Le slow flower au service de la fleur locale et de saison
80% des fleurs vendues en France sont produites à l’étranger (Photo Mathis Beautrais).
C’est en 2020, après 20 ans passés en tant que responsable technique dans la grande distribution, que Leïla Forte choisit d’allier sa fibre artistique à son souci de l’environnement en créant « Douces fleurs ». Alors que 80% des fleurs utilisées en France sont importées, plusieurs Français comme elle, décident de s’inscrire dans le mouvement du slow flower, en cultivant leurs propres fleurs locales, bio et de saison. Trois ans plus tard, ses ambitions n’ont pas changé, et son terrain s’agrandit.
« Beaucoup ont oublié ce que c’était que d’acheter de la fleur en direct au producteur. » Leïla Forte décide de lancer « Douces fleurs » en 2020, une production en adéquation avec ses valeurs ; l’écologie d’abord, pour laisser un monde vivable à ses enfants, et la création de beau, à travers l’art de la composition florale. Elle utilise ses propres fleurs coupées, locales, bio et de saison pour confectionner des bouquets et compositions, vendus en points de dépôt ou en ventes directes dans le département du Nord. Aujourd’hui, la floricultrice déplace sa production sur un terrain plus grand, proche de Rennes, pour qu’elle soit plus rentable.
S’inscrivant dans le mouvement du slow flower, né aux Etats-Unis dans les années 2000, les cultures se font en fonction du climat, au rythme des saisons et de la nature. « C’est l’humain qui est obligé de s’adapter à la nature et pas l’inverse », explique l’horticultrice. Bien que la France soit en retard par rapport à d’autres pays tels que les Etats-Unis, l’Allemagne ou la Belgique, de plus en plus de producteurs pratiquant le slow flower s’installent dans les Hauts-de-France. « Lorsque j’ai commencé, nous étions deux ou trois dans la région ; maintenant nous sommes une dizaine. » Difficilement rentables, ces cultures se limitent souvent à des petites productions vendues dans les marchés de producteurs plutôt qu’à des fleuristes.
Agir pour la planète par les fleurs
A la croisée de son penchant artistique et de son goût pour l’agriculture « les mains dans la terre », Leïla Forte choisit la production de fleurs. Elle explique : « Je me suis rendu compte que la fleur avait autant d’impact écologique que n’importe quel produit qui sort de terre. » En effet, celles-ci sont rarement prises en compte dans les cultures polluantes, alors que leur impact environnemental est non négligeable.
Même si de plus en plus d’initiatives de slow flower se développent en France, les producteurs de fleurs locales, bio et de saison rencontrent encore des difficultés à obtenir des financements pour louer des terrains, puisque les grandes cultures sont favorisées, particulièrement en Hauts-de-France avec la culture de pommes de terre très prégnante. Il leur est nécessaire de trouver des débouchés commerciaux pour leurs fleurs, mais ils ne peuvent se concentrer que sur la vente directe, sur les marchés de producteurs, sur les courts-circuits, ou sur des plateformes spécialisées. Peu de fleuristes acceptent de vendre ces fleurs, considérées trop coûteuses, ce qui freine l’expansion du slow flower. Ceux-ci sont incités par l’Etat à en vendre, mais n’en ont pas d’obligation. Des inégalités entre régions persistent, certaines comme la Bretagne accordant davantage d’aides aux producteurs en slow flower.
Former un réseau d'horticulteurs responsables
Leïla Forte et nombreux de ses collègues producteurs et fleuristes français sont membres du Collectif de la fleur française. Celui-ci soutient la culture de fleurs françaises locales et de saison. Il impose aux fleuristes membres qu’au moins 50% de leurs fleurs proviennent de France, et que les floriculteurs membres cultivent le plus naturellement possible. Près de 500 affiliés sont mis en réseau et sont accompagnés, en échange d’une cotisation. « Il y a une grosse entraide entre nous », explique la productrice, qui a effectué des stages chez certains autres membres du collectif.
L’exploitation de Leïla Forte à Rosult (Douces Fleurs/Facebook)
La floricultrice espère une prise de conscience des fleuristes, qui refusent pour beaucoup de revendre des fleurs issues du slow flower. Elle constate que les clients « amoureux de la fleur, qui ne trouvent plus certaines variétés champêtres » et ceux « engagés, qui veulent consommer local et sans impact environnemental » sont prêts à payer un coût plus élevé pour des fleurs locales et de saison.
Lison Borel
Les nouveaux défis de l'horticulture française
Vidéo réalisée et produite par Anna Chartier-Degenhardt
ZOOM SUR ...
LA VENTE DE FLEURS COUPÉES EN EUROPE
Plus de 80 % des fleurs vendues en France sont importées, majoritairement du Kenya et d’Amérique du Sud. En effet, dans le cadre de la mondialisation, les unités de production des firmes transnationales sont délocalisées dans les pays où la main-d’œuvre est moins chère.
Les entreprises européennes du secteur floral, comme Bigot-Fleur en France, n’échappent pas à la règle. Ces firmes exploitent les ressources du pays producteur, ainsi que ses habitants, pour réaliser un maximum de profit, sans se soucier des effets dévastateurs sur les droits humains et l’environnement.
Les productions sont ensuite exportées aux Pays-Bas puis mises aux enchères par FloraHolland, qui s’occupera de les distribuer chez les revendeurs européens.
Au Kenya, depuis les années quatre-vingt, la vallée du Rift voit fleurir des exploitations horticoles pour satisfaire la demande européenne de fleurs coupées. Les conditions de vie et de travail étant médiocres, des bidonvilles se développent à côté de ces fermes.
L’essor économique du Kenya impact également l’environnement. Le lac Naivasha s’assèche progressivement en raison de l’irrigation des champs de fleurs installés sur ses abords. Tandis que la faune et la flore disparaissent progressivement à cause de l’usage massif des fertilisants.
Clara Browarnyj