Face à la détresse psychologique des étudiants, Nightline tend l’oreille
Lancé en 2016 à Paris, Nightline est un service d’écoute nocturne tenu par des étudiants bénévoles formés à l’écoute active. De 21 h à 2 h 30, les écoutants répondent au téléphone ou par chat à ceux qui ressentent le besoin de parler et d’être écoutés.
« Je suis angoissée » ; « je dors très mal » ; « je suis diagnostiquée dépressive depuis trois ans mais aucun prof ne fait l’effort de vouloir comprendre » ; « la peur de l’échec intensifie mes crises de panique ». Ces phrases sont celles d’étudiants débordés, incompris, délaissés par un gouvernement qui les a, une fois de plus, confinés sans accorder la moindre attention à l’impact psychologique.
Dépression, anxiété, pensées suicidaires… La vie étudiante ne se résume pas à faire la fête et vivre les plus belles années de sa vie. Trop souvent réduits à la psychiatrie, les problèmes de santé mentale peuvent affecter n’importe qui. Or, il existe un tabou autour de ces troubles psychiques, alimenté par un faible niveau de connaissance du grand public et des soignants. L’objectif de Nightline : déstigmatiser et démocratiser l’idée de santé mentale, en particulier pour les étudiants.
Un service par et pour les étudiants
« Notre but, c’est d’être présent pour les étudiants qui se sentiraient seuls, ou qui ressentiraient le besoin de parler, sur quelque sujet qui soit », indique Simon Lottier, président de Nightline Lille. Les appels sont gratuits, anonymes, confidentiels, non directifs et sans jugements. Il n’y a pas de mauvaise raison d’appeler, les bénévoles ne hiérarchisent pas l’importance des sujets. « On n’est pas des psychologues donc on ne donne pas de conseils, notre but est d’être une oreille attentive. » Au bout du fil ou derrière l’écran d’ordinateur, tous sont étudiants. Ils deviennent bénévoles écoutants après deux week-end de formation à l’écoute active, élaborée avec des psychologues spécialistes.
D’un problème particulier à une discussion pour parler cinéma, toutes les raisons sont bonnes pour appeler ou chatter. « Les étudiants nous appellent principalement pour leur vie personnelle, mais certains veulent juste papoter. D’autres vont aborder des sujets plus sérieux. Certains ont vécu des choses horribles, et c’est plus fréquent qu’on ne le pense. »
L’écoute active : la discussion est centrée sur la personne qui parle, mais le bénévole écoutant reste actif dans l’objectif de discuter, d’être présent et de montrer à la personne qu’il est là pour elle.
La santé mentale, un sujet encore trop tabou
Entre le stress scolaire, financier, professionnel, le chemin des études se transforme souvent en véritable parcours du combattant. La santé mentale c’est l’état d’équilibre individuel et collectif qui permet de se maintenir en bonne santé malgré les difficultés. Elle ne consiste pas seulement en une absence de maladie psychologique. En 2017, ce sont 2/3 des étudiants qui présentaient des signes de dépression.
« La santé mentale, c’est comme la santé physique. C’est pas parce que tu n’as pas une grosse maladie physique que tu ne peux pas avoir de plus petits bobos qui ne nécessitent pas qu’on s’y attarde. » Une bonne santé mentale ne se résume pas à l’absence de troubles mentaux. « Il faut démocratiser l’idée que la santé mentale, c’est valable pour tout le monde, en particulier pour les étudiants. »
Emmanuel Macron a récemment affirmé que c’était dur d’avoir 20 ans en 2020. Mais Simon rectifie : « C’est jamais facile d’être étudiant. » Il déplore un milieu associatif peu soucieux de la santé mentale, un sujet sous-développé en France. Les services d’aide psychologique comme la BAPU ou le SUMPPS sont saturés. Pour déstigmatiser la notion de santé mentale, l’association aborde des sujets tels que le stress, les troubles du comportement alimentaire ou l’insomnie au travers d’interviews, de témoignages et d’articles postés sur leurs site et réseaux sociaux. « Il faut faire de la communication pour expliquer aux gens que c’est normal de ne pas toujours aller bien, d’avoir besoin de parler, ce n’est pas être faible. » Le deuxième volet de leur action consiste à faire de la prévention en classes préparatoires. (Cf. petit papier)
Comment limiter l’effet du confinement sur le moral ?
Nombre d’études psychologiques mettent en évidence qu’il ne pas sous-estimer les conséquences psychologiques du confinement. D’abord, il faut comprendre ses émotions et ne pas avoir peur de demander de l’aide. L’accumulation de pensées négatives ou la difficulté de se sentir bien sont des signaux d’alerte, indiquant qu’il faut consulter un spécialiste ou parler à quelqu’un. Les troubles du sommeil et de l’alimentation sont eux aussi signes d’un mal-être.
L’une des solutions évoquées par de nombreux psychologues pour surmonter le confinement et ses conséquences psychiques est de mettre en place une routine. Il convient de garder un rythme de vie et de travail similaire à celui en temps normal, tout en trouvant des activités agréables comme le sport, la peinture, la cuisine, la musique… pour se donner une raison de se lever le matin, sans pour autant se surcharger. Enfin, préserver le lien social reste primordial. A l’heure actuelle, les technologies le permettent amplement, comme les fameux apéro Zoom.
Il existe également d’autres numéros d’écoute comme le SOS confinement (0800 19 00 00) ; le Suicide Ecoute (01 45 39 40 00). Plusieurs associations se mobilisent pour les personnes isolées comme l’Association Astrée (03 59 54 11 35) ; S.O.S Détresse (0 890 50 45 22) ou encore la Croix-Rouge française (0800 858 858).
Maxence Grunfogel
Vidéo - Détresse étudiante : quand le confinement s'en mêle
Zoom : prévenir contre le désespoir dans les classes préparatoires
Réputées pour leur rigueur et leur exigence, les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) soumettent les étudiants à un niveau de stress majeur. Nombre d’étudiants témoignent ainsi de coups de blues, de crises de nerfs et d’angoisses. Nightline a donc mis en place des activités de prévention auprès des élèves, professeurs et équipes médicales des classes prépas.
Ces interventions de sensibilisation peuvent être encadrées par la psychologue clinicienne de Nightline, Aude-Marie Gauthier, ou par des bénévoles-écoutants. Les stands montés dans les établissements et les courtes présentations en classe ont pour objectif de déstigmatiser les problèmes de santé mentale et de mettre à disposition des étudiants des ressources d’aide. Des livrets sont ainsi distribués aux élèves, comprenant un mini-dico de la santé mentale, des astuces pour vivre ses études de manière sereine mais aussi des auto-questionnaires scientifiques afin d’apprendre à faire un point sur soi. D’autres livrets à destination des professeurs sont également distribués par les intervenants en guise de support d’accompagnement.
Enfin, Nightline met en relation les équipes médicales scolaires entre elles et avec d’autres soignants pour permettre un meilleur partage des connaissances. L’association aide aussi à la recherche de partenaires extérieurs gratuits tels que les centres médico-psychologiques.
Selon Simon Lottier, président de Nighline Lille, les retours sur les interventions dans les classes prépas ont été très positifs. « Le fait de délivrer des livrets d’informations a été apprécié, et les étudiants en CPGE semblent être particulièrement demandeurs de ces activités de prévention autour de la santé mentale. »
Lison Le Gloan