Redonner un avenir aux décrocheurs du système scolaire
École, orientation, avenir, diplôme. Autant de mots que de signes d’angoisse et de désespoir pour certains jeunes Français qui tentent de se frayer un chemin dans le monde scolaire. Certains finissent même par décrocher. Mais ce n’est pas pour autant une fatalité. Des dispositifs tel que le Parcours Aménagé de Formation Initiale (PAFI) prévoient le raccrochage de ses élèves laissés pour compte.
Catherine Bonnefond, professeure d’espagnol, et deux de ses collègues au collège de Terrasson-Lavilledieu (24) se battent pour redonner des ailes aux élèves décrocheurs, grâce au PAFI. «Le PAFI a été mis en place il y a six ans, sur la volonté du chef d’établissement et de la référente MLDS (Mission de Lutte contre le Décrochage Scolaire) de mettre en place des choses pour lutter contre le décrochage scolaire. Il s’agit d’un véritable contrat entre le professeur principal, le référent PAFI, l’élève et les parents. »
Ce dispositif regroupe une quinzaine d’élèves âgés d’au moins 15 ans. Objectif : favoriser la persévérance scolaire, et réaliser une prévention au décrochage. L’important est de prévenir la rupture, ou de favoriser le retour de l’élève dans un parcours de formation. Les élèves effectuent plusieurs stages, s’intéressent à des métiers qu’ils ne connaissaient pas, visitent des lycées professionnels et centres de formation d’apprentis. Ils préparent également le Certificat de Formation Générale et le diplôme national du brevet professionnel. Catherine Bonnefond se félicite que « sur les 15 élèves, 14 ont obtenu le CFG. 12 élèves ont également obtenu le brevet professionnel. Ce sont des élèves qui, en début d’année, pensaient qu’ils n’étaient absolument pas capables d’obtenir un diplôme. Finalement ils ont réussi. […] Ils sont parvenus à avoir une orientation choisie et non subie. »
La clef de leur réussite ? « Le fait qu’ils arrivent à retrouver confiance en eux, et l’estime de soi », explique Catherine Bonnefond. « J’en retire beaucoup de satisfaction parce que lorsque je revois mes anciens élèves, ils sont en formation, […] ils ont le sourire et savent qu’ils ont un objectif dans la vie. Ça, c’est la plus belle récompense. »
Savoir comprendre le phénomène
Le décrochage scolaire est un processus qui conduit certains jeunes à quitter le système de formation initiale sans détenir de diplôme en vue d’une insertion professionnelle. Selon la coordinatrice MLDS, Elodie Denoix : « Il existe deux types de décrocheurs. Il y a les décrocheurs actifs, que l’on remarque dès le départ. […] Puis les décrocheurs passifs, qui sont plus discrets mais là physiquement, presque fantômes. »
Si le décrocheur actif est plus facile à cerner, le décrocheur passif, lui, est plus difficile à repérer. Même s’il ne le montre pas de suite, il se désintéresse peu à peu du milieu scolaire, jusqu’à s’absenter à intervalles perlés.
« Mais ça va au-delà de la scolarité et des mauvaises notes », indique Elodie Denoix. En effet, le décrochage scolaire peut être déclenché par des facteurs sociaux, selon l’environnement familial. « D’autres élèves décrochent à cause de leur handicap, ou parce qu’ils présentent des troubles comme l’hyperactivité, le trouble du déficit de l’attention et des troubles du langage écrit, comme la dyslexie. » En ce sens, la sphère privée englobant l’individu préexiste sur le milieu scolaire. Pour la contourner, le meilleur moyen est d’identifier le plus tôt possible les premiers signes de décrochage.
Appréhender le plus tôt possible
Les risques de décrochage scolaire peuvent être identifiés très tôt au cours du parcours scolaire, dès la maternelle. Comme le souligne Elodie Denoix, « cela se traduit par de l’absentéisme, un refus de travailler, un rapport aux autres et aux adultes compliqué et parfois une certaine difficulté d’apprentissage ». De plus, il y aurait « une tendance à la hausse du décrochage scolaire en termes de niveau d’âge. Les décrocheurs sont de plus en plus jeunes, à cause du Covid. Certains sortent tout juste du primaire […]. Ils ne se sentent pas prêts, ou ne sont pas assez matures. »
La plupart des élèves assurent en effet que leur parcours à l’école primaire s’est bien déroulé. Mais il semblerait que le passage à la sixième ait bousculé leur scolarité. La confrontation avec des élèves plus âgés, des troisièmes, n’est pas évidente. La pandémie a en effet pu accentuer ce décalage car l’élève passe d’un monde cloîtré, auprès de ses parents, à un monde extérieur nouveau, où le système éducatif prend une forme bien différente de la pédagogie du primaire. Livrer à lui-même, l’individu doit s’intégrer dans un rythme nouveau. Mais ce rythme peut être bien trop rapide et difficile, d’autant plus que le redoublement n’est aujourd’hui plus possible…
Pallier le décrochage scolaire, c’est essayer d’agir dès les premiers signes. Surtout, c’est redonner confiance aux élèves et leur permettre de donner un sens à leur scolarité, grâce à la mise en œuvre de projets comme le PAFI. Il faudrait donc encourager une éducation plus centrée sur l’individualité pour permettre à l’élève d’apprendre à se connaître et à exploiter ses propres ambitions, quel que soit son parcours.
Clémentine Delor
Crédit photo : © Etienne Diallo
Vidéo réalisée par Nello Decknevel
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La voie professionnelle, une solution envisageable
Il n’est pas évident de trouver sa vocation, surtout à l’âge de 15 ans. De nombreux élèves suivent une filière générale, souvent par défaut ou incités par leurs parents. Mais cette dernière n’est pas adaptée à tous. Elle mène vers de longues études universitaires. Ce n’est pas le souhait de chacun, et beaucoup décrochent. Il s’agit alors de revaloriser les lycées dits professionnels. Ils offrent la possibilité d’un apprentissage manuel. À la clé : la possibilité d’effectuer une alternance rémunérée, entre entreprise et salles de cours. Cette filière permet une insertion plus rapide dans le monde du travail, assurant un salaire et la possibilité de créer son entreprise.
Pour revaloriser la filière professionnelle, des trophées tels que le COBATY sont décernés. Cette récompense met en lumière le meilleur apprenti au sein de chaque département. Le trophée COBATY est associé aux valeurs du travail, de la passion, et de l’ambition. Il prouve alors que la voie professionnelle, et le BTP en général, peuvent être des filières d’excellence, au même titre que les cursus universitaires. Il faut donc laisser à chacun le temps de trouver sa voie, de se tromper, et de revenir en arrière. Le BTP tend de plus à s’adapter à un nouveau public. Une nouvelle vague de jeunes est à la recherche d’une orientation « écoresponsable ». Des matériaux plus respectueux de l’environnement sont donc par exemple utilisés par les différentes filières du BTP.
Matthieu Delour