La santé publique mise à mal par l’essor du protoxyde d’azote
Légalement utilisé en cuisine, via des cartouches à siphon, le protoxyde d’azote trouve un usage détourné parmi les jeunes qui l’inhalent pour ses propriétés euphorisantes. Une nouvelle drogue qu’il convient de prendre au sérieux. C’est ce qu’expliquent étudiant en neurologie, psychothérapeute et responsable d’unité d’hospitalisation qui reviennent sur l’émergence de cette pratique, et les solutions à y apporter.
Utilisée par la médecine depuis deux siècles, en anesthésie, dentisterie et orthodontie, cette substance fait récemment l’objet d’un tout autre usage. Consommé la plupart du temps par des mineurs ou jeunes adultes comme drogue aux effets hilarants, le protoxyde d’azote se révèle être « un signal d’alerte au niveau de la pharmaco-vigilance et de l’addicto vigilance, au même titre que d’autres drogues comme le cannabis », selon Thomas Hoden, thérapeute spécialisé dans le sevrage des drogues.
Parmi les professionnels de santé, tous ont la même réponse à la question : comment expliquer la passivité des pouvoirs publics face à cette pratique ? Ils affirment que ce phénomène nouveau n’a pas fait l’objet de connaissances concrètes et de préoccupations suffisantes pour en interrompre la démocratisation.
La prévention comme frein à la consommation
Les usages détourné du « proto » ont des conséquences souvent peu connues des individus. À terme, « la consommation massive et chronique entraîne l’inactivation de la vitamine B-12 essentielle au bon fonctionnement de notre moelle osseuse et épinière », déclare Damien Scliffet, psychiatre addictologue et responsable de l’unité d’hospitalisation en addictologie au CHU de Lille. Il ajoute : « La conséquence peut être l’apparition d’une anémie qui peut engendrer une paralysie des membres inférieurs en premier lieu. »
Par ailleurs, les symptômes premiers sont bénins et donc non alarmants. Face à cette méconnaissance générale, l’étudiant en huitième année de neurologie Hakim Daouairi confie : « Si on veut travailler en amont, le système de santé publique doit faire plus de prévention, et ce dès les années collège. » Il est cependant nécessaire de nuancer cette idée, car force est de constater que la prévention ne suffit pas à endiguer la consommation et la dépendance aux autres drogues.
Les rôles à jouer dans l’accompagnement et le sevrage des individus dépendants
La dépendance à ce phénomène se développant, le système de santé publique se questionne. Damien Scliffet affirme : « Il faut avant tout former le professionnel de santé, dans l’hospitalisation mais aussi le suivi et l’accompagnement des patients sous sevrage. » C’est ainsi qu’il faut opérer des formations internes s’appuyant sur l’observation de premiers cas « graves » et ainsi en limiter les réitérations.
Au-delà de la responsabilité médicale, les associations œuvrent aussi, souhaitant « héberger les sortants de sevrage en leur proposant un espace d’écoute et d’orientation ». En effet, le caractère addictogène commun à toutes formes de drogues ne manque pas d’impacter directement les modes de vie des consommateurs.
Interdire la vente libre ?
Cette question fait l’objet d’une divergence d’opinions au sein même des premiers acteurs de la lutte contre la démocratisation des cartouches. Alors que le thérapeute Thomas Hoden s’oppose à l’idée selon laquelle l’interdiction est synonyme de solution – la loi étant facilement détournée par la procuration de cartouches sur les réseaux sociaux – D. Scliffet suggère de légiférer une sanction contre les consommateurs de « proto » au volant.
Dans une question de sécurité non seulement individuelle, mais évidemment collective, l’interdiction n’apparaît donc pas comme une évidence mais plus comme un dilemme. Les pouvoirs publics nécessitent d’abord une prise de conscience en accord avec une politique de sensibilisation et d’endiguement qui pourront, par la suite, soulever l’éventualité de l’interdiction. Il faut désormais initier une réflexion sur la dépendance afin de comprendre les enjeux des débuts d’une lutte nouvelle.
Enzo Tarantino
Explications : les dangers du protoxyde d’azote.
Témoignage d’une ancienne accro au protoxyde d’azote
Si vous ou un proche êtes addict à toute forme de drogue:
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Si vous souhaitez rencontrer un addictologue, des centres d’addictologies vous accueillent en consultation libre.