La permaculture, ou comment la production agricole peut devenir un moyen de protéger les écosystèmes
Labour de la terre, monoculture, surproduction… tous des facteurs encourageant la destruction des écosystèmes naturels ainsi que l’érosion des sols. La rencontre avec Marion Chevillotte, agricultrice aux Jardins des Bois à Coutiches (59), permet de comprendre les principes et les enjeux de la permaculture pour protéger nos écosystèmes.
Le lundi 26 septembre, c’est sous un ciel pluvieux que nous découvrons l’exploitation maraichère de Marion et sa fille, Mathilde. En se lançant en 2017, Marion fait le même constat que de nombreux scientifiques : les sols vont mal et les écosystèmes sont en danger. En effet, selon le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières), chaque année, l’ensemble des sols français perd en moyenne 1,5 tonne de terre par hectare. On parle d’érosion, c’est-à-dire de disparition de terres fertiles. Ceci perturbe la biodiversité des sols et diminue la qualité de l’eau.
“Je ne me voyais pas faire autre chose que de la permaculture.”
L’urgence environnementale est déclarée et suscite de nombreuses réactions chez les agriculteurs comme Marion. L’heure est au vert et la solution tient en un mot : agroécologie. Celle-ci consiste en une agriculture durable et respectueuse des équilibres environnementaux. Cette politique de production agricole a pour vocation d’optimiser la production alimentaire sans mettre en danger la nature.
Selon le ministère de l’Agriculture, depuis 2015, 753 GIEE (Groupement d’intérêt économique et environnemental) ont été reconnus en France. Ceux-ci pratiquent l’agroécologie et vont parfois même plus loin. Marion nous explique qu’elle ne se voyait pas faire autre chose que de la permaculture. Ce terme provient de la contraction de l’expression anglaise permanence culture empruntée à deux scientifiques agronomes australiens : Bill Mollison et David Holmgren.
On observe aujourd’hui un réel engouement autour de cette pratique. Marion la définit comme “la culture de la permanence et de la résilience”. Celle-ci est considérée comme une philosophie qui associe à la fois la société et l’être humain à l’agroécologie. Elle inclut aussi la quête de sobriété énergétique qui, en cette rentrée 2022, semble primordiale. La permaculture repose sur différentes techniques d’aménagement des espaces afin de trouver une certaine harmonie avec la faune et la flore. Pour protéger les sols des brûlures du soleil et du lessivage de la pluie, Marion nous montre comment elle couvre la terre : elle utilise de la paille en grande quantité ou des bâches réutilisables et recyclables. L’agricultrice plante aussi des arbres, elle explique que c’est nécessaire pour nourrir les sols et leur redonner une perméabilité.
Pour Marion, la clé de la permaculture c’est “l’observation de l’environnement dans lequel on cultive”. Nous observons son exploitation et nous y voyons un espace riche en couleurs et rempli de vie : une vision brute de la nature.
“Je travaille entre 60h et 70h par semaine.”
Les nombreux agriculteurs et maraîchers qui se lancent dans la permaculture font rapidement face à des difficultés. La première, selon Marion, est climatique. Elle donne l’exemple de ses courges : pour pousser, une courge a besoin d’une fleur, or avec les températures qui sont de plus en plus élevées en été, les fleurs ont fané. La récolte a donc été difficile.
Vient s’ajouter à cela une difficulté économique. Les travailleurs de la terre comme Marion ne bénéficient d’aucune aide de l’Etat. Ils ne touchent que 3 500 € par an grâce à la prime bio (qui n’est pas une aide de la PAC). En dépit de sa considérable charge de travail, variant entre 60h et 70h par semaine, Marion explique : “Je ne me paie toujours pas et je ne connais pas de collègue qui se paient”.
“Heureusement qu’on a des stagiaires !”, dit-elle. En effet, pour alléger leurs charges financières, les fermes proposent souvent d’accueillir des stagiaires ou font appel au Wwoofing. Le Wwoofing se présente comme un apport de main d’œuvre sans échange d’argent avec le travailleur : en contrepartie, il est hébergé et nourri.
Clémence Nison
zoom sur le Wwoofing
Le Wwoofing, acronyme de World Wide Opportunities on Organic Farms, a été créé en 1971 par Sue Coppard, une secrétaire londonienne, passionnée par la nature. Le principe du Wwoofing est l’échange. un projet qui met en relation des individus en manque de campagne portant un intérêt à l’écologie, et des propriétaires de fermes biologiques. Les bénévoles restent un temps , et sont, en contrepartie de leur travail, nourris et logés. Les fermes qui font partie du réseau Wwoofing sont présentes dans 132 pays, et pratiquent l’agriculture biologique. Pour les fermiers c’est une manière de bénéficier de main d’œuvre bénévole, et pour les Wwoofers, d’ élargir leur conscience écologique; chose absolument nécessaire face au dérèglement climatique que l’on connait. Pour la plupart, les Wwoofers sont des étudiants urbains aux ressources limitées, ou des travailleurs dans le milieu de l’agronomie. Les hôtes peuvent développer leur projet sans les coûts d’embauche d’un salarié et apprennent aussi de nouvelles techniques agricoles grâce au savoir-faire des Wwoofeurs. Ces derniers ont tendance à se diriger vers des projets agricoles après cette expérience ; comme l’illustre le cas de Sarah, étudiante de 26 ans en master d’études culturelles. Elle a décidé de quitter son travail dans la médiation de musée pour s’aventurer dans le milieu du Wwoofing afin d’aborder une nouvelle approche de l’agriculture plus respectueuse de la planète, de la terre, soit, la permaculture. Après avoir suivi une formation BPREA maraîchage biologique, Sarah est partie en voyage avec son copain en camion pendant quelques mois, l’occasion d’explorer plusieurs fermes en Grèce et en Croatie dans le but d’ouvrir sa propre exploitation maraîchère en Occitanie. Son projet est aujourd’hui en cours. Le Wwoofing représente ainsi une solution pour les fermes biologiques n’ayant que très peu de ressources pour embaucher des salariés, même rengaine pour ceux qui veulent développer un mode de vie plus durable et respectueux de la planète grâce à la permaculture.
Nayra Palacios
© Candice Percheron