“Je n’avais nulle part où aller” : Comment les étudiants font-ils face à la crise du logement ?
Posted On 26 octobre 2023
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Depuis le 1er janvier 2023, la possession d’un « permis de louer » pour les propriétaires souhaitant mettre en location un logement est obligatoire sur 27 communes de la métropole européenne lilloise. Ce dispositif signe l’engagement de la MEL dans la lutte contre le logement indigne. Entre arnaques, loyers trop élevés et insalubrité, l’action en amont de la métropole est une promesse d’amélioration.
Chaque année, des milliers de nouveaux étudiants prennent d’assaut les agences immobilières afin de trouver le logement qui leur convient au meilleur prix. Trop souvent, limités par le temps et financièrement dans leur choix, le logement réserve de mauvaises surprises. Pour agir globalement dans la crise du logement, la MEL a mis en place trois outils. L’autorisation préalable de mise en location “le permis de louer”, est accordée par la MEL, après que le propriétaire a transmis les diagnostics techniques du logement ainsi que les risques naturels auxquels il est exposé. Ce dispositif est complété par une nouvelle vérification des diagnostics sur l’amiante, le plomb, le gaz et l’électricité ciblant les habitations bâties avant 1974 ou 1948 pour Lille. Agissant en aval, la MEL évince les propriétaires frauduleux voulant mettre en location une habitation insalubre ou vétuste.
Avant d’entamer des travaux de division d’un logement, une autorisation préalable de la métropole est également obligatoire afin de créer des habitations à superficie suffisante, décentes et non exposées à des risques sanitaires.
Des actions nécessaires en temps de crise
Ces réformes interviennent dans un contexte de tensions et d’incidents : le 12 novembre 2022, un immeuble rue Pierre Mauroy s’est effondré et le corps d’un médecin est retrouvé dans les décombres. Cette tragédie pose la question de la réglementation concernant les habitations à Lille. Des situations se répètent dans lesquelles les étudiants sont démunis, et exposés davantage à la précarité.
Rodrigue dans son lieu d’habitation
Rodrigue, étudiant, a emménagé avant de se rendre compte que son logement avait des infiltrations d’eau. Au fil de la progression lente des travaux, il se rend compte que l’eau est partout, dans les murs, le plafond… Pendant plusieurs mois, il continue d’y habiter alors qu’il n’y a plus d’électricité dans le salon, et qu’un large trou dans le plafond laisse couler l’eau qui finit par gondoler le parquet. L’agence et les propriétaires se renvoient la responsabilité, laissant le locataire dans une attente difficile : « Les travaux ont commencé en septembre 2022, et là un an plus tard, j’attends toujours qu’un expert vienne faire un nouveau devis. » 16% des habitations insalubres sont concentrées dans le département du Nord et demandent une surveillance accrue qui reste défaillante
François, lui, a été contraint de passer l’hiver dans un appartement où la température était de 13°C. Il signale des problèmes d’humidité et d’isolation en novembre 2022, les travaux commencent en mai 2023 et aujourd’hui, ils continuent toujours. Cela fait donc sept mois que François vit dans un logement désossé et dans la poussière, les murs étant détruits : « J’ai même dû porter un masque par moments car je suis asthmatique, mais bon, je n’avais nulle part où aller. »
Des réformes modestes qui n’empêchent pas un manque de réactivité
La MEL agit en amont, ce qui signifie qu’une fois le logement loué, l’aide disponible est restreinte. Le locataire est forcé de chercher des solutions ailleurs, de suivre de longues procédures alors que la situation est urgente.
Émile explique avoir fait une démarche à la mairie de Lille pour signaler un loyer trop élevé : « J’ai exposé la situation de nos 8 colocataires, et à cause de perte d’informations par la mairie, j’ai tout recommencé plusieurs fois. » Émile a signalé sa situation il y a dix mois, et aujourd’hui espère encore pouvoir obtenir gain de cause.
L’action de la MEL existe donc mais reste marginale par manque de moyens et d’outils pour agir en amont. En temps de crise, les étudiants se résolvent souvent à la désobéissance civile et luttent pour eux-mêmes en refusant de payer le loyer de leur logement insalubre.
Anouk van der Luit
C’est au 57 rue de Flers à Fives, lieu de refuge, que les étudiants peuvent trouver soutien et solutions face à l’indignité de leur logement.
L’APU Fives, une aide précieuse aux étudiants mal-logés
Lorsque l’on appelle, une bénévole décroche au bout du fil et demande « qu’est-ce je peux faire pour vous ? »
Leurs champs d’action quand il s’agit des étudiants sont nombreux. Leur première étape est la sensibilisation. L’APU passe dans les amphis, distribue des tracts. Ils ont créé un lien internet permettant de constater si le logement respecte la loi de l’encadrement des loyers. L’association a aussi pour mission d’accompagner les étudiants dans les conflits avec les bailleurs ou toutes problématiques liées au logement. « Parfois les étudiants viennent pour un problème d’humidité et on en vient à mettre en place des démarches pour déclarer leur logement insalubre, et là on se dit qu’ils ont bien fait d’appeler », admet la bénévole.
« On est relié au réseau ADHL de la fondation Abbé Pierre, notre mission c’est trois principes : informer, orienter, accompagner »
Il suffit de prendre rendez-vous aux permanences collectives, « 98% des personnes sont accompagnées par la suite. » La suite, c’est un « salarié sociojuridique » qui l’assure. Le but est alors de constituer un dossier et de défendre ses droits face au bailleur.
Toutefois, la trêve hivernale n’ayant pas encore commencé : les pouvoirs publics donnent le droit à l’expulsion. L’APU se retrouve alors vite débordée par les démarches et est moins présente pour les nouvelles demandes. Cela pose la question de la pérennité de l’association comme réponse pour les étudiants.
Julia Semeteys
© Lou-Anne Siodmak
Plus de 70 000 logements insalubres dans le Nord (francetvinfo.fr)
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