Épiceries solidaires étudiantes : la fin de la faim ?
Les épiceries solidaires proposent aux étudiants des denrées alimentaires et des produits d’hygiène en moyenne 80% moins chers qu’en magasin. L’objectif ? Permettre à un public précaire de s’alimenter dignement mais aussi de reconstruire du lien social. L’Université de Lille accueille ces dispositifs d’aide alimentaire depuis 2018.
Une troisième épicerie solidaire ouvre à Moulins dans les prochains mois. Lancées en 2018 avec Episcea, leur principe est simple. Organisées par des étudiants, elles constituent des partenariats avec des grandes surfaces. Celles-ci leur offrent leurs stocks excédentaires ou des denrées proches de périmer, en retour elles défiscalisent leurs dons.
Ces collaborations apportent une dimension écologique aux épiceries qui ont à cœur de lutter contre le gaspillage alimentaire des grandes surfaces mais surtout, elles donnent lieu à un petit miracle économique. On trouve dans ces mini-supérettes recomposées un large choix de denrées alimentaires et de produits d’hygiène à très bas prix, souvent 80 à 90% moins chers qu’en magasin.
Ce dispositif a des effets très concrets. Grâce à la Campusserie, épicerie solidaire de l’université de Pont-de-Bois (Villeneuve d’Ascq), Noam est aujourd’hui moins financièrement dépendant du job en parallèle de ses études ce qui lui permet de s’investir dans le cadre associatif. Il aborde également sa deuxième année de licence d’histoire plus sereinement. Il peut mettre un peu d’argent de côté pour financer des projets futurs. À ces côtés, nous avons pu observer le fonctionnement et l’utilité des épiceries solidaires :
L’objectif des épiceries ? Michelle Fries en service civique jusqu’en décembre à la Campusserie en parle mieux que personne. “On considère que notre action est vraiment utile parce qu’on permet à des étudiants qui ne disposent pas spécialement d’aides de l’État ou de manière insuffisante, de pouvoir s’offrir des denrées auxquelles ils ne pourraient pas accéder sans l’épicerie. Offrir du choix est aussi très important pour nous, c’est une histoire de dignité.”
“Offrir du choix est aussi très important pour nous, c’est une histoire de dignité”. (Michelle Fries en service civique à la Campusserie)
Michelle s’est engagée auprès de la Campusserie puisqu’elle-même a connu la précarité et les privations en tant qu’étudiante. Dans le recrutement des membres de l’épicerie solidaire, le ressort humain de l’action est important. L’idée, au-delà de proposer des produits à bas prix, est de recréer du lien social pour l’étudiant précaire. Car la précarité — en plus de nuire à un parcours étudiant — isole et tue. Le 8 novembre 2019 Anas Kournif s’était immolé par le feu devant un bâtiment du Crous de Lyon afin de dénoncer la précarité étudiante. Avant de passer à l’acte, il avait expliqué sur les réseaux sociaux que c’était un geste politique en réponse aux choix politiques du gouvernement.
En effet, il y a de plus en plus de jeunes qui galèrent. Dans l’esprit de nos dirigeants ou de certains commentateurs politiques, cette formule est un pléonasme. Un jeune, ça galère, c’est même à ça qu’on le reconnaît. Pourtant, ça n’a pas toujours été le cas, du moins pas dans des proportions aussi dramatiques qu’aujourd’hui.
L’Observatoire des inégalités indiquait dans un rapport publié en 2020 qu’en “15 ans, le taux de pauvreté des 18-29 ans a presque doublé en passant de 8 à 13%. (…) Chez les 18-24 ans il est de 22% ce qui représente le double de la moyenne nationale.”
Précarité étudiante : un choix politique?
La précarité étudiante est la rencontre de facteurs structurels, conjoncturels et de choix politiques. Les employeurs exigent plus de qualifications à l’embauche. Mécaniquement les études s’allongent, l’entrée dans le monde professionnel est retardée mais la nécessité de financer ses études est encore là. Le gouvernement intervient alors en multipliant les offres politiques qui sont perçues comme des soutiens aux entreprises plus qu’aux étudiants. En témoignent les mobilisations de la jeunesse qui ont suivi l’annonce de certaines mesures comme le contrat première embauche en 2006 ou, plus proche de nous, la loi travail El Khomri et les subventions à l’embauche des jeunes. (#Onvautmieuxqueça)
Le Problème serait que ces mesures favorisent les étudiants qui parviennent effectivement à rallonger la durée de leurs études. Ceux qui disposent des conditions matérielles nécessaires à cet effet. Pas les plus précaires donc.
La crise du Covid aurait simplement visibiliser la brèche de la précarité étudiante, creusée par des années de politiques néo-libérales.
Les réseaux de solidarités qui tentent d’y pallier sont un des remparts nécessaires à la reconstruction de la solidarité. Nous vous en parlions déjà l’an dernier avec les solutions pour et par les étudiants pour lutter contre la précarité alimentaire.
Myriam Mernissi
DÉZOOM SUR…
Les autres types d’aides :
Pour la troisième année consécutive, l’Université de Lille lance une campagne d’aide pour les étudiant·es précaires, à hauteur d’un million d’euros. Selon Adèle Bréant, chargée de mission dans le réseau “Épiceries Solidaires” à l’Université de Lille : “il s’agit d’un montant de 50 euros prenant la forme d’e-cartes et de chèques utilisables”. Elle ajoute qu’au sein de l’université, les FSDIE (Fonds de Solidarité et de Développement des Initiatives Étudiantes) “étudient les dossiers étudiants et peuvent permettre l’accès à des aides alimentaires et financières”.
Parmi les autres aides alimentaires destinées aux étudiant·es, il ne faut pas oublier de mentionner les paniers alimentaires à 2 €. Ce dispositif à petit prix porté par la FAEL (Fédération des Associations Étudiantes de Lille) et lancé l’an dernier a déjà permis la distribution de plusieurs milliers de paniers (jusqu’à 500 par jour de distribution).
Enfin, on compte les bénévoles qui organisent fréquemment des distributions alimentaires à destination des étudiant·es ainsi que les aides du CROUS qui comprennent notamment 100 repas gratuits en resto’U par année universitaire ainsi que des repas à 1€.
Alexis Lysimaque
Les boursiers·ières et les étudiant·e·s en situation de précarité sont invité·e·s à envoyer une demande à l’adresse suivante : aidesalimentaires@univ-lille.fr.