Lazare est une association qui réinstaure le lien social en créant des colocations solidaires entre sans-abri et jeunes actifs depuis 2006. Située à Marcq-en-Barœul, l’une de leur Maison accueille actuellement 8 hommes.
Pandémie de solitude, crise du logement, comment changer notre façon d’habiter ? A Lille, selon le dernier rapport d’Adulm, plus de 3000 personnes vivent dans la rue. Si des associations subviennent à leurs besoins vitaux cela ne suffit pas car pauvreté et précarité conduisent à l’isolement social. C’est le constat de l’association Lazare pour qui l’aide matérielle doit aller de pair avec la reconstruction du lien social. C’est ainsi qu’à Marcq-en-Barœul à côté d’un presbytère se trouve une Maison vieille de deux siècles. Elle accueille aujourd’hui une colocation de jeunes actifs et d’anciens sans-abri.
De la solidarité et non de la charité
Il y a un sentiment d’impuissance face aux personnes qui vivent dans la rue. Il est possible de donner une pièce, un ticket restaurant, parfois même à manger. Mais ce rapport humain, reste toujours basé sur une nécessité matérielle, crée une verticalité entre ceux qui vivent à l’intérieur et ceux qui vivent dehors.
C’est un tout autre lien que l’association Lazare cherche à créer au sein de la Maison. Patrick l’un des colocataires explique qu’il « ne distingue pas les personnes qui viennent de la galère de ceux qui sont dans des situations stables, dans la maison on est tous égaux». Ici, le but est de soigner par l’amitié. Car « on ne se rend pas compte à quel point la rue détruit, la rue casse, la rue humilie». Malgré ces vécus très différents, c’est un rapport horizontal qui est créé : tous paient le même loyer et participent aux tâches de la maison.
Une utopie sociale
Aujourd’hui un nombre croissant de quartiers ne sont plus sources de cohésion sociale. Selon le bilan d’Initiative Solidaire, il y a une diminution des initiatives de solidarité locales et une dégradation des liens sociaux. A cela s’ajoute une explosion des prix des loyers. En effet, les études tendancielles montrent que l’immobilier augmente plus vite que les salaires. Il semble paradoxal de penser une société où les gens vivent seuls. Pour l’un des colocataire, Lazare c’est justement «le monde à l’endroit». Les associations telles que Lazare rappellent l’enjeu collectif autour du logement.
Habiter ne signifie pas seulement avoir un toit ! C’est aussi un idéal que ces habitats partagés portent en eux. L’habitat participatif et partagé se distingue de la production traditionnelle de logements en raison de son engagement collectif, de la conception jusqu’à la gestion de l’ensemble. La Maison de Lazare semble répondre à ce besoin de faire société autrement. Ainsi Patrick explique qu ‘« à la maison on se connaît tous, c’est pendant le premier confinement que j’ai réalisé que je ne pouvais plus vivre entouré d’inconnus». Loin de l’atomisation sociale qui est présente dans les grandes villes, les habitants de la Maison se connaissent et créent du lien dans le quartier : tous les premiers dimanches du mois se tiennent des cafés de l’amitié où tout un chacun peut se rendre.
Cependant, si dans la maison tous sont sur le même pied d’égalité, ce n’est pas un idéal uniformisant qui ignore les particularités de ceux qui y vivent. S’il y a bien une répartition égalitaire des tâches et des paiements, des attentions particulières sont apportées à chacun. Un psychologue et une assistante sociale sont présents afin d’aider à la réinsertion sociale. Désormais, plusieurs colocations en France et à l’étranger se développent sur le même modèle afin de repenser le vivre ensemble.
Inès Simondi
La difficulté de l'accès au logement pour les jeunes lillois par Laura Morais Da Silva
Zoom sur… L’habitat partagé en France
Déjà développé chez nos voisins européens comme en Norvège ou en Allemagne, l’habitat partagé se fait une place en France en réponse au problème du mal-logement. Depuis la loi Alur de 2014, l’habitat participatif est juridiquement encadré et les collectivités locales sont encouragées à déployer le dispositif. Le but ? Créer un habitat solidaire, favorisant la mixité. Ainsi, ces lieux de vie groupés brisent l’isolement avec des maisons accueillant de jeunes étudiants et des personnes âgées, des personnes valides et handicapées. D’autres comme l’association “Lazare” luttent contre l’augmentation des loyers en proposant des colocations entre jeunes actifs et sans-abri. L’habitat solidaire aide les plus fragiles de la société ou ceux qui ont perdu le contrôle sur leur vie à choisir un lieu de vie qui leur correspond plutôt que d’être affecté dans des structures imposées.
Au-delà de l’aspect humain, certains projets d’habitat partagé aident à redynamiser des quartiers ou rénover de vieux bâtiments abandonnés. Par ailleurs, une seconde initiative se développe en parallèle de ces habitats avec la volonté d’habiter d’une façon plus écologique. Ainsi, l’association “Happiness” a pour projet de construire à Saint-Etienne quinze logements partagés à haute qualité environnementale. Un projet similaire à Trévoux dans l’Ain se met en place au sein de l’écoquartier des Orfèvres avec le respect de l’environnement comme préoccupation principale : énergies renouvelables, biodiversité et bâtiments basse consommation.
Eléonore Moreau