Retour, ou plutôt aller-simple, vers la boulangerie du futur avec Florent Leroy
Florent Leroy, actionnaire majoritaire de l’entreprise Le Fournil Bio à Villeneuve-d’Ascq, propose un concept de boulangerie bio, locale et en partie auto-suffisante. Face à la crise énergétique et l’augmentation du coût des matières premières, son idée lui permet aujourd’hui de continuer son activité, tout en essayant de limiter la hausse des prix pour le consommateur.
Depuis son origine, Le Fournil Bio, boulangerie de Villeneuve-d’Ascq, propose un concept original tant par son fonctionnement que par la composition du pain. A l’initiative du projet, il y a d’abord eu Thierry Decoster, premier patron du Fournil Bio. En 1995, son idée était la suivante : avoir un magasin bio avec une boulangerie dedans et « faire du B to C ou vendre le pain aux particuliers qui venaient dans le magasin ». Ensuite, le pain a été aussi revendu à des entreprises et des cantines scolaires en B to B, c’est-à-dire le commerce d’une entreprise à l’autre.
« Après, j’ai repris les rênes », explique Florent, à une période des années 2010 où le marché du bio a pris de l’ampleur. Alors le Fournil s’est déplacé dans un bâtiment individuel à côté du magasin afin de se développer. Depuis ce déménagement « l’idée est de fabriquer du pain biologique de qualité, issu de farines les plus locales possibles et de le rendre accessible démocratiquement ». Une envie pour le patron de développer un « projet haut de gamme tout en ayant du pain partout et pour tous ».
L’autoentrepreneur décrit d’ailleurs les trois piliers de son entreprise comme étant « le bio, la qualité et la cohérence globale écologique ».
« Un concept cohérent »
En septembre dernier, Europe 1 annonçait la fermeture de deux boulangeries à Armentières. La hausse du coût des matières premières et du coût de l’énergie, accentuée par la crise du Covid-19 et la guerre en Ukraine, affecte de manière importante le domaine de la boulangerie-pâtisserie.
Le Fournil Bio s’en sort et cela en partie grâce à ses panneaux solaires installés sur le toit du bâtiment. « Ça se ressent sur la facture car on produit 10% de notre électricité, ce qui représente 3 foyers français », affirme le gérant.
Malgré cette énergie produite et « consommée directement sans revente », l’entreprise a dû conclure en complément un contrat « 100% énergie verte » avec Engie, filiale d’EDF. Pour se justifier, Florent précise qu’il n’est pas possible « d‘étendre l’autoconsommation car sur l’orientation des panneaux, on est au maximum ». Il regrette toutefois que « l’autoconsommation ne se développe pas plus bien que ce soit un concept cohérent, révolutionnaire et très facile ».
Un concept bio, local, écologique mais limité
Pour le patron, produire du bio issu de matières premières locales, tout en respectant l’environnement, est son « but ultime ». Avec des idées comme les paquets compostables à la maison, l’utilisation de blé de la région et la production de levain sur place, le contrat semble rempli. Toutefois, son concept subit malheureusement ce qu’il appelle « la double peine ».
D’une part, « le marché du bio se casse la gueule » puisque les producteurs et industriels se désengagent du bio. Ce qui a conduit récemment le patron à se rabattre sur du beurre « origine France » et non régional et biologique. Aussi et afin de diminuer la facture, Florent a dû se résoudre à procéder à deux augmentations de prix en moins de deux mois, « voire même une troisième dans le courant du mois de janvier ».
Néanmoins, cette hausse de prix ne compte pas faire chuter l’objectif du gérant de continuer à produire un « pain nutritif et meilleur pour la santé ». Florent Leroy est fier de son concept et ne compte pas s’arrêter là. Il espère dans le futur développer une gamme de muesli faite à partir de pain rassis car « le pain est l’aliment le plus jeté du monde ».
Elsa SENAME
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Le défi des boulangeries : se renouveler pour fidéliser
8,5. C’est le nombre par lequel la consommation de pain par jour et par habitant a été divisée en France en 120 ans. En 1900, un Français mangeait en moyenne 900 grammes de pain par jour. Contre 105 g en 2020 (114 g en 2015), selon l’étude « Le pain et les Français : 5 ans après », réalisée par le cabinet QualiQuanti à l’initiative de la FEB (Fédération des Entreprises de Boulangerie/Pâtisserie).
Comment expliquer cette baisse de popularité ? L’offre a changé. La société de consommation a fait émerger de nouveaux produits qui ne se sont pas ajoutés mais ont remplacé en partie le marché du pain. L’enquête du cabinet QualiQuanti a révélé une baisse d’intérêt, une certaine lassitude et une préoccupation croissante vis-à-vis de la qualité et de la conservation du pain chez les clients. De plus, le pain de mie industriel est devenu une alternative occasionnelle au pain frais pour près d’un Français sur deux. Florent Leroy, gérant du Fournil Bio, se rend compte que « le marché se déplace vers du pain norvégien et du pain au chanvre ». A cela s’ajoute, le snacking qui impacte beaucoup l’économie du pain traditionnel, car les gens mangent des « wraps et des bagnats ».
Pour ces raisons, les fournils doivent se réinventer pour se maintenir à flot. De son côté, Florent, face à la concurrence du pain de mie industriel, rentre dans la dynamique et va proposer un pain de mie emballé. Il a également lancé un muesli fait à base de pain rassis mais sa rentabilité à grande échelle reste limitée. Il revend donc son pain de la veille 30% moins cher dans l’optique de jeter moins, et de rattraper les pertes liées à l’inflation.
Valentin VALETTE
Quelles sont les origines du Fournil ? Son fonctionnement ? Les objectifs futurs ? Florent Leroy a répondu à nos questions et nous en a dit plus sur son entreprise.
Une vidéo filmée et montée par Justine LE GAL.
Photographe : Hugo SCALABRE
Mise en page : Pierre LUCOTTE