Chez Isabelle, zéro déchet rime avec santé et porte-monnaie
Isabelle et ses trois enfants font partie depuis quelques mois du projet “famille zéro déchet” proposé par Roubaix, initialement pour l’économie et la santé. Portrait.
Dans le quartier résidentiel de la commune de Saint-André-lez-Lille, la porte du numéro 12 s’ouvre timidement sur le visage réjoui d’Isabelle. Dans l’imagination collective, une famille zéro déchet “c’est des bobos” qui font leurs courses à Biocoop et donnent à leurs enfants des jouets en bois recyclé uniquement. Isabelle, mère célibataire de trois enfants en recherche d’emploi s’éloigne de cette image pour s’intéresser à des aspects inattendus de ce mode de vie.
Alors que sa cadette Mélissa est partie jouer à l’étage avec une copine, elle s’empresse de ranger les cahiers d’école de la table du salon, soucieuse de fournir un espace propre et convivial pour ses invités. Alors qu’elle est appelée à parler d’elle, c’est sans une seconde d’hésitation qu’elle se concentre sur ses enfants. Johanna, bientôt 18 ans, est suivie par des éducatrices pour trouver sa voie suite à son décrochage scolaire.
Mère et fille ont alors pris la décision de créer une micro entreprise de produits cosmétiques et ménagers faits main, ou comme l’explique patiemment Isabelle en “Do It Yourself“.
Les premiers pas
Derrière elle, le petit aquarium familial trône devant un coloriage étendu sur le mur. Et c’est avec la simplicité des gens de cœur qu’Isabelle raconte ses premiers pas dans le monde du zéro-déchet. D’ailleurs, quand elle entend ces mots, elle fait la moue : “Je suis pas encore trop trop dans le concept mais je commence à m’y intéresser.” Le zéro-déchet pour elle, c’est “fabriquer par soi-même pour éviter les dépenses inutiles et les choses nocives pour la santé.”
Santé et économie sont les maîtres mots, et ce depuis le début. Les produits d’entretien étant nombreux et coûteux, elle a décidé de commencer par changer de lessive : remplacer la longue et indéchiffrable liste au dos de Skip, par 4 ingrédients : du savon de Marseille, de l’eau, du vinaigre blanc et du bicarbonate de soude. Des produits bruts et non-nocifs qu’elle utilise également pour son lave-vaisselle ou encore pour nettoyer les surfaces, ce qui évite d’ingérer ou respirer des substances dangereuses, et ce, tout en faisant des économies “non-négligeables“. Son motto ? “On n’est jamais mieux servis que par soi-même.”
La maman aux 1001 projets
Isabelle montre ses cotons réutilisables.
C’est dans SAM, le magazine de la ville, qu’elle et sa fille ont découvert les ateliers gratuits zéro-déchet que propose leur mairie, pour par la suite découvrir le monde du DIY via des tutos Youtube, ou d’autres ateliers d’entreprises comme ceux proposés par Casto.
En véritable touche-à-tout, Isabelle y assouvit sa curiosité entre couture de cotons réutilisables, médication aux huiles essentielles et rénovation de meubles. Le côté créatif de tous ces projets et ateliers rejoint les intérêts professionnels de sa fille mais aussi son goût pour le “fait-soi même“, qu’on retrouve notamment dans sa cuisine. Un plat sur le feu, et, caché sous le plan de travail de la cuisine, un vaste meuble où s’entassent des dizaines de livres culinaires. Elle s’esclaffe à la remarque de cette impressionnante collection : “Chez moi, c’est maladif !“, confie-t-elle.
"Une question d'habitude"
Initialement, elle avoue qu’elle n’était pas très confiante face aux solutions zéro-déchet, mais au final “c’est une question d’habitude”. D’abord sceptique face aux lingettes démaquillantes qu’elle venait de coudre, elle a testé pour “quand même voir ce que ça donne, et puis en fait ça fonctionne très bien !” Même principe pour la lessive : “Je me disais que mes vêtements allaient puer le vinaigre mais en fait, non pas du tout, une fois que le cap est passé, l’habitude est facile à prendre.”
Nébuleuse, Isabelle fait comprendre qu’elle reste dubitative face à certains aspects du concept. Par exemple, “le côté retour dans le temps avec les couches bébé en tissu je suis pas fan”, même principe pour les culottes menstruelles. Quant à certains produits qu’elle pensait être réducteurs de déchets, comme les carafes filtrantes, elle se retrouve déçue face à du greenwashing qui l’oblige à dépenser plus.
En plus d’une mère touchante, c’est une femme indépendante qui met ses valeurs et son humanité au service de sa famille et sans forcément en mesurer l’importance, elle fait partie de ceux qui œuvrent pour des causes plus grandes qu’eux.
Lisa Seyvet
Zoom : zero déchet, qu'est-ce que c'est ?
Une personne vivant en France jetterait en moyenne 568Kg d’ordures par an . A l’échelle nationale, ce sont près de 38 milliards de tonnes d’ordures ménagères jetées chaque année. A ces chiffres, il faut ajouter l’impact écologique du traitement de ces déchets, la plupart du temps incinérés ou simplement stockés dans des décharges. En bref, les déchets et leur traitement sont responsables d’une grande partie de l’impact néfaste de l’activité humaine sur l’environnement.
Alors, de nombreuses personnes décident d’agir et de limiter leur production de déchets. Bien souvent pour réduire leur impact environnemental mais aussi pour des raisons économiques ou sanitaires.
Le “zéro-déchet” c’est bien. Mais concrètement, ça consiste en quoi ?
Cette initiative se décompose (comme les déchets) en 5 piliers.
REFUSER ce dont vous n’avez pas besoin.
RÉDUIRE ce dont nous avons besoin mais dont on ne peut se passer.
RÉUTILISER ce que nous consommons et ne pouvons ni refuser, ni réduire.
RECYCLER ce que nous ne pouvons ni refuser, ni réduire, ni réutiliser.
COMPOSTER le reste.
Vivre en mode « zéro-déchet » n’est pas simple et nécessite une organisation et un savoir-faire. Mais réduire la production de déchets est accessible à tous et l’impact de cette réduction sur l’environnement est réel. Alors, à vos gourdes et machines à coudre, prêt, arrêtez de jeter !
Tristan Vanuxem