Au cinéma, le rire s’expose comme remède à la morosité
Du 16 septembre au 15 octobre dernier, une exposition sur le comédien Michel Serrault s’est installée au Palais Rihour dans le cadre du festival Ciné Comédie. L’occasion de décrypter les bienfaits des comédies pour notre santé.
« Le rire est une bouée de sauvetage », disait Michel Serrault. L’acteur français, connu pour ses comédies, a marqué le cinéma des années 80. Seize ans après son départ, le public rit encore devant ses plus grands succès, du film Le Bonheur est dans le pré à La Cage aux folles. Il était cette année la personnalité mise à l’honneur du festival Ciné Comédie. L’événement « rend tous les ans hommage à un acteur ou réalisateur », explique Jérémie Joly, le médiateur culturel de l’exposition dédiée à l’artiste. Au palais Rihour, les curieux ont pu découvrir ou redécouvrir la carrière du comédien et déambuler entre les costumes et accessoires de tournage. L’objectif était également pour les organisateurs de mettre en lumière une période du cinéma méconnue par les plus jeunes.
Un genre qui évolue
« A l’époque de Michel Serrault, la comédie française était de qualité », précise celui qui a monté la visite aux côtés de la fille de l’acteur Nathalie Serrault. Pour Annick, visiteuse de l’exposition,« les acteurs étaient des pointures ». « On aime revoir les films et on prend toujours autant de plaisir », complète son mari Daniel en regardant avec nostalgie un extrait diffusé sur un moniteur. Pour le couple, la comédie a perdu de sa splendeur d’antan et de liberté. « La comédie s’adapte à la société, on ne peut plus faire la même chose aujourd’hui que durant les années 80 », observe Jérémie Joly. « La cage aux folles est un film qui parle d’homosexualité et qui n’aurait plus le même accueil de nos jours. » En essayant de ne pas blesser et de toucher le plus grand nombre, le cinéma a revu sa copie. Une contrainte également marketing pour les distributeurs. Depuis quelques années, les comédies tendent parfois à être diffusées directement sur les plateformes de streaming. « Le rire est communicatif, c’est tout l’intérêt d’aller au cinéma pour regarder des comédies », explique Franck, un autre visiteur. Le quinquagénaire prône l’effet des salles pleines où « le rire se transmet ». Pour Daniel c’est un genre « intergénérationnel, on rit en famille, entre amis et même avec des inconnus ». Il faut dire que le genre attire. Sur le podium des plus grands succès du cinéma en France, deux films sont des comédies. D’années en années, elles cumulent les records entrés et attirent une grande part de la fréquentation des salles françaises (voir infographie).
Rire pour s’évader !
Si la comédie attire autant, c’est qu’elle répond à une problématique de société : la morosité. Depuis de nombreuses années, la santé mentale des Français a significativement baissé. En juin dernier, l’OMS a même appelé à renforcer les soins consacrés à cette dernière. D’après une étude de Santé publique France, le nombre d’épisodes dépressifs a connu « une accélération sans précédent entre 2017 et 2021 (+ 36 %) ». Aux côtés des thérapies menées par les médecins, le cinéma et l’humour plus généralement se sont révélés comme un moyen efficace afin de garder le sourire. Durant la pandémie de Covid 19, les humoristes ont redoublé de succès et sont devenus pour les confinés un moyen de fuir l’anxiété. Il faut dire que le rire a aussi des nombreux bienfaits pour notre santé globale. En effet, une minute de fou rire équivaudrait à 45 minutes de relaxation selon France 2. Il faudrait même le faire pendant dix à quinze minutes par jour afin de garder une meilleure santé d’après les médecins. La raison ? Au-delà de mobiliser 400 muscles, le rire libère de la dopamine permettant une sensation de plaisir et de bien-être. Ainsi, visionner un long-métrage au cinéma est devenu une arme remarquable face à la morosité ambiante. « Les comédies nous font du bien », conclut Annick. Ces dernières ne sont donc pas prêtes de quitter le cœur des Français. Fort de son succès lillois, une nouvelle formule du festival Ciné Comédie a même été créée à Lens-Liévin l’année dernière et sera renouvelée l’an prochain.
Oscar Chédemois
Michel Serrault, une figure emblématique
de la comédie française
« Si l’acteur ne bouscule pas la réalité pour aller plus loin dans les émotions ou dans le rire, ce n’est plus un artiste », Michel Serrault. Lorsque l’on découvre l’exposition sur Michel Serrault au Palais Rihour, on se remémore rapidement ses plus grands classiques à l’instar de Garde à vue de Claude Miller ou encore le Papillon de Philippe Muyl. L’un des acteurs les plus populaires de sa génération, il savait comment faire rire le public.
Originaire d’île de France, il se lance dans la comédie et l’art dramatique en 1944. Il fait ses premiers pas au cinéma 10 ans plus tard dans AH ! les belles bacchantes de Jean Loubignac au côté de Louis de Funès, après avoir intégré la troupe des Branquignols créée par Robert Dhéry et Colette Brosset. En tout, il réalisera 140 longs métrages et une dizaine de pièces de théâtre dans des rôles très variés comme la comédie absurde et délirante telle que le Buffet froid de Bertrand Blier, mais aussi des interprétations dramatiques nuancées comme Le Monde de Marty réalisé par Denis Bardiau. Dans les années 50 il rencontre Jean Poiret, avec qui il partagera ses plus grands succès à l’image de La cage aux folles (1973) présentée au palais Royal qui affichera salle complète. La prestation de Michel Serrault lui vaudra de décrocher son premier César. Ce duo de comique, d’une verve précieuse et d’un humour considérable marquera la comédie du XXe siècle.
Michel Serrault s’est éteint en 2007, des suites d’un cancer, à Vasouy (Normandie) laissant derrière lui une trace indélébile dans le patrimoine culturel cinématographique français.
Laly Chevalier