Utiliser la Terre pour la sauver, le défi de la géothermie
Avec l’inflation des prix du gaz, se chauffer devient un réel défi. Face à cela, une solution vieille de milliers d’années, la géothermie. Olivier Louart est hydrogéologue et gérant du bureau d’études EGEE Développement à Villeneuve d’Ascq. Il n’a pas attendu la guerre en Ukraine pour équiper les collectivités territoriales en pompes à chaleur.
Face à la crise économique, se chauffer devient difficile, la géothermie pointe alors le bout de son nez. Il s’agit d’une énergie renouvelable qui puise ses ressources dans les profondeurs de la Terre. Son côté renouvelable, multifonctionnel et décarboné paraît une alternative logique aux énergies fossiles, surtout avec les crises économiques et écologiques actuelles. Quand l’énergie se puise aussi dans la terre, autant l’utiliser. Mais en quoi consiste la géothermie ? Elle se définit comme l’énergie tirée de la chaleur terrestre. Cette chaleur provient de l’eau chaude sous nos pieds. Puisque, plus l’eau extraite est en profondeur, plus sa température augmente. En revanche, ce n’est pas l’eau qui va permettre de fournir l’énergie, elle est un transport pour les calories. Ce sont ces dernières qui fournissent l’énergie géothermique.
Qu’est-ce qu’un bureau d’études ?
Il réalise une mission d’assistant à maîtrise d’ouvrage. C’est-à-dire qu’il va accompagner ceux qui veulent réaliser des travaux dans leur domaine : comme les géosciences pour EGEE Développement. Une aide précieuse, administrative, mais aussi technique (travail d’ingénierie, dimensionner…).
D’un premier abord très investi dans son travail, Olivier Louart a intégré le bureau d’études EGEE (Eau, Géothermie, Energie, Environnement) Développement en 2010 avant d’en prendre la direction en 2018. Il s’est engagé dans la voie de la géothermie, en partie pour des convictions écologiques parce qu’il serait « stupide d’ignorer le dérèglement climatique ». Cette géothermie sur laquelle il travaille avec son équipe, est dite de minime importance. En effet, cette classification correspond à l’extraction d’eau à basse température (entre 0 et 30°C) destinée aux pompes à chaleur. Même si ce dispositif ne suffit pas entièrement à la chauffe des bâtiments, elle permet de réduire considérablement la part d’usage des énergies fossiles.
Économie et décarbonation pour l’avenir
Les arguments de promotion de la géothermie résident principalement dans son appartenance aux énergies renouvelables ou encore dans sa décarbonation. Du côté de la géothermie sur laquelle travaille l’entrepreneur, celle-ci présente de nombreux avantages. Elle se veut comme une alternative, mais aussi comme l’exception. Ça ne s’arrête pas là, la géothermie est également unique pour sa non-dépendance au climat. Quand, les éoliennes dépendent du vent et les panneaux solaires de la luminosité, la géothermie fournit une énergie constante.
D’ailleurs, même si les coûts à l’investissement sont exorbitants, à la longue, les économies se font ressentir. Pour prendre un exemple concret, le centre aquatique de Saint-Amand-les-Eaux qui est équipé d’une pompe à chaleur économise actuellement 60 000 euros par an grâce à la géothermie pour chauffer ses bassins et son complexe. Ainsi la géothermie se révèle économique, ce qui commence à attirer les industriels. D’autant plus que le décret tertiaire republié en 2019 impose aux entreprises possédant plus de 1000m² de bâtiments, la réduction de 40% de leur consommation d’énergie d’ici 2030 par rapport à 2010. Ainsi, la géothermie pourrait aider à atteindre cet objectif, commente Olivier Louart. Mais il précise : « Je dis aider, parce qu’on ne pourra pas tout faire en géothermie. Il faut qu’il y ait une mixité énergétique pour réussir à sortir de la carbonation de notre énergie. »
Dans la géothermie, il suffit de traverser la rue
Une des raisons au fait que la géothermie ne pourra pas tout réaliser est le manque de personnel. Que ce soit les foreurs, les bureaux d’études, tout le monde cherche à recruter. Dans le même temps, EGEE Développement n’est que très peu concurrencé dans les Hauts-de-France. À titre d’exemple, le gérant confie que « l’ADEME (agence de la transition écologique) nous a dit que les trois quarts des demandes d’aides viennent de nous, ce qui n’est pas logique car on n’est que six dans le bureau d’études. »
Alors que les collectivités territoriales représentent la majorité des clients d’EGEE Développement en géothermie, les centres aquatiques saisissent ce filon. La géothermie pourrait bien être une solution face à l’inflation des coûts de l’énergie.
Valentin Valette
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La géothermie : solution à tous les maux ?
La géothermie n’est pas une science nouvelle pour l’Homme, le Professeur Jean-Luc Potdevin remonte dans le temps et raconte que cette technique était déjà utilisée dans les anciennes civilisations comme pour chauffer l’eau des thermes romaines.
Il existe trois types de géothermie qui se diffèrent par la température des eaux et la profondeur des forages. Trois géothermies, c’est aussi trois fonctions différentes : un usage direct et domestique (comme pour faire la vaisselle), les pompes à chaleur ou encore la production d’électricité.
Cette troisième utilisation a pris de l’ampleur avec le développement de la “nouvelle géothermie” comme l’appelle le professeur. Née sur le site pilote de Soultz-sous-forêt, cette technique consiste non plus à exploiter une source naturelle d’eau chaude mais à la créer. Les études faites sur ce site ont permis, en 2016, la création de la première centrale géothermique de Rittershoffen en Alsace.
Le professeur résume le fonctionnement des centrales comme le forage d’au moins deux trous d’une dizaine de centimètres à environ trois ou quatre kilomètres de profondeur. L’eau y est injectée, elle chauffe, puis elle est récupérée sous forme de vapeur afin d’alimenter les turbines qui vont créer l’électricité. Il précise cependant la nécessité d’équipements spécifiques afin de gérer les flux, car la vapeur qui remonte n’est pas toujours pure et a donc besoin d’être traitée.
Le problème de cette technologie est le risque de sismicité, en effet le forage et l’injection d’eau dans les sous-sols risquent de perturber leur stabilité. Toujours selon le professeur, c’est pour cela que cette technologie ne pourra substituer totalement l’usage du nucléaire. De plus, il est encore trop tôt pour savoir si les centrales sont durables.
Justine Le Gal
Comment est utilisée la géothermie en France et dans l’Union européenne ?
Pierre Lucotte vous explique tout dans cette vidéo.
- Valentin Valette
- Justine Le Gal
- Elsa Sename
- Pierre Lucotte
- Hugo Scalabre