La mode responsable, une démarche nécessaire qui allie prise de conscience et investissement
Le phénomène de la Fast-Fashion s’est développé dans les années 90 avec l’arrivée de grands groupes en France comme Zara. Depuis, l’industrie du textile a poussé à la surconsommation dans les pays développés. Mais produire de manière excessive a des impacts environnementaux et sociaux. La possibilité de consommer durablement est aujourd’hui une nécessité.
Des vêtements à petits prix et une offre diversifiée, une option réalisable qui démocratise le monde de la mode. Ce phénomène porte un nom : la Fast Fashion. La mode rapide en français, est une stratégie de certaines marques de l’industrie vestimentaire, consistant à renouveler les collections très régulièrement et à proposer des vêtements à bas prix. Les marques Zara, H&M, Primark ou encore Mango, pour n’en citer qu’une partie, en sont ses représentantes et vont jusqu’à proposer une nouvelle ligne par semaine. Leur objectif : toujours plus d’offres à prix cassés pour répondre à la demande des classes moyennes, notamment dans les pays émergents. Mais ce modèle cache des conséquences désastreuses sur le plan environnemental et humain.
“La mode passe, le style reste”
L’industrie du textile est la plus polluante au monde après le pétrole. Selon des estimations de la Fondation Ellen MacArthur, cette industrie émet 2 % des émissions globales de gaz à effet de serre, davantage que les transports maritimes et aériens réunis. En 2050, le secteur textile émettrait même 26 % des émissions globales de gaz à effet de serre si les tendances actuelles de consommation se poursuivent. « La mode passe, le style reste » ; une citation d’Yves Saint-Laurent qui mériterait d’être ajustée. Aujourd’hui, la mode passe certes, mais les impacts environnementaux et sociaux qu’elle provoque s’inscrivent dans le temps.
Le coton, majoritairement utilisé lors de la fabrication de vêtements, contribue à la pollution de la planète. Sa culture est la principale consommatrice de pesticides au monde et utilise d’importantes quantités d’eau douce. Une problématique pour les régions productrices de coton comme la Chine et l’Inde qui souffrent déjà de contraintes sur l’accès à l’eau douce. 70 douches sont nécessaires pour fabriquer un T-shirt. Les régions productrices de coton comme la Chine et l’Inde souffrent déjà de contraintes sur l’accès à l’eau douce, l’industrie du textile les prive ainsi d’une ressource essentielle.
“Il faut l’équivalent en eau de 70 douches pour fabriquer un T-shirt” (Fondation Ellen McArthur, 2017)
Si l’impact de cette industrie est très négatif pour l’environnement, il l’est également sur le plan social. Le non-respect des normes sanitaires ou sociales élémentaires est courant dans les pays en développement. L’effondrement du Rana Plaza, en avril 2013 au Bangladesh – qui avait causé la mort de 1 138 personnes parmi les travailleurs des ateliers de couture –, a été un révélateur. En France, il a conduit à l’adoption en 2017 d’une loi sur le devoir de vigilance des grands groupes vis-à-vis des pratiques sociales et environnementales de leurs fournisseurs. C’est ainsi que de nombreux sites et marques ont fait le pas d’entamer une démarche éco-responsable qui ne néglige ni les conditions de travail ni la qualité des vêtements.
Consommer autrement, mais à quel prix ?
Le site internet Byoo Store (« Build Your Own Oasis »), créé en 2018, a pour mission de promouvoir une mode éthique et responsable. Il propose des vêtements de marques, celles-ci devant respecter des critères de fabrication imposés. Cette alternative permet d’exposer des produits écologiques et de démocratiser la consommation responsable. Tous les vêtements proposés sont issus d’une production européenne mais cela a un prix. Il faut compter minimum 35 euros pour un T-Shirt et 80 euros pour un pull. Un investissement justifié par la qualité des vêtements. Il peut être préférable d’acheter moins souvent et de garder le produit plus longtemps. Une solution rationnelle puisque 70% de notre garde-robe reste au placard.
Consommer de manière durable ne signifie pas forcément d’acheter sur des sites de mode responsable, des magasins de seconde main ou des friperies. Il est tout simplement possible d’acheter moins. 70% de notre garde-robe reste au placard. Même si la publicité, le marketing et les opérations promotionnelles nourrissent notre insatiable besoin de nouveauté, l’accumulation de vêtements ne rend pas plus heureux.
Camille Fraioli
Vidéo : Rencontre avec une jeune designeuse engagée dans la mode éthique
Zoom : La cause Ouïgour, à l’origine d’une prise de conscience ?
Grâce aux médias, nous avons tous plus ou moins conscience que la plupart des articles vendus dans les grandes enseignes de fast-fashion ne sont pas fabriqués de manière éthique du point de vue des droits humains. La prise de conscience s’est accentuée ces dernières années grâce aux réseaux sociaux sur lesquels fleurissent de nombreuses informations concernant l’exploitation de certains travailleurs des usines de fast-fashion.
Depuis 2019, grâce à Raphaël Glucksmann, essayiste et député européen, les Français commencent à entendre parler de la persécution des Ouïghours et du travail forcé qu’ils effectuent dans les usines fabriquant de la marchandise pour de grandes enseignes de fast-fashion. Plus de 80 000 Ouïghours ont été amenés dans ces usines entre 2017 et 2019.
En 2020, le monde commence à prendre conscience du traitement de ce peuple persécuté, bien que très peu de médias traditionnels évoquent le sujet, les réseaux sociaux s’emparent de la cause.
On assiste alors à une réelle prise de conscience collective face au traitement des travailleurs des usines fabriquant la marchandises des enseignes de fast-fashion.
Raphaël Glucksmann, comme d’autres, appelle au boycott de 83 marques, dont Nike et Zara, faisant partie de « La liste de la honte », c’est-à-dire les marques accusées de bénéficier de la mise en esclavage des Ouïghours et donc de les exploiter.
Une pétition lancée par l’essayiste à l’attention du Président Emanuel Macron « M. le Président, agissez pour protéger les Ouïghours » a été signé par plus de 247 000 personnes.
Certaines multinationales prennent alors conscience de l’ampleur de la mobilisation et quelques enseignes comme H&M se sont récemment engagées à cesser toute relation avec un fournisseur incriminé dans l’esclavage des Ouïghours. D’autres n’assument pas leur implication dans le mauvais traitement de ce peuple, ne souhaitent pas cesser leur relation avec les fournisseurs incriminés ou encore ignorent les accusations.
Bien que le combat soit complexe et loin d’être terminé, les politiques commencent à dénoncer les traitements que subissent les musulmans du Xinjiang, et notamment le travail forcé auquel ils sont soumis dans les usines.
Une chose est sûre : la cause Ouïghoure, par l’ampleur qu’elle a prise en cette année 2020, aura amené un grand nombre de personnes à se questionner sur les conditions dans lesquelles sont fabriqués leurs vêtements.
Zoë Bellamy