More Women On Stage ou la scène musicale comme lieu de combat féministe
Posted On 7 avril 2023
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Des musiciennes sur scène portant le tee-shirt de More Women On Stage. / Photo : Juliette Claverie.
Longtemps les femmes ont été reléguées au rang de spectatrices, sources d’inspiration ; aujourd’hui, elles revendiquent avec force leur place de créatrices sur le devant de la scène. C’est en 2021, alors qu’elle est, une nouvelle fois, la seule femme programmée pour le festival auquel elle participe que Lola Frichet décide d’agir une première fois. Au dos de sa basse, elle pose un scotch sur lequel est marqué le slogan « More Women On Stage », qu’elle brandit face au public à la fin de sa prestation. Il ne faut que très peu de temps avant que le slogan soit repris par de nombreuses musiciennes qui le font apparaître sur scène. Très vite Lola est alors rejointe par Sacha Rosenberg, Marion Jolivet et Julia Ménard-Rossini qui s’investissent à ses côtés pour l’aider à réaliser son projet. Six semaines après, la première édition du festival de More Women On Stage est lancée, accueillant neuf groupes, deux DJ-sets, deux tables rondes, trois masterclass et une exposition photo : « L’association était créée et le mouvement en réalisation », nous écrit fièrement Julia.
Plus qu’un engouement, c’est une véritable connivence qui se crée autour du mouvement et qui permet d’ouvrir tous les esprits à la discussion. « C’est un slogan qui finalement est assez universel. Beaucoup d’hommes aussi arborent fièrement leur tee-shirt ou stickers en soutien au mouvement. » Mais, au-delà d’un simple slogan, More Women On Stage porte surtout la volonté de mettre en avant la présence des femmes autant sur scène que dans les coulisses. « Sur nos événements, on essaye d’avoir 60 à 70% de femmes (minorités de genres comprises) sur scène, et une parité dans l’équipe technique et organisatrice », explique Julia. Ce qui représente bien plus que la simple parité qui est, elle, déjà difficile à trouver sur de nombreux gros événements français. Pour 2023, l’association a d’ailleurs décidé de développer une petite tournée baptisée More Women On Tour pour permettre aux femmes d’autres régions d’être mises en avant à la fois sur la scène et le backstage. « Pourtant, nous ne prétendons rien révolutionner car des actions il y en a depuis des années, mais sur la scène des musiques actuelles il y a encore beaucoup de travail à faire. » Outre leurs représentations, le cœur de l’association est aussi dans l’organisation de masterclass : deux heures pendants lesquelles carte blanche est donnée à une musicienne et/ou professionnelle de la musique pour développer, présenter et discuter avec les participants. Ces moments de complicité visent alors à donner des armes aux femmes de la scène pour les aider à se réapproprier et s’affirmer dans leur espace.
« Ce qui est frappant, c’est que les femmes sont très présentes dans les conservatoires et dans les écoles de musique. Or, on ne les retrouve que très peu sur scène. Comment cela se fait-il que lorsqu’il s’agit de professionnalisation les femmes disparaissent ? » Pour Julia, qui pose elle-même cette question réthorique, c’est avant tout un problème de légitimité qu’il est nécessaire de se réapproprier et du rôle même d’une femme au sein d’un groupe de musique. Encore aujourd’hui les stigmates portent trop souvent à penser d’office la femme comme la chanteuse, la commerciale ou la simple accompagnatrice. Autant de préjugés qui participent à la remise en question des femmes sur leur rôle. « Maintenant, les cartes sont dans les mains des organisateurs et organisatrices de concerts, afin de faire en sorte que ce soit normal d’avoir quasiment autant de femmes que d’hommes dans leurs programmation.»
Pour les organisateur.ice.s de More Women On Stage c’est un phénomène cyclique : plus il y aura de femmes qui seront visibles sur scène plus cela portera à créer des vocations et générera une ouverture pour, qui sait, atteindre un jour des quotas de femmes et d’hommes sur scène qui seraient égaux. « More Women On Stage est bien sûr un mouvement féministe, et comme dans tout mouvement qui revendique un changement, il y a un côté presque militant. Les Riot Grrrls dans les années 90 avaient déjà bien fait avancer ces questions en créant leur propre fanzines, en organisant leurs propres concert là où personne ne les voulaient ou ne les attendaient. » Ce que réclame More Women On Stage n’est que la perpétuation d’un combat qui n’a pas fini d’être mené et dont les femmes du milieu musical et artistiques sont les héritières.
Mahaut Lafont-Baldauf
L’industrie musicale s’écrit au féminin et pourtant ce sont les hommes qui la
contrôle. Malgré les grandes figures féminines que l’on connaît, les femmes sont sous-représentées dans l’art musical.
Lili Boulanger, Marianne Faithfull ou encore Billie Holiday sont respectivement des figures du classique, du rock anglais et du jazz. Considérées comme des artistes prodigieuses, elles sont pourtant une minorité en raison de la sous-représentation féminine dans la musique. En janvier 2020, une étude réalisée par l’université de Californie du Sud et Spotify démontre statistiquement ce phénomène. Sur un échantillon de 800 chansons populaires entre 2012 et 2019, les femmes ne représentent que 21,7% de tous les artistes à l’origine de ces centaines de musiques. Par ailleurs, elles n’en représentent que 2,6% des producteurs et 12,5% des auteurs- compositeurs. Au-delà des chiffres, ce constat témoigne d’une monopolisation masculine de la musique et indirectement de l’art. Globalement, cette étude est le reflet d’une minimisation du potentiel créateur et intellectuel de la femme perpétué depuis des siècles. L’inégalité des sexes continue à rythmer nos oreilles quotidiennement même si, parallèlement, cette supposée infériorité féminine se déconstruit progressivement depuis quelques décennies par le biais d’initiatives telles que le mouvement « More Women On Stage ».
Vidéo : Roman Carlier-Del-Rio.
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