La lutte des cinémas indépendants face aux plateformes
Bien que les cinémas indépendants ne semblent pas avoir la vie facile, le Kino Ciné, situé sur le campus de Pont de Bois à Villeneuve d’Ascq, ne connaît pas la crise. En septembre 2022, nous avons rencontré le président du Kino, Quentin Boitel qui nous a expliqué comment fonctionnent les salles d’Art et d’Essai et ce qui leur permet de survivre face à la montée des plateformes de diffusions géantes.
Le Kino Ciné est un cinéma indépendant et plus particulièrement un cinéma d’art et d’essai qui a ouvert en décembre 1974. Agréé par le CNC (Centre National du Cinéma et de l’Image Animée), il est destiné à promouvoir le cinéma indépendant et à diffuser des œuvres correspondant à certains critères spécifiques. Comme les salles de ce genre attirent moins le grand public, des aides financières sont mises en place pour aider à leur fonctionnement. Le Kino est donc financé par les subventions du CNC, de la mairie de Villeneuve D’Ascq et par quelques bourses de fonctionnement de l’Université de Lille lorsqu’un projet commun est réalisé.
La salle possède également les labels « Jeune public », « Patrimoine et Répertoire », et « Recherche et Découverte », et reçoit ainsi des aides supplémentaires. L’émergence des plateformes n’a donc pas été un problème pour la salle qui reçoit toujours le même financement.
L’Université prête ses murs à l’association, mais le matériel lui appartient. Comme le Kino Ciné ne possède qu’une salle la programmation n’est pas au jour le jour, et les films arrivent généralement un mois après leur diffusion, « Une question de droits », détaille Quentin, le président du cinéma. « Nous n’avons jamais d’interdiction, juste des délais plus longs. » La salle diffuse également des films d’auteurs indépendants plus anciens, qui lui permettent de conserver un certain équilibre entre programmation et fréquentation.
Une fréquentation étonnamment variée
Bien que les locaux soient sur le campus, la salle accueille autant d’étudiants que de personnes extérieures à l’Université. Le Kino Ciné est par ailleurs en partenariat avec de nombreuses écoles, collèges et lycées dans le cadre des programmes École au Cinéma, désormais obligatoires pour les établissements scolaires de la région.
La salle invite également de nombreux intervenants, professeurs de cinématographie, spécialistes, réalisateurs ou acteurs afin d’échanger et débattre. Ces rendez-vous permettent à la salle d’accueillir d’avantage de spectateurs. Ce mercredi 28 septembre par exemple, Roland Gori et Xavier Gayan sont venus dans le cadre d’un ciné débat. Le psychanalyste et le réalisateur ont échangé autour de leur film Roland Gori, une époque sans esprit, en partenariat avec l’Association des Psychologues cliniciens de Lille3. L’événement comptait une centaine de réservations.
De tels événements ne rendent pas les places chères pour autant : elles sont aux alentours de 5 euros, et sont parfois même gratuites : « Le but est de rendre la culture accessible à tous », rappelle Quentin.
Les salles indépendantes conservent une certaine indépendance dû à leur programmation variée, parfois plus originale que les films de plateformes. L’émergence de ces dernières n’a donc pas impactée le Kino Ciné, qui accueille son public toujours fidèle.
Sidonie Rahola-Boyer
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L'économie des cinémas
En 2020, lors de la réouverture des cinémas au cours de l’été, Disney les avait mis dans une position délicate. Le diffuseur avait pris la décision de publier son film Milan uniquement sur sa plateforme Disney + sans passer par les salles. Cette année, c’est le film de Noël “Strange World” qui ne sera pas diffusé au cinéma mais directement en streaming en France annonce le producteur.
Cette décision liée à la chronologie des médias impact les salles de cinéma. Les films Disney représentent à eux seuls 30% des revenus des salles. La chronologie des médias est une loi controversée qui permet de réguler la date de diffusion des films sur les sites de streaming suite à leur diffusion en salle. En France, pour prioriser la sortie en salles, une règle s’applique pour la fenêtre de diffusion de chaque plateforme. Disney peut sortir ses films 17 mois après qu’ils aient été diffusé en salle car il investit moins dans la production ds films en hexagone. Netflix peut les sortir après 15 mois et Canal + déjà après 6 mois. Pour cela, Canal + va devoir investir 600 millions d’euro dans le cinéma ces 3 prochaines années.
À Lille, on constate une baisse du nombre de salles indépendantes et un monopole du diffuseur UGC. Les grosses filiales sont-elles la solution pour préserver les salles à l’ère du numérique ? On constate qu’UGC offre malgré tout une programmation varie avec ces deux salles art et essais.
Mais avec les monopoles les cinémas peuvent-ils maintenir une diversité et ne pas s’uniformiser ? Le CNC, centre national de cinéma permet de financer des petites productions. Il récupère des taxes sur chaque ticket de cinéma et même maintenant sur Disney+, Netflix, Canal + un pourcentage qu’il reverse en subvention pour les réalisateurs avec un projet construit.
Alice Jacquet