Pour la première fois, l’Etablissement Français du Sang (EFS) lance un appel d’urgence vital aux dons. Toutefois, pour convaincre de potentiels donneurs, il est primordial de leur expliquer le but d’un don et son processus. C’est le rôle de Corinne Thoma, chargée de développement et de promotion du don à l’EFS de Lille.
Une notification d’un numéro non enregistré apparaît « EFS : Confirmation RDV don du sang Maison du Don LILLE 38 – 42 avenue Charles Saint Venant le 24/02/2022 à 13h45 » . C’est l’heure pour Emna – étudiante lilloise – d’aller prendre une heure pour sauver trois vies. Après un questionnaire rempli avec assiduité, une consultation dans un box accompagnée d’un médecin et l’acquisition d’une boisson au choix, le moment est venu de s’allonger et de tendre le bras. Sur un air de Sous le Vent de Garou, le sang s’écoule dans une poche quand une voix craintive s’exclame : « C’est la première fois que je viens, j’ai peur, on y va doucement. »
Savoir pour être impliqué
Lors de la dernière journée mondiale du don du sang, le 14 juin, le slogan français était « Donnez votre sang pour faire battre le cœur du monde ». Or ce cœur ne serait-il pas trop abstrait ? Appeler à faire des dons c’est bien, savoir et connaître pour donner c’est encore mieux. Face aux réserves basses et à l’appel d’urgence vitale aux dons, la solution n’est pas moins leur compréhension que leur promotion. Pour être impliqué, il est important de savoir que les besoins des malades sont constants. Le verbe « donner » n’est alors pas un verbe passif mais bel et bien actif puisqu’il implique d’abord la possibilité de recevoir un certain savoir. L’EFS propose par exemple un escape game virtuel expliquant de façon ludique le processus de don du sang ou fournit dans divers événements lillois des explications sur ce que deviennent les dons. En cas de non compatibilité, savoir que le don thérapeutique existe peut constituer une alternative. Pour Corinne Thoma, l’information est essentielle puisque : « Pour des catégories de personnes c’est facile de donner son sang parce qu’ils ont déjà cette culture (si les parents ont déjà donné régulièrement) mais il y encore plein de gens qui ne savent pas que ça existe ou comment donner. C’est pour cela qu’on fait de la sensibilisation. »
Être impliqué pour donner
C’est en allant à son job étudiant qu’Emna a vu une affiche sur un rond-point à Carvin. « Venant d’avoir 19 ans mais n’y étant jamais allée auparavant, cela m’a rappelé qu’il fallait que je prenne un rendez-vous », confie-t-elle. Les affiches, les publicités ou les tracts sonnent comme des rappels mais n’expliquent pas le fonctionnement des dons. La sensibilisation dans les milieux scolaires représente une plus-value en constituant une sensibilisation majeure. Corinne Thoma explique que certains médecins de l’EFS vont « dans les collèges, les lycées, font des stands d’informations, des réunions en amphithéâtre et vont parfois dans chaque classe en présentant le don du sang ». Par cette sensibilisation, les actions de collectes mobiles dans les établissements supérieurs ou les entreprises permettent de toucher un maximum de personnes. « La culture sur le don ne m’était pas inconnue puisque dès le collège, des intervenants étaient venus sensibiliser ma classe », explique Emna. Toutefois, selon le Dr Martens, intervenant à l’EFS de Lens, « il faudrait qu’au niveau des cours de SVT, les enseignants fassent la promotion du don du sang lorsqu’est abordée la transmission des chromosomes avec les différents groupes sanguins ». L’information autour du don est insuffisante dans les milieux scolaires mais se popularise sous le joug de nombreux hashtags – #dondusang #vies #partagezvotrepouvoir -. Les réseaux sociaux tout comme le bouche à oreille diffusent le savoir lié aux dons ainsi que l’expérience d’un grand nombre de donneurs, permettant la sensibilisation de donneurs potentiels.
Un bénéfice médical
La sécurité du donneur est tout aussi importante puisque selon le Dr Martens « quelqu’un qui donne doit ressortir en pleine santé ». Quand on est donneur on bénéficie d’un bon contrôle biologique à chaque don. « On est à même de déceler de nombreuses pathologies et de vous avertir dès l’arrivée des premiers signes avant même d’avoir des symptômes donc c’est un avantage pour un donneur d’être informé de son état de santé », nous confie Corinne Thoma. Ce fut le cas pour Mathilde, étudiante Toulousaine, qui a reçu un courrier l’avertissant d’un manque de fer. « Donner mon sang est normal, je souhaite contribuer à sauver des vies. Réciproquement, donner m’a aussi permis de me découvrir un risque d’anémie et donc d’aller chez mon médecin traitant ». Donner permet de se connaître soi-même en ayant la gratification de faire une bonne action. De nombreux remerciements prononcés au cours du don, ne font-ils pas plaisir ?
Claire Deregnieaux
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Les dons possibles de son vivant
Les âmes de nature charitable ont tendance à donner beaucoup de leur personne. Côté médical, il est aussi possible de faire don de quelques fragments de sa personne. Parfois méconnus, certains prélèvements sauvent la vie de milliers de patients chaque année.
A commencer par le don du sang lui même, qui s’il est le petit chouchou dans sa catégorie, peut s’effectuer de diverses façon. Le don du sang tel qu’on le connait est un don complet, composé de globules rouges, de globules blancs mais aussi de plaquettes et de plasma. Pourtant, il est également possible de ne réaliser qu’un simple don de plaquette, ou de plasma.
La moelle osseuse est d’ailleurs l’alliée du sang, puisque c’est grâce à elle qu’il peut être produit. Le don de moelle osseuse, dont les donneurs idéaux sont les jeunes hommes, permet ainsi de soigner les leucémies. Quant aux patients qui voudraient faire d’une pierre deux coups, le don de tissus semble être une solution idéale. En effet, le prélèvement des tissus ne se réalise uniquement que lorsqu’une opération est déjà prévue chez le futur donneur. Ainsi, une patiente qui accoucherait pourrait, en plus de donner la vie, faire don de membranes présentes sur le placenta, et ainsi aider dans la guérison de certaines maladies.
Mais si cette patiente a eu du mal à concevoir son enfant, elle a peut être reçu l’aide d’un donneur ou d’une donneuse de gamètes. En France, la pratique n’est pas courante, mais il s’agit de donner, anonymement, gratuitement, et dans une certaine limite d’âge son sperme, ou ses ovocytes.
En revanche, pour ceux qui, plutôt que d’aider à créer la vie, comptaient donner une fois mort, il est bon à savoir que le don d’organes peut également se faire de son vivant. Selon des conditions très strictes, il est en effet possible de donner un rein, puisque l’on peut vivre avec un seul, ou un morceau de foie, puisque que cet organe repousse. Il semblerait alors qu’au vu des avancées médicales, il n’y ait plus besoin de passer l’arme à gauche pour aider à préserver la vie des autres.
Marie-Camille Chauvet
Vidéo : expérience don du sang
Pénurie historique de sang : que se cache-t-il derrière toutes les invitations à donner son sang ? Sarah Coudert a suivi un étudiant ayant donné son sang pour la première fois et a rencontré des médecins pour comprendre cette situation.