Coupe du monde 2022 : des Lillois ramènent la coupe à la raison
Du 20 novembre au 18 décembre se déroule la 22e édition de la Coupe du Monde de football au Qatar. Certains bars ont décidé de ne pas diffuser les matchs au vu des polémiques de corruption, et de l’aberration écologique et humaine que représente cet événement. En soutien à ces bars, un groupe de Lillois a créé le site Ramenez la coupe à la raison, visant à rendre compte des contradictions actuelles.
Depuis des semaines, le débat médiatique et politique de son boycott est en pleine effervescence. La construction d’un stade climatisé en plein désert, dans un pays comme le Qatar qui, en 2022, restreint encore les droits de l’Homme, interroge. Malgré la popularité d’un tel événement, certains ont fait le choix de ne pas le regarder ni de le diffuser. C’est le cas de quelques bars, recensés par le site Ramenez la coupe à la raison.
« Je ne regarderai pas des gens courir sur un cimetière », confie Antonin Lefebvre, l’un des co-créateurs du site, qui ajoute ne pas se reconnaître dans cette Coupe du monde subversive. En développant le site, les fondateurs souhaitaient créer un lieu commun prônant des valeurs de respect des enjeux écologiques et humains actuels. Le slogan du site fait par ailleurs écho au hashtag #ramenezlacoupealaraison de l’organisation Amnesty International, ayant pour mission principale la protection des Droits de l’Homme.
Recenser les bars et leurs évènements
Une trentaine de bars de la France entière ont adhéré aux valeurs du site. Le bar la Friche, situé à Marcq-en-Barœul, en fait partie : « On a rejoint le site pour montrer aux gens que notre bar n’est pas inexistant même si on ne diffuse pas de match de foot. » Aucune condition n’est requise pour s’inscrire, mis à part le partage des valeurs. C’est pourquoi Ulin, cofondateur du restaurant Kousbi installé à Wazemmes, a décidé de les rejoindre : « En adhérant on leur donne du soutien, même si pour nous ce n’est pas un acte qui coûte beaucoup puisque de toute façon nous n’avons pas de télé. »
Sur le site apparaît un onglet « les events », dans lequel sont recensées les différentes activités que proposent les bars adhérents. Ainsi, il est possible de participer à un football citoyen, d’assister à un concert de Rock, ou à un Katar(Pas)Oké, et ce, dans des lieux qui partagent une certaine éthique. Ainsi pour Garance, responsable communication de La Friche, « il ne va pas forcément y avoir moins de monde, puisqu’on va proposer des évènements comme des blind tests, karaokés et on sait que ça fonctionne très bien ». L’éventuelle perte économique liée à la prise de position des bars, se voit ainsi compensée par des événements alternatifs.
Un appel à la prise de conscience tardif ?
Le site n’appelle pas au boycott de la coupe du monde, souvent vu comme un outil de hargne, mais simplement à une prise de conscience des enjeux actuels. « On sait très bien qu’il est trop tard mais si on peut arriver à convaincre ou à faire réfléchir 50 personnes, on a déjà gagné », témoigne Antonin Lefebvre. Pour lui, les chiffres et études parlent d’eux-mêmes, « on ne veut pas faire peur aux gens, mais les faits sont là, il y a eu 6500 morts sur les chantiers, le bilan carbone de la Coupe du monde sera deux fois plus élevé que prévu ».
Ce rejet divise, et apparaît comme un cas de conscience difficile à résoudre. En effet, nombreux sont ceux qui critiquent ces initiatives, en répétant qu’il est de toute façon trop tard et que ce n’est pas un problème nouveau. Pour Garance, néanmoins, la préoccupation de ces enjeux est assez récente : « Les gens, avant, avaient beaucoup moins conscience du mouvement écologique qu’aujourd’hui et je pense que les jeunes font beaucoup bouger les choses via les réseaux sociaux notamment. » Une vague de conscience notable émerge au travers des réseaux sociaux. Leur influence ouvre à une réflexion commune et partagée à l’échelle mondiale, de quoi entrevoir le début d’une éventuelle bascule des mentalités.
Ainsi l’actuel boycott, largement médiatisé, est à double tranchant. « Ça conforte des gens dans l’idée qu’ils agissent pour la planète et qu’ils peuvent se permettre de faire un écart après. C’est ce que Jean Marc Jancovici appelle l’effet rebond », d’après Ulin. Cette limite est un problème sociétal qui ne sera pas résolu demain. Mais pour les créateurs du site Ramenez la coupe à la raison, de simples initiatives personnelles rassemblant le collectif peuvent faire réagir les politiques.
Zoom sur : L'aberrante organisation des Jeux Asiatiques d’hiver 2029
Après Qatar 2022, sa Coupe du monde en plein désert et ses stades climatisés, après Sotchi 2014, Pékin 2022 et leurs neiges artificielles pour les Jeux Olympiques d’hiver, un nouveau projet de compétition inattendue vient de voir le jour… Les jeux asiatiques d’hiver de 2029 se tiendront en plein désert à Neom, la nouvelle mégalopole saoudienne qui n’existe pas encore.
Dominer en sport, ou briller par l’organisation d’une compétition fait aujourd’hui partie intégrante du softpower d’un Etat, comme le démontre Pascal Boniface dans son ouvrage La géopolitique du sport. Ainsi pour des pays comme l’Arabie Saoudite, dont l’image est écornée sur le plan mondial, et qui cherchent à redorer leur blason peu importe le prix, et l’organisation d’une compétition sportive telle que ces jeux asiatiques d’hiver est une aubaine.
Ce qu’on ne dit pas, c’est que cette compétition est mal-aimée, elle a même été à plusieurs reprises oubliée faute de pays hôtes. Alors c’est ainsi que l’Arabie Saoudite a raflé la mise, satisfaisant l’unique critère du Comité olympique d’Asie, à savoir : être candidat. Les conséquences de l’organisation de cette compétition sont terribles, des milliards seront donc
dépensés pour recréer artificiellement un domaine skiable et sa station dans le désert, et déjà trois opposants ont été condamnés à mort. On ne se refait pas, il n’est jamais simple de vouloir être plus blanc que neige…
Charles Cagnon