Le passage par la pédagogie pour rendre l’économie plus accessible
Pour les étrangers du milieu économique, avoir accès à une information complète et simplifiée est complexe. Si l’économie est une science sociale, son rapprochement des mathématiques effraie parfois, et repousse les novices. Pour supprimer cette apparence austère, certains journaux spécialisés tentent une nouvelle approche, plus pédagogique.
“Quand un économiste vous répond, on ne comprend plus ce qu’on lui avait demandé“, s’amusait l’écrivain André Gide. Le problème est connu. 77% des Français estiment avoir un niveau de connaissance insuffisant sur les questions économiques selon une étude de la banque de France. Pour le journaliste Vincent Grimault, rédacteur pour Alternative Economique, il faut cesser de subir ces théories économiques. Si le domaine paraît moins glamour, il concerne le quotidien de chacun. Pour intéresser dès lors, une phrase revient : “si vous ne vous intéressez pas à l’économie, elle s’intéresse à vous.” Concerner ceux qui subissent l’économie autant que ceux qui la font est un défi que tente de relever le journal malgré les difficultés.
Oubliant cette rigidité première et cette appréhension d’être illégitime à parler d’économie, le journal invente de nouvelles techniques pour intéresser et se faire comprendre. A travers des procédés d’écriture différents comme ceux du storytelling (incarnation d’une histoire par le récit d’une personne), l’incarnation de l’économie ne se fait plus uniquement par les chiffres. Si ceux-ci constituent une trame de fond nécessaire pour toute analyse scientifique, il faut redouter la tentation trop forte d’en faire une science uniquement mathématique, qui exclut une partie de la population. Le journaliste rappelle alors l’importance de l’humain avant tout dans des décisions irrationnelles et parfois incalculables.
Trop mathématique sûrement, cette approche abrupte est ce qui effraie le plus selon Anthony Borey, professeur de SES à Pontarlier et président de Flex’Actu, une radio vulgarisant l’actualité par et pour les lycéens. Rapprocher le domaine du concret, c’est pour lui le meilleur moyen de rendre compte de l’économie. A travers des jeux de mise en situation (comme le jeu dilemme créé par l’association CRESUS) ou des débats, le fait de replacer l’élève comme acteur de l’économie permet déjà de libérer la parole et de se l’approprier.
Pourtant une fois libéré des cours, les instances de vulgarisation économique sont rares. Les journaux et leurs pages économiques tiennent alors des rôles de médiateurs dans ces milieux souvent fermés. A travers les mises en pages originales et une importance donnée à l’image, le lecteur se sent “moins timide” pour Vincent Grimault. Avec le succès de la bande dessinée Economix de Michael Goodwin, l’intérêt d’un médium différent pour parler d’économie ne fait plus de doute.
Un milieu peu accessible
Pour pallier cette imperméabilité, l’état tente de créer des instances d’éducation économique, comme le site mesquestionsdargent.fr. Austère et complexe, il ne pas satisfaire à rendre l’économie attrayante. Pour s’intéresser à ces problématiques, l’actualité reste la première accroche.
Pour parler d’actualité économique simplement, la presse spécialisée demeure pourtant limitée. Si Capital et Les Echos se font critiques envers son homologue Alternative économique qu’ils jugent partial et engagé, ils proposent encore peu d’alternatives attractives pour les débutants. Pourtant pour éviter cette vision manichéenne ou incomplète, la nécessité d’une concurrence paraît évidente. Selon Vincent Grimault, le combat n’est pas tant dans la neutralité que dans l’honnêteté intellectuelle. C’est d’ailleurs pour son exploration des problématiques que le journal est un support favorisé des manuels scolaires. Vulgariser l’économie passe alors par l’actualité et les techniques de pédagogie autrefois réservées aux enfants.
Sandra Bouillard
Aider le lecteur à y voir plus clair
Entretien avec Nicolas Ruffin, journaliste en charge de la rubrique économie pour le média généraliste 20 minutes.
Selon vous la rubrique économique est-elle abordable par tous ?
“Je l’espère ! Le défi est d’être compris. Notre cœur de cible c’est les 18/30 ans. Il faut prendre en compte lorsque l’on écrit un article, qu’il faut balayer les futures incompréhensions. Expliquer, définir ou redéfinir des termes économiques. On table sur la pédagogie pour que les enjeux économiques soient assimilés. »
Quelles sont vos méthodes pour capter le lecteur ?
“Au delà d’une ligne pédagogique, il y a le fait de dévoiler des affaires que l’on estime nécessaires à être publiquement relayées. Les sujets aux thématiques sociales retiennent particulièrement l’attention du lecteur par un travail d’enquête couplé à une analyse poussée.
J’utilise aussi beaucoup d’images, j’illustre. L’information devient dès lors plus concrète. Donner des points de comparaison au lecteur afin qu’il s’identifie, facilite la compréhension. Tout comme les contenus sonores et vidéos, l’intervention d’experts permet une retranscription résumée et claire de l’information.”
Avez-vous remarqué une différence rédactionnelle entre La tribune (ou vous étiez éditeur) et 20 minutes ?
“La Tribune est destinée à un public plus averti en matière d’économie. Il traite de l’information économique avec des rubriques détaillées (bourse, finance..). Ce n’est donc pas la même façon de rédiger, ici pas de rappel à faire. »
Morgane Burlotto
Interview Dessine-moi l'éco
Vidéo réalisée par Marie Gréco.