Minimiser le gaspillage alimentaire, le combat de Florent Ladeyn
Connu pour sa cuisine 100% locale, Florent Ladeyn en fait le truchement de sa lutte contre le gaspillage alimentaire. Retour avec le chef des Flandres sur les intérêts écologiques et économiques de la cuisine anti-gaspi.
En septembre 2004, Florent Ladeyn, chef cuisinier nordiste révélé au grand public dans la saison 4 de Top Chef, reprend peu à peu les devants de l’auberge familiale du Vert Mont. Au même moment, le cuisinier Jean-François Piège devient chef du restaurant de l’hôtel du Crillon à Paris. À la suite de cette nomination les clients défilent dans l’établissement au rythme des macarons Michelin qui s’enchaînent sur la devanture et l’esquisse d’une gloire culinaire apparaît pour le chef. L’apogée ne durant qu’un temps, en juillet 2009 Jean-François Piège se retire laissant derrière lui un restaurant étoilé mais au bord de la faillite. Mais bien que le chef Piège ne soit qu’un exemple particulier d’une grande généralité, sa tendance à gaspiller les restes alimentaires et les déchets en tout genre malgré une carte aux prix élevés a joué selon Florent Ladeyn un rôle indéniable dans son départ soudain : “le restaurant a fait faillite, parce que le chef choisissait d’acheter des bars dont il n’utilisait que le cœur du filet et le reste il le balançait.”
Avec plus d’1,5 million de tonnes de nourriture jetée aux quatre coins de la planète chaque année, le gaspillage alimentaire demeure un fléau économique et écologique dans le monde de la restauration, ce que dénonce Florent Ladeyn : “Minimiser le gaspillage c’est mon combat depuis des années.”
Rien ne se jette, tout se transforme
Si le gaspillage alimentaire était un pays, il serait le troisième plus gros pollueur au monde. Représentant 8% des émissions de gaz à effet de serre, la nourriture non consommée est aussi un tremplin pour le gaspillage des ressources en eau puisqu’une baguette jetée revient à gaspiller toute une baignoire. C’est aussi un manque à gagner car en France le gaspillage alimentaire équivaut à 16 milliards d’euros jetés par les fenêtres chaque année. Pour lutter contre ce phénomène, Florent Ladeyn conseille une cuisine “maligne” : des radicelles de céleri à la pelure de pomme de terre et jusqu’aux cendres de bois, le chef des Flandres ne gâche rien.
Photo (© Caspar Miskin, Florent Ladeyn dans le jardin de l’Auberge dans les jardins de l’Auberge du Vert Mont)
Ambassadeur de la cuisine locavore, Florent Ladeyn se sert de cet engagement pour réduire la quantité de déchets en tout genre pouvant émaner de son travail. Malgré tout, conscient que le zéro déchet n’existe pas – “en cuisine c’est une utopie” précise-t-il – c’est en se fournissant directement chez les producteurs locaux, bio et en permaculture, que commence la cuisine “maligne”. Travailler sans intermédiaire serait alors le moyen de limiter les transactions d’aliments recouverts de plastique mais aussi pour le client d’avoir à la fin une note moins salée au restaurant. Dans la même énergie, travailler avec des producteurs bio et en permaculture permettrait de gagner du temps, de l’argent et du goût en cuisine : “Comme nos produits ne sont pas traités, on n’est pas obligés de les éplucher”, souligne Florent Ladeyn. Puis, si en ouvrant les portes d’un des trois établissements du chef des Flandres on y trouve peu d’éléments jetables, c’est parce que le chef et ses 45 collaborateurs ne luttent pas uniquement contre le gaspillage alimentaire. Rien ne se jette, tout se transforme pourrait être la devise de Florent Ladeyn qui utilise des restes de charbon de bois devenus cendres pour créer le maillage de ses assiettes et dont l’achat d’un céleri se décuple en diverses recettes allant de la traditionnelle salade au snack apéritif.
Ne pas gaspiller c’est économiser
Une cuisine astucieuse que le jeune chef ne manque pas de reproduire dans son quotidien où les risques de gaspiller ne sont pas moindres. En moyenne, un Français jette 95 kg de nourriture par an, une quantité qui augmente en fonction de l’offre alimentaire qui lui est proposée avec l’essor de la mondialisation et des échanges intercontinentaux consommant énormément d’énergie non-renouvelable.
C’est à ce titre que Florent Ladeyn préconise aux particuliers d’acheter local et de saison en petite quantité : “Les conseils à la maison c’est ça, c’est acheter moins de produits divers mais des produits de saison qu’on achète dans des fermes autours de chez nous ou dans une AMAP.” Alors, limiter les intermédiaires et manger de saison semble permettre l’achat de produit vraisemblablement moins coûteux et censément plus goûtus ; un constat qui amène le chef des Flandres à confier que sa logique anti-gaspi résulte “d’une conviction écologique, mais également économique” de telle sorte qu’à la maison comme au restaurant, manger sans gaspiller revient à préserver la planète et son portefeuille.
Et pour cuisiner aussi bien qu’au restaurant, le jeune chef aussi père de famille, vante l’intérêt du pot-au-feu. Avec son goût mêlant saveurs de légumes et de viandes, et sa préparation accessible à tous puisqu’il “suffit de couper les aliments sans obligatoirement les éplucher puis de les faire bouillir”, le pot-au-feu convient aux petits comme aux grands. Un plat généreux pour un coût avantageux que ne manque pas de souligner Florent Layden : “Avec le pot-au-feu, j’ai fait à manger pour 4 jours en dépensant seulement onze euros.”
Marie Gréco
Le compost à la portée de tous
Éviter les restes est important. Malheureusement, il arrive parfois d’être contraint de jeter certains aliments qui ne seraient plus consommables. Au lieu de les mettre à la poubelle, les composter est la meilleure valorisation possible.
Concrètement, qu’est-il possible de composter ? Tout type de nourriture facilement biodégradable peut se retrouver dans le bac. Cela exclue cependant les restes de viande ou de poisson, qui pourraient attirer des nuisibles. Sinon, tout aliment est bon à aller au compost.
Comment ça fonctionne ? La biodégradation est un phénomène naturel. Les matières organiques se décomposent à l’aide des macro-organismes (vers de fumier, insectes) et des micro-organismes présents dans le sol (bactéries, levures, champignons). Les petites bêtes commencent le travail de décomposition. Les bactéries s’y mettent aussi en dégageant du CO2, faisant alors augmenter la température. Au cœur, le compost peut atteindre plusieurs dizaines de degrés. S’en suit une phase de refroidissement, puis une autre de maturation, où le pH se neutralise et où la plupart des minéraux se libèrent. Après 6 mois minimum, le compost est prêt. Une fois utilisé dans un jardin, il redonnera des nutriments au sol et l’aérera, permettant alors aux végétaux de mieux pousser.
De plus en plus de bacs à compost partagés sont mis à disposition près des habitations. La solution d’un compost d’appartement est également possible, puisqu’un simple bac sur un balcon avec un couvercle et un peu de terre peut suffire.
Il n’est donc pas compliqué de recycler ses déchets alimentaires en les compostant, mais la meilleure solution reste encore de ne pas perdre ses aliments.
Léo Guérin