Ethique animale dans l’industrie cosmétique : prise de conscience ou effet de mode ?
Posted On 20 octobre 2019
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A l’heure des prises de conscience sur l’exploitation animale, la question des expérimentations dans le domaine des cosmétiques se pose. L’actualité s’empare des sujets autour de la cruauté animale depuis quelques années maintenant, notamment dans l’industrie agro-alimentaire. Les enquêtes sur l’exploitation animale ne cessent de faire surface.
Mais l’industrie cosmétique est un pan du sujet duquel on parle moins, bien qu’il soit lui aussi important. Il porte son propre lot de contradictions et lacunes en terme de réglementation internationale sur le bien-être des animaux utilisés pour tester les cosmétiques.
Aux côtés de pays tels que la Norvège ou la Nouvelle-Zélande, l’Europe fait figure de bon élève en la matière. Une loi est entrée en vigueur dès 2013, interdisant la vente de cosmétiques testés sur les animaux dans tous les pays de l’Union Européenne. Si l’initiative est louable et exemplaire, elle écope tout de même de certaines lacunes. Par exemple, des composants chimiques utilisés dans des cosmétiques sont testés dans d’autres branches industrielles, qui utilisent elles aussi ces composants. Or, l’expérimentation animale y est autorisée au nom de législations applicables à ces secteurs d’activités. En cela, la réglementation européenne se trouve confrontée à des écueils : seul le produit final est concerné.
Aujourd’hui, la très grande majorité des enseignes de cosmétiques “classiques” ne semble pas préoccupée pour le moment par la problématique du bien-être animal. En témoigne l’absence d’initiatives en ce sens.
Face à ces limites, des enseignes de cosmétiques ont pris les devants. C’est par exemple le cas de la société anglaise Lush. Elle s’est associée avec l’entreprise XCellR8, pionnière dans le développement de tests innovants pour s’assurer de la sûreté et de l’efficacité des produits cosmétiques, mais surtout pour bannir totalement les expérimentations animales. C’est là que se démarque la société Lush : c’est toute la chaîne de production qui est concernée.
Elle refuse de se procurer auprès de ses fournisseurs des matières premières qui auraient été testées sur des animaux. Les produits commercialisés ne contiennent aucun dérivé de matière animale et ne sont pas expérimentés sur les animaux, ce qui leur vaut d’ailleurs l’appellation « vegan ». Les contrôles finaux réalisés sur les produits prêts à la commercialisation n’ont pas non plus recours aux animaux.
Grâce à des procédés alternatifs développés par leur partenaire XCellR8, comme l’utilisation de reconstitutions in vitro (en laboratoire) de peau et d’oeil humains, Lush s’est donné les moyens de proposer des cosmétiques totalement exempts de test animal. Comme en atteste le logo «Fighting Animal Testing», présent sur tous leurs produits.
Alors, véritable prise de conscience ou effet de mode ? Il ne faut pas omettre que la problématique de la cruauté animale suscite de vives contestations dans nos sociétés actuelles. Les pétitions se multiplient et les reportages chocs fleurissent sur les écrans. L’indignation est largement partagée. Mais les marques ne s’approprient-elles pas cette cause à leur profit ? C’est tout dans leur intérêt de proposer des produits “éthiques” à leur clientèle. Et Lush l’a très bien compris : c’est une image de marque attrayante pour les clients.
Pour autant, sa position contre l’expérimentation animale n’en fait pas une enseigne « tout au naturel ». Les cosmétiques proposés ne sont pas nécessairement issus de l’agriculture biologique, et encore moins composés de produits naturels à 100%. Les produits chimiques sont bel et bien présents: on les reconnaît sur les listes d’ingrédients par une couleur noire, contrairement aux composants naturels écrits en vert. Lush ne se cache pas de ne pas être une marque « bio », mais elle ne cherche pas à se défaire de cette image tronquée qu’on lui attribue bien souvent : elle attire les clients.
Côté prix, il faut tout de même compter 6€ pour une bombe de bain “vegan” qui vous laissera la peau parfumée et recouverte de paillettes, ces microplastiques nuisibles aux océans et aux animaux marins. Un comble.
Marie Littlock
Face à la multiplication des enseignes dites naturelles dans le commerce, certaines personnes décident de créer elles-mêmes leurs cosmétiques, grâce à la technique du Do It Yourself. Que cela soit chez soi ou en atelier, les résultats sont toujours à la hauteur des espérances.
Faustine Magnetto
Les cosmétiques, éthiques ou pas éthiques, ce n’est pas nouveau. L’Histoire en est témoin, cela fait longtemps qu’ils existent. La défense de la cause animale, en revanche, est récente et ne cesse de se développer. Par le passé, pas de tests sur les animaux; cependant l’usage de matière animale était courant.
A l’époque romaine, les tâches de rousseurs disparaissaient derrière un baume de jus de concombre et de bouse de veau pétrie avec de la gomme d’huile. Pour un lavage de dents efficace, un peu d’urine ou de cendre de tête de lièvre. Comme savon, les romains pouvaient utiliser du «sapo» (emprunté aux gaulois) fait de graisse de chèvre et de cendre de hêtre. Enfin, pour éviter les rides, de la fiente de pigeon délayée dans du vinaigre faisait bien l’affaire.
Ce ne sont que des exemples de techniques, elles variaient selon la richesse et le statut social. En réalité, beaucoup de ces cosmétiques étaient toxiques, mauvais pour la peau et fortement irritants. La matière animale était utilisée mais la population n’était pas aussi dense qu’aujourd’hui.
De nos jours, les cosmétiques sont accessibles à tous. C’est un marché rentable. La matière animale est un composant généralement peu chère et très mobilisé. Par ailleurs les cosmétiques sont normés et attrayants : il n’est plus question de se laver les dents avec de l’urine. Pourtant, ils restent nocifs. Les composants chimiques ajoutés masquent les effets néfastes que pouvaient sentir les romains, mais ceux-ci ne sont pas sans risques. Les animaux testés sont les premiers à le savoir. Ainsi, dans notre société moderne, payer un baume à lèvres moins de 5 euros, c’est possible. Mais pour quels sacrifices ?
Romane Morel
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