Repensons la production textile au bar des Trois Tricoteurs
Posted On 7 décembre 2021
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Juste à côté du musée de la Piscine, c’est dans les anciens locaux de l’office de tourisme de Roubaix que se sont implantés ces trois jeunes ingénieurs textiles. Après avoir travaillé dans des enseignes de grandes distributions, ils ouvrent les yeux sur leur impact écologique. L’industrie textile est en effet la plus polluante derrière l’industrie pétrolière. C’est décidé, les trois ingénieurs veulent travailler en étant en accord avec leurs valeurs, ou comme le dit Sacha, « consommer moins, mais mieux ». Ils réfléchissent alors aux alternatives qui peuvent être apportées. Sacha explique : “Nous nous sommes dits, la seule solution pour réussir à contrer toutes les problématiques du textile, c’est de réussir à produire à la demande. Si on n’a pas de stock, il n’y a pas d’invendu, il n’y a pas de gaspillage. »
Dans le bar des Trois Tricoteurs, pendant que vous venez boire un café ou une bière, vous pouvez acheter des chaussettes, des pulls ou encore des bonnets qui seront tricotés devant vos yeux. Au fond du bar, une machine à tisser circulaire italienne et deux machines à tisser rectilignes japonaises s’activent pour fabriquer vos vêtements. Et hop, voilà qu’en cinq minutes la machine à tisser circulaire vous fabrique vos chaussettes. Et hop, attendez entre 25 à 40 minutes, une bière à la main, et la machine à tisser rectiligne vous fera un pull ou un bonnet.
Le fil rouge (ou bleu, ou vert…) de ce lieu, reste de faire barrage à la fast fashion par la création de produits durables et responsables. Les matières utilisées pour la fabrication des vêtements sont naturelles et durables. Ils utilisent de la laine mérinos australienne, filée et teinte en Italie, ou du coton bio et du polyamide recyclé. Afin d’éviter de gaspiller de la matière et de devoir jeter un excédent de vêtements, Les Trois Tricoteurs, créent en fonction de la demande des clients. C’est-à-dire lorsqu’ils ont une commande sur internet, ou que les clients viennent acheter sur place.
Avec 46 % des Roubaisiens qui vivent sous le seuil de pauvreté, la ville historique du textile occupe la place moquée de ville la plus pauvre de France. Ce genre d’initiative telle que celle des Trois Tricoteurs paraît alors surprenante. On s’attendrait plutôt à voir éclore des idées comme celles ci au coeur du Vieux-Lille ou à Marcq en Baroeul. Mais en s’implantant à Roubaix, Les Trois Tricoteurs avaient plusieurs objectifs. D’abord, s’ancrer dans la culture textile de la ville. Par le biais de partenariat avec l’ENSAIT ou avec des organismes tels que Mode In Roubaix ; Alex, Sacha et Victor accomplissent déjà l’une de leurs ambitions.
Le second objectif est de « rendre la mode responsable accessible à tous ». Pour cela, leur pull made in Roubaix est à 85 euros, et 7 euros pour les chaussettes. Ils expliquent les prix des pulls en disant qu’un pull en laine mérinos made in France coûte deux fois plus cher sur le marché. Mais chez eux, ils peuvent se permettre de soustraire au prix de vente tous les intermédiaires tels que les transports, et donc ainsi diviser leur prix de vente par deux. Ils estiment également qu’il faut sensibiliser les consommateurs à investir une fois dans un pull à 85 euros qui tiendra plusieurs années, plutôt que d’acheter quatre pulls par an de mauvaises qualités.
Les prix restent toutefois élevés pour une grande partie des roubaisiens. La clientèle du lieu se compose alors majoritairement de touristes curieux qui après avoir visité le musée de la Piscine, viennent aux Trois Tricoteurs. Deux dames Nantaises ont profité d’être de passage aux alentours de Roubaix pour passer commande d’un pull dans ce lieu qu’elles qualifient d’« étonnant » et qu’elles avaient découvert dans un article de La Vie. De nombreux étudiants de l’ENSAIT se pressent également à la sortie des cours pour venir consommer des bières de brasseries locales. Ils constituent une clientèle majeure, quoique différente de celle à la base imaginée. Ils sont « plus intéressés par les bières que par les pulls » confie Sacha.
Margot SANHES
Alicia ROGGE
“Notre projet c’est aussi se battre contre la fast fashion, j’espère que les gens vont prendre conscience du problème”, explique Sacha, une des Trois Tricoteurs.
La fast fashion est une expression qui fait son apparition début des années 90 avec l’arrivée de chaînes de magasins de vêtements. La particularité de ces marques de modes est qu’elles renouvellent leurs collections régulièrement et les vendent à des prix cassés, ainsi leurs stocks sont réduits au minimum. La vente à bas prix leur est possible car ces magasins ont fait le choix d’une production à l’étranger, là où les coûts de production et les salaires sont plus bas.
Tout cela est donc bien bénéfique pour de grands industriels qui veulent faire du profit, mais la planète dans tout ça ?
La surconsommation de la fast fashion n’est pas sans conséquence. L’utilisation de matières non-renouvelables, de produits chimiques et les déchets issus des productions polluent massivement les sols et les océans.
Cette pollution est également causée par un gaspillage croissant. Selon une étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, 470 000 tonnes de déchets se retrouvent dans les ordures ménagères chaque année. Et pour cause ? Le consommateur est poussé à toujours acheter plus et toujours plus vite.
Ce problème de gaspillage est aujourd’hui devenu central au Chili, plus spécialement dans le désert d’Atacama, là où une montagne de vêtements ne cesse d’augmenter. C’est 39 000 tonnes de vêtements qui finissent dans ce désert, invendus.
« Produire moins, mais mieux », ne serait-ce pas donc ça notre avenir ?
Elise WALLE
Bar les Trois Tricoteurs : 7 Rue du Chemin de Fer, 59100 Roubaix
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