Le Refuge : l’association qui vient en aide aux jeunes homosexuels
Posted On 12 mai 2019
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© Coline Grancher
“C’est une phase, ça va lui passer.” Glissés l’air de rien comme si l’on évoquait la phase punk d’un préadolescent, ces huit mots révèlent en réalité un amas de critiques. Alors qu’une partie des adolescents – voire jeunes adultes – découvre les joies des premières relations, une autre affronte l’étape fatidique du coming-out. Si la situation chez les personnes hétérosexuelles peut sembler improbable “Papa, maman, je suis hétéro“, celle du côté des homosexuels est souvent beaucoup moins joyeuse.
En octobre 2018, L’IFOP publiait un rapport portant sur le coming out en France, pointant du doigt une situation encore très disparate :
– 72% des mères acceptaient l’orientation homosexuelle de leurs enfants face à 65% des pères.
– 13% des interrogés déclaraient avoir un père qui n’acceptaient pas la situation face à 8% chez les mères.
– 25% des interrogés n’avaient jamais avoué leur orientation sexuelle à leurs parents.
A contrario des comédies américaines où le meilleur ami gay affiche son homosexualité fièrement depuis ses 4 ans, le manque de soutien des proches peut également mener à de réels troubles chez les personnes plus fragiles. Selon la professeure Line Chamberland du département de sexologie à l’UQAM – Université du Québec à Montréal – cette absence de soutien parental peut créer “un décrochage scolaire, une consommation abusive d’alcool ou de drogues voire une dépression“. D’autre part, une équipe de chercheurs de cette même université a observé que plus des deux tiers des élèves ouverts à ce sujet à l’école étaient victimes “d’incidents homophobes”. Des réjouissances loin de la folie douce des gay pride annuelles dans les rues du monde entier.
Dans cette hâte d’aider les jeunes membres de la communauté LGBT victimes de leurs orientations sexuelles, un projet a vu le jour en 2003 : Le Refuge. Cette association, devenue un havre de paix pour beaucoup, est la seule structure en France conventionnée par l’État. En plus d’offrir un hébergement ponctuel, l’association a pour vocation d’apporter un suivi concret auprès des jeunes accueillis jusqu’à ce qu’ils choisissent de partir. Elle propose alors un accompagnement psychologique avec des rendez-vous hebdomadaires encadrés par des travailleurs sociaux. L’occasion pour ces jeunes de “trouver des épaules sur lesquelles se reposer et des expériences dont ils peuvent tirer des enseignements“, selon Lucas, bénévole lors d’un service civique.
Un suivi médical peut être apporté aux personnes ayant subi des violences physiques – notamment par leur proches. Enfin, Le Refuge est aussi un tremplin pour ces jeunes, à leur sortie. Une manière pour eux de (re)plonger dans la vie grâce aux actions proposées lors de l’accompagnement social. Allant d’une reprise d’activité scolaire ou professionnelle en passant par un tissage de nouveaux liens sociaux. Un ensemble de vecteurs primordiaux parfois oubliés, où les activités culturelles sont également présentes.
Une aide qui passe surtout par l’écoute de ces jeunes âgés de 18 à 25 ans. Pour Lucas, ce soutien et la cohésion au sein de la structure sont la raison de sa réussite : “Chaque bénévole était un acteur essentiel de ce processus de remise en marche. D’un point de vue très personnel, j’ai appris à relativiser ma condition et mon expérience propre en tant que personne LGBT ayant bénéficié d’un milieu familial puis étudiant favorisé et ouvert d’esprit. J’estime que c’est précisément mon rôle de proposer mon aide à ceux qui n’ont pas eu cette même chance. Je me rappelle particulièrement d’un jeune qui était victime de violences au fouet infligées par son père suite à son coming out. La façon dont il racontait cet épisode m’a beaucoup touché, et c’est véritablement pour ce genre d’expérience que je souhaite désormais me battre contre les LGBTphobies.”
INFOS PRATIQUES
L’antenne lilloise est située au 3 Rue Schepers, 59800 à Lille. Elle est ouverte du lundi au vendredi de 9h05 à 17h45.
Les autres antennes en France sont du côté d’Avignon, Bastia, Besançon, Bordeaux, Cayenne (Guyane), Grenoble, Le Havre, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Nice, Paris, Perpignan, Rennes, Saint-Denis (Réunion), Strasbourg, Toulouse.
En 2017, cette aide précieuse connaissait une hausse de 22% des jeunes accueillis par rapport à 2016. Une bonne et mauvaise nouvelle pour Le Refuge qui voit son aide se propager en France mais prouve à l’inverse, que les victimes d’homophobie sont encore nombreuses. Une situation contradictoire avec la loi de mars 2003 qui punit les actes homophobes au même titre que le racisme. Face à cela, d’autres services ont été mis en place afin d’aider et soutenir au mieux les personnes concernées comme SOS Homophobie – doté d’une antenne dans les Hauts-de-France – ou Fiertés Lille Pride à l’origine des gay pride lilloises.
C’est donc par une intégration encore progressive en France, que les lois LGBT bien que peu foisonnantes, se développent depuis les vingt dernières années. La plus récente était la Loi Taubira de 2013, à l’origine de nouvelles problématiques d’intégration pour ces personnes LGBT devenues adultes dans l’entrefaite :
Coline Grancher
Chef d’œuvre de 2016, multi-récompensé et distingué par l’oscar du meilleur film en 2017, Moonlight dénonce sur grand écran les difficultés auxquels certains homosexuels sont encore aujourd’hui confrontés.
L’identification d’un homme
Le film de Barry Jenkins présente en trois étapes, la vie d’un petit garçon qui doit s’inventer gangster pour mieux assumer son homosexualité. En effet, Chiron, afro-américain de Miami, doit vivre en décalage avec le monde dans lequel il est contraint d’évoluer. Harcelé à l’école car jugé “différent” et “trop faible, sensible”, il doit lutter seul, pour trouver sa place dans la société. Abandonné par sa mère droguée, c’est auprès de Juan (joué par Mahershala Ali), un dealer local devenu sa figure paternelle, que Chiron évolue et tente, tant bien que mal, de s’affirmer.La découverte de sa sexualité
C’est tout d’abord à travers ses camarades qui le harcèlent que Chiron, surnommé « Little », se rend compte qu’il ne rentre pas dans les apparats du genre et du style. Dans le second chapitre du film (II. Chiron), l’adolescent découvre son attirance pour les hommes avec son ami d’enfance Kévin. C’est plus tard, dans le dernier chapitre (III. Black), que l’on découvre les conséquences de son harcèlement et abandon. Chiron, devenu Black, continue de se chercher jusqu’au jour où il réalise que sa véritable place est auprès de l’homme qu’il aime. A travers la recherche du bonheur de Chiron, ce film nous rappelle avec une extrême sensibilité que l’homosexualité n’est toujours pas considérée comme une normalité et que le coming out est une étape difficile pour ceux qui la traverse. Ainsi, Moonlight explique que l’accompagnement du développement personnel est primordial et nous rappelle que l’ « on n’a qu’une seule nature, celle qui n’appartient qu’à nous ».Loredane Binet
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