Les réseaux sociaux, une vitrine utopique des liens sociaux
En 2004, Facebook débarque dans la vie des terriens et bouleverse les relations sociales. Vecteurs d’interactions, les réseaux sociaux cachent une réalité plus sombre, celle de la solitude.
Paradoxalement, plus les personnes sont connectées, plus elles se sentent seules. D’après une étude de février 2020 de Hootsuite et We Are Social, 39 millions d’internautes français utilisent les réseaux sociaux. Pourtant, 13 % d’entre eux se sentent isolés. « Sur le plan affectif, les réseaux sociaux ne font pas le même effet », explique Claire Rascle, psychiatre au CHU de Lille. Même si le cerveau s’adapte à toutes les situations auxquelles il est exposé, vivre de relations à distance risque de provoquer un sentiment de manque. Si la dopamine, hormone de la satisfaction, est sécrétée lors d’une relation à distance, ce n’est pas le cas de l’ocytocine, hormone de l’attachement, qui est seulement produite lors d’un contact avec une autre personne : “si il n’y a pas de contact, il manque quelque chose”, insiste la docteure.
Réelle solution pour les personnes en difficulté avec les interactions sociales, ces plateformes peuvent permettre de maintenir des liens sociaux. “Si elles répondent à leurs besoins, c’est une solution”, explique Claire sur les relations virtuelles. Ces dernières ne sont pas un problème quand elles correspondent aux attentes personnelles. La dopamine, hormone de la satisfaction, est sécrétée aussi bien dans une relation sociale à distance que réelle.
Réseaux sociaux ou asociaux
Symbole d’un réel problème, la solitude ressentie peut même impacter la santé mentale des utilisateurs. Une récente étude menée par des chercheurs de la faculté de médecine de Pittsburgh montre que les expériences négatives sur les réseaux sont associées à une augmentation du sentiment de solitude. Cette perception d’isolement social favorise les maladies cardiaques ainsi que la dépression. Les réseaux sociaux sont donc plutôt facteurs de déprime contrairement à ce que leur nom indique.
La situation actuelle a réveillé ce mal-être profond. Enfermés derrière les écrans toute la journée, l’enthousiasme des réunions à distance a vite laissé place à la lassitude. Le Dr Rascle affirme que les confinements sont venus « appuyer sur le sentiment de solitude de certaines personnes ». L’omniprésence des réseaux sociaux au détriment de contacts avec de vraies personnes est ainsi remise en cause.
Toutefois, les réseaux sociaux peuvent être une réelle solution pour les personnes seules ou en difficulté avec les interactions sociales. Ils jouent le rôle « d’intermédiaires » permettant de créer et de maintenir des liens affectifs. La psychiatre prend l’exemple d’une jeune fille connectée jour et nuit avec des personnes à travers le monde, « elle ne se sent pas du tout isolée » alors qu’elle n’a aucune interaction dans le monde réel. Les bulles digitales sont un refuge de communication essentiel dans lesquelles le sentiment d’appartenance à un groupe de pairs est fort.
Qu’est ce qu’un groupe de pairs ?
Un groupe de pairs est un ensemble d’individus qui partagent des caractéristiques et des intérêts similaires. A l’adolescence, le groupe permet la construction de l’identité de chaque individu tout en contribuant à trouver sa place au sein de la société.
Mais la question se pose tout de même autour de la solitude si elle est le résultat du temps passé sur les réseaux ou bien un refuge.
La psychiatre rassure quant à l’utilisation qui est faite des réseaux sociaux : « Ce n’est pas l’objet en soi qui est diabolique mais l’utilisation qu’on en fait. » Elle insiste tout de même sur la prévention et l’éducation aux réseaux sociaux, dès le plus jeune âge chez les enfants mais aussi chez les parents, clef de la mise en garde sur les perversions des réseaux dits sociaux.
Clémence Duprez
Avoir une utilisation positive des réseaux sociaux
Une psychologue de l’association Amazing Kids partage ses conseils sur l’utilisation des réseaux sociaux.
Amazing Kids est une association qui agit en Europe contre le harcèlement et le cyber harcèlement. « La prévention face aux réseaux sociaux doit se faire dès l’enfance, il doit y avoir plus de prévention, des cours pour permettre dès le plus jeune âge de comprendre les enjeux du virtuel. » Avec l’essor des réseaux sociaux et son utilisation de plus en plus intensive liée en partie au confinement, une prévention et des conseils sont donc les bienvenus.
Selon Catherine Verdier, le principal conseil à appliquer serait de prendre le plus de recul possible : « Arriver à débattre du vrai ou faux, parler de divers sujets, gérer et comprendre ses émotions, éteindre les écrans de temps en temps, prendre un livre, réfléchir, faire du sport. Tout cela contribue à se détacher du virtuel et à prendre de la distance.”
Il existe aussi des options dans certaines applications telles qu’Instagram, qui peuvent permettre de limiter le champ d’action de personnes mal intentionnées. « Récemment, j’ai découvert sur Instagram que l’on pouvait limiter les commentaires, en mettant dans une liste noire tous les mots que l’on souhaite bannir. » D’autres astuces existent, comme mettre son compte en privé pour limiter ses abonnés, ou placer automatiquement les messages des personnes non abonnés dans les « invitations par messages Instagram » grâce à un réglage spécifique. Il est possible de limiter ses stories aux « amis proches » une liste à faire sur mesure.
Anaïs Lafosse