Le Labo 148 est un collectif créé en 2017 à la Condition Publique de Roubaix pour que la parole des jeunes existe. Les 15-30 ans se réunissent de façon hebdomadaire pour produire du contenu entre production artistique et production journalistique autour d’un thème annuel, 2024 se focalisant sur les jeunesses à Roubaix. Ils y trouvent de quoi jongler avec les différentes manières de s’exprimer.
Le Labo 148, c’est « un espace d’expérimentation sur l’audiovisuel », selon Quentin Obarowski, l’un des coordinateurs du collectif. Entre les plantes, les caméras et les micros, les éclats de rire fusent, le but étant de permettre aux jeunes de Roubaix et de ses alentours de s’essayer librement et sans contraintes à des productions de contenus audiovisuels et écrits. Quentin, apprécié de tous les jeunes du Labo, ajoute : « Les coordinateurs du Labo ne font qu’apporter les éléments nécessaires et tâchent à ce que chacun puisse trouver sa place en fonction de ses appétences et de ses compétences. » Tout ce petit monde se retrouve pour discuter et s’organiser selon les productions à venir, ou travailler à part sur des projets personnels. L’intérêt ici est de permettre à ces jeunes d’apprendre à exprimer leurs idées et créer des espaces afin de saisir la culture.
Avec un taux de chômage deux fois supérieur à celui des autres jeunes, ceux des quartiers populaires sont confrontés à un cumul de difficultés dans l’accès à l’emploi, dues à diverses causes allant de la formation initiale à des discriminations subies du fait de l’origine ou de l’adresse. Le Labo vise à réduire les écarts entre les personnes venants de milieux et de cultures différentes et leur offrir un accompagnement et des bases solides en vue de cette insertion.
Annuellement, les jeunes du Labo choisissent un thème. Cette année le sujet se concentre autour des jeunesses roubaisiennes illustré par l’expression : “Pas.Sage”. Le double sens peut être lu comme étant le passage de l’enfance à l’âge adulte et le gain de maturité qui suit cette évolution, mais aussi comme étant une jeunesse qui souhaite changer la donne et casser les préjugés à l’égard de l’ancienne ville industrielle.
« Accomplir des projets collectifs de manière individuelle »
Arto, membre du Labo 148 depuis deux ans prend grand plaisir à venir chaque semaine afin « d’accomplir des projets collectifs de manière individuelle ». Chacun peut exprimer son point de vue et apporter sa touche à chaque projet afin d’en faire une production unique et personnelle. Parmi ces projets, on retrouve des articles et des productions vidéos sur des thématiques de société au cœur des préoccupations des jeunes tels que l’exil, thème de l’année dernière ou les violences domestiques. Selon le ministère de l’Intérieur, dans les banlieues, on comptabilise 3,9 fois plus de personnes mises en cause dans des vols violents avec arme qu’ailleurs. Les violences sensibles, sexuelles ou intra-familiales, y sont aussi plus fréquentes (1,2 à 1,8 fois plus).
Les jeunes se réunissent souvent pour l’organisation d’événements par le Labo, ce mercredi, l’ambiance est électrique, tous sont impatients en vue de la soirée d’émission de radio libre de vendredi. Dans cette optique d’éveil et d’éducation aux médias et à l’audiovisuel les coordinateurs du Labo 148 ont mis en place l’année dernière, un partenariat avec l’INA (Institut National de l’Audiovisuel). Cette collaboration a permis la réalisation de cinq courts-métrages liants images contemporaines et images d’archives.
Le Labo 148 s’associe aussi avec des groupes non-gouvernementaux tels que le collectif La Friche composé de journalistes indépendants pour de plus grandes productions visant à apporter une information, raconter des histoires de manières différentes. Pour Quentin Obarowski, l’objectif c’est « essayer d’entrevoir la vérité des choses qui nous entourent ». La banlieue est le plus souvent perçue de façon péjorative et fait généralement figure de repoussoir alors qu’en même temps de tenter d’intégrer les classes populaires dans la société, invalide un rapport de classes en un problème de marginalité.
Matthieu Holyman
Dans les coulisses du Labo 148
Zoom : Au Labo 148, chacun
trouve sa place
Le Labo 148, plus qu’une agence de productions artistiques et journalistiques, est une communauté. Une joyeuse équipe, réunissant des jeunes, d’âges et d’horizons différents, qui évoluent ensemble au fil des projets. Au Labo 148, « chacun a su trouver sa place », nous confie Arto. Cet étudiant en photographie de 22 ans est arrivé il y a deux ans au labo, « un peu par hasard », à la recherche de stage et en est aujourd’hui un membre très actif. Les yeux pétillants, il nous livre la recette du bonheur made in Labo 148, groupe dans lequel il se sent « comme dans un cocon ».
« Sur les projets, chacun met la main à la pâte en apportant sa touche personnelle »,
affirme-t-il. La richesse des productions du groupe réside dans le fait que chaque jeune met son talent et ses idées au service du collectif. Arto confie « c’est le fait qu’on ait tous des centres d’intérêt différents qui pousse notre curiosité à travailler ensemble ».
Une émulation intellectuelle et artistique qui s’illustre dans des projets haut en couleur. L’apprenti photographe se rappelle du festival EXILIXE, finalité du projet annuel 2022/2023. « C’était énorme, le festival réunissait des shows de drag queen, des conférences, des radios libres, du théâtre et même des cours de boxe ! ». Tout cela sur fond d’engagement sur un sujet d’actualité : l’exil.
Une créativité aussi redoublée par la liberté du cadre du Labo. Le système de décision avec les encadrants est horizontal, ils sont surtout « des guides sur les projets » d’après Arto, avec pour objectif « la transmission de leur passion ».
Hannah Marie