Sur les tournages, les éco-productions en actions !

Sur le décor d’un téléfilm, installé à l'université catholique de Lille, vendredi 7 novembre 2025 Amélie, régisseuse et l’une des trois éco-productrices recensées dans le Nord, veille à ce que chaque geste du tournage soit pensé pour réduire son impact environnemental. Dans un secteur où les productions audiovisuelles génèrent une forte empreinte carbone entre déplacements, décors et consommation énergétiques, son rôle illustre la volonté de transformer les pratiques pour les rendre plus durables.

Avec près de 1,7 million de tonnes de CO₂ généré chaque année par le secteur, en France, selon une étude menée par Ecoprod en 2024, les tournages doivent repenser leurs pratiques. C’est installé sous les feuilles aux couleurs d’automne, près des allées où les étudiants circulent, que nous avons rencontré Amélie qui nous a éclairées sur les enjeux environnementaux qui traversent les métiers du tournage.

Les éco-productions, terme encore méconnu, sont pourtant nées en 2009 avec le collectif Ecoprod. Le label officiel, lancé en 2022, est pleinement actif depuis janvier 2025. Mais, quel est le rôle d’un éco-producteur ? Amélie, nous explique. Son rôle se déploie en trois temps : avant, pendant et après le tournage. En amont, elle dialogue avec les chefs de poste pour limiter l’impact environnemental : décors réutilisables, accessoires de seconde main, lieux existants plutôt que des constructions neuves et cherche à trouver un maximum de partenariat écologique et/ou local. Pendant le tournage, elle veille à la consommation d’énergie, au tri des déchets, et surtout, collecte les données nécessaires au bilan carbone. « Pour ça, j’ai besoin de data », précise-t-elle. Chaque midi, par exemple, elle recense le nombre de plats végétariens ainsi que les kilomètres parcourus par ses collègues et les figurants.

Les changements sont visibles : les groupes électrogènes à essence, ont laissé place à des dispositifs rechargeables. Les bouteilles en plastique ont disparu pour être remplacées par des bonbonnes d’eau et de bouteille en verre consignées. Même les gobelets sont réutilisables, même si Amélie nous précise qu’il y a toujours des gobelets en cartons quand il n’y a pas d’autres solutions.

Côté alimentaire, elle  privilégie le local et le frais : charcuterie, fromage, biscuit en vrac, confitures et miel artisanal, beurrier réutilisables… « Ce n’est pas d’être parfait, vu qu’on ne le sera jamais, c’est juste d’améliorer les choses, de faire des consensus ».

« Le but, c'est vraiment de réduire les déchets, de manger quand même un peu mieux et de faire attention à tout ce qui est énergie. »
Amélie
éco-productrice

Une écocup pour chaque personnes présentes sur le plateau avec son nom inscrit dessus | Photo de Constance Pruvost

Fontaine à eau mis en place pour les personnes présentes sur le plateau | Photo de Constance Pruvost

Les produits proposés viennent de producteurs locaux et sont achetés en vrac | Photo de Constance Pruvost

L’éco-production, entre défis quotidiens et nouvelles habitudes

L’éco-production implique un dialogue constant avec les équipes : décorateurs, chefs opérateurs, responsables de figuration… Ensemble, ils cherchent à limiter l’impact de chaque poste. On privilégie les décors existants, les accessoires de seconde main, et on évite de construire de nouveaux décors sauf nécessité. Dans ce cas, on tente de les réutiliser ou de les donner, comme ce fut le cas avec des feuilles de décor offertes à une école de cinéma à Roubaix par Amélie. 

Même les détails techniques comptent : mise en place de systèmes spécifiques pour nettoyer les pinceaux sans polluer les eaux, usage croissant de LED pour limiter les filtres, et scénarios pensés pour réduire les déplacements et le nombre de véhicules de jeux.

Ce n’est pas toujours simple. Être écologique a un coût plus élevé,  « dès que tu as peu de budget, et que tu as envie de faire un truc simple, c’est facile de mettre les éco-productions de côté« . Les productions privées, avec plus de budget, peuvent mettre en place plus facilement des mesures. Dans le public, il faut parfois négocier. La solution est parfois de privilégier la qualité à la quantité et de s‘entraider entre éco-coproducteurs/trices. Privé ou public, même les non-éco-productions, depuis le 1er janvier 2024, le CNC leur impose, à ceux bénéficiant de ses aides de fournir un bilan prévisionnel et définitif des émissions carbone liées au tournage.

Aujourd’hui, certaines pratiques sont désormais devenues des standards : tout le monde prévoit sa gourde, les bonbonnes d’eau sont la norme ainsi que le tri des déchets… Une nouvelle norme est en train de s’installer, même si cela n’a pas toujours été le cas. « Il y a trois ans, imposer un repas végétarien par semaine, c’était mal perçu. Les toilettes sèches aussi », confie Amélie. Les mentalités évoluent, les équipes s’habituent, et même les cantines s’adaptent : les plats végétariens, autrefois peu appréciés, sont désormais mieux cuisinés et souvent choisis, même par des non-végétariens. Le dialogue reste essentiel, car « beaucoup n’ont pas la même sensibilité ». Les résultats sont là : les productions d’Amélie affichent un bilan carbone bien inférieur à la moyenne nationale. « Pour un téléfilm, le CNC estime 106 tonnes. Nous, on est souvent entre 50 et 75. »

Perrine Carton

Zoom

Quand l’audiovisuel prône l’écologie

Le 9 mars 2022, le documentaire Les Gardiens du climat d’Erik Fretel est révélé au public. Son objectif : montrer les héros du quotidien normands qui luttent contre la crise climatique. Avec un style alliant comics et journalisme, Les Gardiens du climat cherche à sensibiliser une large partie de la population, qu’elle soit locale ou régionale, jeune ou âgée.

Quatorze gardiens du climat sont présentés au cours de l’heure et trente-six minutes proposées par Erik Fretel. Chaque gardien dispose d’un nom de super-héros tel que Barbe Verte pour Emmanuel Mury ou encore Docteur Elektro pour Fabien Achard de Leluardière, ainsi que de sa propre illustration en super-héros, pour rappeler le style comics voulu par le réalisateur.

Ici, l’audiovisuel met en avant l’écologie, le retour à un mode de vie plus sain et naturel. Alors que le monde se dirige de plus en plus vers un point de non-retour concernant le changement climatique, les protagonistes du documentaire proposent leur façon d’agir et leurs solutions pour lutter. Une bonne façon de rester optimiste !

Des solutions accessibles à tous existent pour pallier ce problème climatique:  déménagement en vélo, recyclage de vêtements ou encore production de leur propre électricité, chaque gardien lutte à sa façon et à sa propre échelle pour agir face au changement climatique.

Les Gardiens du Climat est un documentaire engagé et pédagogique, qui nous pousse à réfléchir sur la crise écologique, mais aussi à agir. Si ces héros ont réussi à le faire, pourquoi pas nous ? Soyons tous des gardiens du climat !

– Daphné Carlier

Cette vidéo ci-dessous permet de montrer qu’au-delà de l’écologie, le traitement des animaux sur les tournages représente un enjeu important pour le cinéma.

Vidéo réalisée par Lison Braun.

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