“Le meilleur déchet reste celui qu’on ne produit pas”
Photo: Sofia Varengo
Fin octobre 2023, les vagues causées par la tempête Céline s’abattaient sur les plages vendéennes, et avec elles, des tonnes de déchets plastiques. C’est un problème que connaissent bien Guillaume, responsable de la sensibilisation chez Wings of the Ocean, et l’autrice Flore Berlingen. Ces deux militants écologistes s’accordent sur ce point : le meilleur déchet reste celui qu’on ne produit pas.
Le plastique, cette matière dérivée du pétrole – et d’abord apparu comme révolutionnaire car particulièrement malléable – s’accumule dans l’eau, la terre et même l’air. Face au problème, un geste simple a fini par s’introduire dans notre quotidien : le recyclage. Pour autant, l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) affirme sans détour que seul 1/3 des déchets triés sont recyclés. Une question se pose alors : Le système du recyclage est-il viable ?
Une solution, mais incomplète
Au bout du fil, Flore Berlingen prend le temps de répondre : “tous les plastiques ne disposent pas d’une filière de recyclage.” Après l’extension des consignes de tri en France, de nouvelles matières telles que le papier ou l’aluminium sont à mettre avec les bouteilles et les flacons en plastiques, dans la poubelle jaune. Ce nouveau flux de déchets, plus dense et diversifié, demande de nouvelles technologies dont la majorité des usines de tri ne disposent pas.
Une fois trié, le déchet doit encore être “revalorisé”, soit fondu et réutilisé. Seules les bouteilles transparentes sont recyclées, auxquelles il faudra ajouter 30 % de plastique neuf. Les autres objets plastiques seront décyclés, c’est-à-dire utilisés pour créer de nouveaux objets de moindre valeur, comme des pots de fleur, des cintres ou des sacs poubelles par exemple. Encore faut-il que les acteurs économiques investissent, or la filière du recyclage reste peu attractive : “Actuellement il y a une crise de la demande en matière recyclée.”
Finalement, trier c’est important, mais ce n’est pas suffisant.
Une responsabilité collective
La priorité semble encore de limiter la consommation de plastique, sur ce point Flore Berlingen souligne : “Je commence toujours par rappeler que la priorité c’est d’agir à l’échelle collective parce qu’actuellement réduire ses déchets c’est un parcours du combattant, il faut vraiment nager à contre courant. Il faut des politiques publiques qui accompagnent la réduction des déchets et qui soient surtout contraignantes pour les entreprises.”
Sur les traces de la lutte
Contre la pollution plastique et les lobbys du recyclage, Flore Berlingen n’est pas la seule. Des organisations non gouvernementales ou quelques associations se mobilisent pour informer, sensibiliser et agir.
Interrogé pour le Chatillon, Guillaume fait partie de Wings of the Ocean.
Cette association, c’est l’histoire de deux anciens bénévoles chez Sea Sheperd. C’est l’aboutissement d’une idée, qui émerge après un terrible constat : les animaux marins ne sont plus seulement menacés par la pêche, mais aussi par une grande majorité des déchets plastiques, qui finissent dans les océans.
Guérir mais surtout prévenir
Si une transition vers une consommation 0 déchet semble essentielle pour préserver la biodiversité, il s’agit également de “réparer nos erreurs”. Ainsi, l’association se donne pour mission de dépolluer un maximum les décharges à ciel ouvert, et c’est loin d’être une tâche aisée.
Certains déchets restent en surface mais de nombreux autres finissent par se déposer au fond des eaux, tandis que d’autres se désagrègent jusqu’à devenir des particules assez fines pour être invisibles à l’œil nu. Wings of the ocean récupère alors les déchets directement sur les littoraux.
“il faut choper les déchets avant qu’ils arrivent dans les océans”
Un changement possible et néessaire
Si certains se mobilisent, le combat est encore loin d’être gagné et les actions de recyclage mises en place par les gouvernements semblent insuffisantes. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) estime que la production de plastique a plus que doublé en 20 ans passant de 234 millions de tonnes en 2000, à 460 en 2019. Pourtant, nous avons déjà réussi à diminuer notre production de plastique, lors du confinement de 2020, ce qui prouve que des décisions politiques assez fortes peuvent réellement permettre de faire face à l’actuel défi climatique.
Reportage: Les Ambassadeurs du tri, en mission pour plus de recyclage
Par Arhtur Lyon-Caen, Téo Levain, Sofia Varengo et Yuna Perrière
Pour aller plus loin...
Et le compost, on en dit quoi?
Le 1er janvier 2024, l’obligation de composter ses déchets alimentaires va entrer en vigueur. Le but ? Permettre une valorisation des biodéchets, pour lutter contre le gaz à effet de serre produit lors de la destruction des déchets.
Les Alchimistes, un groupe se revendiquant de « l’économie sociale et solidaire », a pris les devants, permettant aux entreprises d’amorcer au mieux cette nouvelle loi. Leur service leur propose de s’occuper entièrement du processus de compost à leur place.
Démarchée par Les Alchimistes, Homa Café Boutique est un café, salon de thé et boutique à Lille. Homa compte 6 employés, et Anne-Céline, la patronne des lieux. Si cette dernière accepte de travailler avec Les Alchimistes, au-delà du concept qui lui plait, c’est surtout parce que l’heure tourne et l’obligation se rapproche.
Les petites entreprises comme Homa n’ont pas forcément le temps de se rendre sur les lieux de compostage commun et sont donc dans l’obligation de déléguer. Les Alchimistes aident à cette gestion : ils fournissent les poubelles, viennent récupérer le compost toutes les semaines, ils s’occupent de l’acheminement des déchets ainsi que la création du compost et de la revente de celui-ci. Ils permettent d’enlever un réel poids pour les petites entreprises face à cette obligation.
Mais tout cela a un coût : « On a payé 99€ la mise en route avec la formation et on paye un forfait de 49€ par mois pour le ramassage et le remplacement des 2 poubelles une fois par semaine… Tout cela hors taxes. C’est très cher. Ce que je ne comprends pas surtout, c’est que ce soit une obligation légale, confiée à des entreprises privées et qui devient donc un service payant » témoigne Anne-Céline.
Si le compost est une idée intéressante écologiquement, il semble important qu’il soit mieux amorcé économiquement, notamment pour le bien des petites entreprises.
Par Joséphine Zelent-Clairis