La communication intergénérationnelle ne demande qu’à (re)vivre
Crédits Photo : Hugo Crabos
La crèche Rigolo Comme La Vie a été créée en 2012 à l’initiative de Monique Callens, alors directrice de l’EHPAD « Les Orchidées » à Tourcoing et de Laurence Six, fondatrice de ce réseau. L’objectif : valoriser les échanges intergénérationnels entre les seniors de la résidence et les jeunes enfants de la crèche. Eugénie Coquet, directrice adjointe de l’établissement tourquennois, perpétue le projet.
La transmission entre les générations a toujours fait partie intégrante de nos sociétés. Les liens intergénérationnels sont de plus en plus valorisés, que ce soit dans des projets d’agglomérations, de collectivités ou dans des EHPAD. Vecteur de liens sociaux, d’inclusion des personnes âgées, de transmission des savoirs, ou encore stimulateur intellectuel, les bienfaits de ces échanges ne sont plus à démontrer.
Les rencontres intergénérationnelles apportent beaucoup, pour les petits comme pour les grands. Ce lien qui se développe permet aux enfants d’« apprendre à prendre soin d’une génération plus âgée et qui est de plus en plus vieillissante », explique Eugénie Coquet, infirmière et directrice adjointe de la crèche Rigolo Comme La Vie de Tourcoing. Ces interactions favorisent les capacités d’adaptation des plus jeunes, notamment face à des personnes malentendantes ou en situation de handicap. Un moyen aussi d’inclure les personnes âgées dans une société qui tend à les isoler. Ces interactions avec des petits, qui ont entre deux mois et demi et quatre ans, offrent ainsi “un petit souffle de jeunesse” aux résidents d’EHPAD. L’émerveillement laisse ensuite place aux souvenirs qui surgissent des limbes de la mémoire et qui mettent du baume au cœur à ces personnes aux traits marqués par la vie.
Complicité et partage
Les stéréotypes mènent parfois la vie dure à ces rencontres : les jeunes sont irrespectueux, les vieux sont bornés, les uns n’écoutent pas, les autres ne racontent pas. Pourtant, rien de plus simple pour un enfant et une personne âgée que d’échanger et de partager. La crèche et l’EHPAD organisaient ainsi avant la Covid-19, de nombreux temps de rencontres comme des ateliers lecture, dinette, motricité, culinaire où tous participaient à cœur joie. On se lançait le ballon ou le cerceau quand on ne mesurait pas la farine ou cassait les œufs pour faire des cookies. Ces animations prenaient place une fois par semaine tantôt à la crèche, tantôt à la résidence et pour une durée de 20 à 30 minutes. Des repas étaient également organisés une fois par mois à l’EHPAD. De quoi rassurer les parents qui redoutent souvent d’amener leurs enfants lors des visites en maison de retraite.
La communication intergénérationnelle peut sembler difficile. Quand les enfants apprennent à marcher, les personnes âgées y parviennent difficilement. Quand les premiers acquièrent du vocabulaire, pour les seconds il n’est plus à faire. “Les parents s’arrêtent parfois à dire que ça va être ennuyant pour les enfants” de les amener en EHPAD. A-t-on alors intégré l’idée que ces deux tranches d’âge sont trop opposées pour interagir, ou est-ce une solution de simplicité que de tenir ce discours ? Ces différences, à défaut de gêner la communication, stimulent au contraire les générations.
Les au revoir
Des liens intergénérationnels qu’il est compliqué de faire perdurer depuis l’arrivée du Covid-19. Les contraintes d’ordre sanitaires ou technologiques n’aident assurément pas à garder le contact. Plus isolés que jamais, enfants comme grands-parents ne demandent qu’à retrouver ces interactions. Derrière les haies séparant le jardin de la crèche à celui de la résidence, les échanges se réduisent aujourd’hui à quelques gestes de main. Depuis trop longtemps, les rencontres physiques ne peuvent plus avoir lieu. La période est à l’heure de création et d’innovation du côté des éducateurs qui ont mis en place des ateliers bricolage : sets de table faits maison pour les résidents ou clips vidéo envoyés aux personnes âgées, les parents faisant office de caméramans. Malgré cela, les échanges restent difficiles, les résidents n’ayant pas forcément les moyens de répondre à ces initiatives.
La communication intergénérationnelle ne demande qu’à revivre en cette période de crise. Elle risque pourtant de s’avérer difficile dans les jours et mois à venir, la peur de la contamination entre les enfants et les personnes âgées faisant doucement sa place dans les esprits.
Mathilde Tassin
L’état des lieux du lien intergénérationnel
Source : Étude réalisée en novembre 2020 par l’IFOP (Institut Français d’Opinion Publique) pour La France Mutualiste, menée auprès d’un échantillon de 1013 personnes âgées de 18 ans et plus.
Zoom sur les MGH, les maisons multigénérationnelles
Les MehrGenerationenHaus, MGH, ou maisons multigénérationnelles sont un des moyens que l’Allemagne a trouvé pour rapprocher ses générations et les habitants d’un quartier.
Le concept est simple. La maison est ouverte tous les jours de la semaine et propose de l’aide, des salles, des projets pour les habitants du quartier. Elles sont ouvertes à tous, tous les âges, toutes les origines. C’est une des conditions pour obtenir le label MGH en plus de créer des moments de rencontre et de partage entre ces dernières.
“Tout le monde a quelque chose à offrir, tout le monde a quelque chose à apprendre“, explique une des animatrices de la MGH. C’est sur cette constatation que les maisons multigénérationnelles adaptent leur programme. Par exemple, la maison de Wassertor propose des ateliers en différentes langues, des séances de conseils pour la retraite, la famille, les locations de maisons… mais aussi l’aide aux devoirs, des ateliers informatiques, mise à disposition d’espace de jeux, de salles de sport… Les ateliers et temps d’échange sont animés par les employés de la maison ou par des bénévoles, ce qui permet de rapprocher les générations entre elles. “Même la personne qui va animer va ressortir grandie du temps de communication.“
“Au-delà d’une maison multigénérationnelle, une MGH c’est aussi une maison de quartier.” Par exemple, la maison de Wassertor travaille sur des projets pour l’environnement, organise un festival réunissant tous les acteurs de la ville. Une MGH est donc un point de lien entre les générations, mais aussi un acteur central dans la vie et dans le dynamisme des habitants.
Léonie Castelain
Guillemette Franque