« Vivre et apprendre dans des fermes bio et paysannes », tel est le slogan du programme WWOOF (Worldwide Opportunities on Organic Farms). Les volontaires proposent leur aide au sein d’une ferme biologique, en échange du gîte et du couvert. Jakob, un Australien de 18 ans, a tenté l’expérience chez Céline et Antoine à Cassel. Tout comme Kate, Américaine, qui a été wwoofeuse pendant 3 semaines en Moselle.
Quoi de mieux que de mettre les mains à la terre, et d’être guidé par de véritables connaisseurs de la nature pour (re)découvrir le monde de l’agriculture ? Il est 10 heures à Cassel, quand Jakob et Céline s’attaquent à la cueillette des pommes, dans le climat frais et humide des Flandres. Entre deux fruits soigneusement ramassés, le Melbournien se confie : « Moi, je l’ai fait car je voulais être dans la nature, et vivre une autre culture. La vie dans la campagne, c’est différent ! »
Depuis 2007, plus de la moitié de la population mondiale vit en ville. Vivre dans une métropole provoque souvent une coupure avec la nature. Céline, qui accueille Jakob pendant 3 semaines témoigne : « les wwoofeurs cherchent souvent un retour au source ». L’air frais de la campagne, ses couleurs, ses produits locaux ! Jakob dit avoir « beaucoup appris » sur le monde agricole durant son séjour. Il a eu l’occasion de « passer l’après-midi sur une fête un peu folklorique avec des producteurs locaux. Il découvre plein de gens, pratique le français, voit le style de fête rural ! », raconte la maraîchère.
Bénéfique pour les wwoofers, et les hôtes
« C’est le monde qui vient à nous. » Ce sont les mots de Céline, qui accueille des wwoofeurs depuis son installation en 2020. Avec son mari, ils ont eu l’occasion d’héberger des voyageurs du monde entier : néo-zélandaise, chinois, afghan… Un véritable échange de culture s’opère entre les wwoofers et les agriculteurs, entre cueillette de fruits et moments familiaux partagés. « Ce sont aussi beaucoup de temps humains. C’est ce qui est sympa dans le WWooFing. On essaie d’être dans la transmission et la découverte. » En évoquant son séjour dans un ferme biologique mosellane, Kate, venue des États-Unis, se rappelle : « L’un des principaux avantages a été de nouer des liens avec des personnes vivant dans différents endroits. » Sur le plan professionnel, les voyageurs apportent une aide conséquente au sein des exploitations biologiques, qui demandent une charge importante de travail manuel. Un partage des connaissances se met en place, et permet aux wwoofers de mieux maîtriser ce milieu, à l’image de Kate. Ayant travaillé dans la recherche sur les politiques agricoles durables, elle envisage de créer sa propre ferme aux États-Unis. « Le fait de travailler à la ferme m’a permis de découvrir différents modèles économiques agricoles, tels que l’AMAP, l’agriculture soutenue par la communauté et les paniers bio. »
Voyager autrement, consommer autrement
76% des jeunes souhaitent voyager, rapporte Statista. Le coût élevé est cependant un frein important. C’est une des raisons pour laquelle Jakob s’est tourné vers cette expérience : « Il fallait trouver un moyen d’explorer et de découvrir l’endroit. C’est bon marché. On ne doit pas payer tous les soirs pour dormir et manger ».
Dans nos sociétés occidentales, la consommation alimentaire est souvent déconnectée de la production : fruits et légumes importés, saisons effacées…

©soren
Le WWOOFing renverse cette logique. Au cours de leur séjour, les voyageurs consomment autrement. C’est un des points positifs que retient Kate de son passage dans la ferme de Violette et Damien :
« J’ai beaucoup apprécié de pouvoir manger des fruits et légumes fraîchement récoltés. J’essaie de faire mes courses dans des magasins à la ferme, ou sur des marchés fermiers, mais rien ne vaut le goût des fraises de la ferme ! »
Lili HEIP
Photos Soren Louvel-Durier
Zoom sur la genèse du mouvement
Worldwide Opportunities on Organic Farms (WWOOF) est un mouvement aujourd’hui devenu international regroupant plus de 50 organisations à travers 130 pays, mais à la base ce n’est l’oeuvre que d’une seule femme.
En automne 1971, Sue Coppard, une secrétaire dans un établissement universitaire de Londres, ressent “un manque de campagne”. Elle contacte la ferme bio-dynamique d’Emerson College dans le Sussex et leur demande si elle peut s’y reposer un weekend. Réponse positive à peine reçue elle plie bagage et s’y rend le jour même. L’expérience est un déclic, Sue veut développer la possibilité pour les citadins de découvrir la campagne tout en soutenant l’agriculture biologique le temps d’un weekend. Elle lance alors le mouvement Working Weekends On Organic Farms. Le succès est rapide et le mouvement se développe dans toute l’Angleterre. Elle décide dans la foulée de changer de nom pour Willing Workers on Organic Farms, nom qui posera problème car le terme workers (travailleurs) faisait référence à une rémunération et que le droit de travail de certains pays, dont la France, était pointilleux sur la question.
Le terme évolue alors pour devenir celui encore d’actualité : Worldwide Opportunities on Organic Farms. Ensuite, c’est en 1983 que le mouvement connaît un réel succès attirant des milliers de WOOFers venus du monde entier jusqu’en Angleterre. Par la suite, le mouvement s’implanta dans toute l’Europe puis partout dans le monde pour connaître en 2024 un pic à plus de 100 000 WOOFers et près de 12 000 fermes-hôtes.
Timéo LEPLAT