Intégrer les étudiant.e.s exilé.e.s au sein de l’université de Lille
L’édition 2022 des Chiffres Clés de Campus France montre un paysage de mobilité internationale en train de se transformer sous l’effet de trois crises importantes et inédites : la pandémie de COVID-19, le Brexit et la guerre en Ukraine. La France, qui se classe septième des destinations les plus demandées, permet l’intégration de 365 000 étudiant.e.s internationaux. 78 000 étudiant.e.s à l’université de Lille dont 9 900 étudiant.e.s internationaux à la rentrée de septembre 2022, quel accueil est réservé aux exilé.e.s pour permettre leur intégration ?
Depuis le 13 janvier 2017, l’université de Lille s’engage, par le biais de la Charte du réseau des Migrants dans l’enseignement supérieur (MEnS), à appliquer une politique volontariste en matière d’accueil des étudiant.e.s en exil au sein de l’université. Ces étudiant.e.s, dont la présence en France fait l’objet d’une protection internationale (réfugié.e.s, sous protection subsidiaire ou temporaire et demandeurs.euses d’asile) bénéficient d’un accueil particulier par l’université de Lille et plusieurs associations pour leur permettre de suivre du mieux possible un cursus du supérieur.
L’association Pangéa, qui signifie « toutes les terres » en latin et qui renvoie à la période où tous les continents se touchaient pour n’en former qu’un unique, a pour but d’accompagner les étudiant.e.s exilés à l’Université de Lille afin de faciliter leur intégration. Associée au Programme d’intégration linguistique et orientation pour une année transitoire (PILOT), ce partenariat, avec l’université de Lille, la préfecture du Nord et le CROUS, propose aux étudiant.e.s un accompagnement d’insertion sociale et professionnelle.
L’université de Lille, accompagnée de l’association Pangéa, se charge de permettre l’intégration scolaire et professionnelle des étudiant.e.s exilé.e.s en mettant à leur disposition des cours de français et de perfectionnement des méthodes universitaires. Avant de pouvoir intégrer une formation universitaire du cursus classique, les étudiant.e.s exilé.e.s doivent suivre une reprise à niveau obligatoire en français, mathématiques ainsi que dans une seconde langue. Pour intégrer les formations de l’université de Lille, le niveau minimum de baccalauréat ou équivalent est requis. Ainsi, l’université de Lille a mis en place depuis 2018, la possibilité pour les étudiant.e.s exilé.es de candidater dans des formations qui leurs étaient autrefois fermées. Cet accès ne peut être permis seulement si l’étudiant.e possède un niveau baccalauréat, s’iel souhaite poursuivre ses études universitaires, et s’iel a acquis un niveau de français B2.
La nécessaire intégration sociale
Beaucoup de formations se déroulent en alternance ou ne peuvent se valider qu’avec une expérience de stage. Face aux nombreuses difficultés que les étudiants rencontrent pour accéder à ces stages ou alternances afin de terminer leur cursus, l’université de Lille a ouvert, à la mi-octobre 2022, une Squad. Le but ? Mettre en lien les étudiants avec un professionnel qui aura un rôle de mentor aussi bien dans la découverte du marché du travail français mais aussi lors du stage. En effet, d’après Fabio Cioni, chargé de la mission Responsabilité Sociale à l’université de Lille, « Ces étudiants sont en manque de réseau, ils ont parfois du mal à comprendre le marché du travail français, les codes demandés pour candidater comme le CV, la lettre de motivation ou l’entretien. Ils ont également du mal à valoriser leurs anciennes expériences. Pour beaucoup, par la manière dont ils se décrivent, c’est comme si, depuis leur arrivée en France, ils repartent d’une page blanche ». Il explique que pour certains, dans leur pays d’origine, les entretiens n’existent pas. Un accompagnement personnalisé permet donc de rassurer les étudiant.e.s.
L’association Pangéa joue un rôle important dans l’intégration universitaire des étudiant.e.s mais également dans l’intégration au sein de la société et dans le monde étudiant qui peut parfois être difficile.« L’asso est plutôt là pour fédérer les liens sociaux et briser l’isolement », explique Camille, secrétaire bénévole chez Pangéa depuis un an.
Grâce à l’association, les quelque 200 étudiant.e.s exilé.e.s bénéficient d’un accès à différentes activités leur permettant d’enrichir leurs relations sociales. Pangéa organise régulièrement des sorties culturelles et activités sportives au cœur de la ville de Lille. L’association qui porte les valeurs de partage, d’entraide, de tolérance et de respect, offre des visites de la ville de Lille ainsi que des activités créatives et collectives, entre étudiant.e.s et avec d’autres associations. En début d’année scolaire, elle a organisé un tournoi de volley-ball et a récemment organisé un atelier sur le thème de Noël à la Maison des étudiants du campus de Lille III.
Suzanne Maillard
Edito
Droit d'asile : la France en situation irrégulière ?
« Si je devais résumer, je dirais qu’on doit désormais être méchant avec les méchants et gentil avec les gentils », ce sont les propos du ministre de l’Intérieur le 2 novembre lors de la présentation du projet de loi « asile et immigration » 2023 (c’est le 22è projet de loi sur l’immigration). L’objectif affiché est d’expulser plus facilement et « faciliter l’intégration » dans le travail.
Le terme « méchant », indique qu’il y aurait des « bons » et des « mauvais » exilés, sans prêter attention aux parcours de vie, au-delà même que cette vision est fondée sur des préjugés « on veut ceux qui bossent, pas ceux qui rapinent » (G. Darmanin sur France Info). La notion sémantique est ici très importante, les personnes qui ont choisi de s’exiler, en fuyant la guerre, la faim ou l’instabilité sont appelés « migrants » de manière péjorative, pour désigner un « ennemi ».
Cette intervention pleine de manichéisme essentialiste par Darmanin (passé par l’Action Française) témoigne que la question des exilés est constamment utilisée et instrumentalisée. Dans les discours politiques, au travers de médias à grande audience, dans la quasi majorité des cas, ils servent à discriminer, diviser la population sur des questions identitaires. On en arrive même jusqu’à oublier l’essentiel : il existe un droit des réfugiés en France, mais aussi au niveau international. Or il se trouve qu’en la matière, le pays est en irrégularité. Comme en témoignent les multiples cas où la France est épinglée par la CEDH : mise à l’abri de demandeurs d’asile, rétention d’enfants étrangers, utilisation abusive des procédures prioritaires qui mènent bien plus souvent à un refus…
La France a un rapport assez ambigu en matière d’immigration, bien qu’il y ait une hégémonie des discours hostiles à l’immigration depuis les années 1990 environ, le patronat français est friand d’une main d’œuvre peu chère et peu revendicative. C’est d’ailleurs ce que facilite la loi présentée, en accordant des titres de séjours équivalents à la durée des contrats, ceux-ci sont généralement très courts, d’une durée d’un ou deux ans maximum.
Car le sort réservé aux exilés devrait nous inquiéter, non seulement de par sa nature anti-humaniste, mais surtout vis-à-vis de notre société. Le non-respect du droit des réfugiés en France peut préfigurer le non-respect de nos propres droits. Il est du devoir des journalistes de peser le poids des mots rédigés dans leurs articles. Ceux-ci ne sont jamais neutres et jouent un rôle dans les perceptions de l’opinion publique. Une plus grande formation des journalistes concernant le droit des exilés est nécessaire pour permettre à chacun de capter les enjeux qui y sont liés et éviter désinformation et manipulations politiques.
Noam Peter
Eloi Maridat