour ses graines qui, pressées à froid, permettent d’obtenir une huile utilisée dans les produits cosmétiques. Elles ont des propriétés hydratantes puisqu’elles permettent de produire une huile riche en Oméga 3 et 6, qui génère aussi un effet apaisant et décontractant sur le corps du fait de sa teneur en CBD. Cependant, pour être commercialisés, ces produits doivent répondre à certaines normes.
La MILDECA (la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives) est formelle : pour être développé sur le marché, un produit composé de CBD doit avoir une teneur en THC de 0%. Pourtant, les marques usent de l’image de la feuille de cannabis récréatif comme argument marketing. Dessinée sur les packagings, cette dernière fait parfois naître une confusion entre le chanvre à usage industriel et le cannabis récréatif, si bien que les consommateurs achètent des produits qu’ils pensent être composés de cannabis.
Mais cette utilisation trompeuse de cette feuille comme élément de publicité est condamnée, notamment par la MILDECA, qui y voit une incitation à la consommation de stupéfiant. Elle met en exergue l’effet de mode que suscite cette plante, ainsi que sa valorisation, auprès des jeunes notamment, par des personnes publiques influentes, qui rendent la consommation de stupéfiant séduisante.
Anna Govin