La santé étudiante, au cœur d’un parcours du combattant
Pour voir si la santé étudiante tient toujours de la course d’obstacles, nous avons suivi le parcours de Julien*. Etudiant à Lille, il a tenté de chercher un médecin traitant et un suivi psychologique. Entre le Centre de santé de son campus, les pratiquants libéraux et autres centres sociaux de santé, ses recherches ont été longues et difficiles, sans toujours aboutir.
Rentrée 2021, Julien emménage à Lille pour ses études. Après quelques mois difficiles, il décide de chercher un psychologue. « Je comprenais que ma santé mentale se dégradait. » Etant étudiant, sans emploi sur le moment, il cherche une solution pour avoir ce suivi à moindre coût. Il se tourne alors vers le Centre de santé de sa fac. Là-bas, face à la secrétaire, il explique ses difficultés et se retrouve « face à un mur ». Celle-ci lui explique que des suivis en psychologie sont possibles. Petit refroidissement cependant : plusieurs mois d’attente, il semblerait qu’il ne soit pas le seul à se sentir glisser, et le rendez-vous ne se fera pas avec un spécialiste mais avec une infirmière « formée », sans plus d’informations sur cette formation. Julien cherche alors dans le libéral et trouve une spécialiste qui accepte de lui faire un tarif moins élevé.
Durant l’hiver, Julien tombe malade. Logiquement, il cherche un médecin et une fois de plus, c’est la douche froide car « impossible d’avoir un rendez-vous en moins de cinq jours, le temps de ne plus être malade », confie-t-il, « le vrai problème c’était de ne pas avoir de certificat pour mes absences à la fac, étant boursier c’était un peu stressant ». Il contacte alors le cabinet de son médecin traitant, localisé en Seine-Et-Marne. Son médecin lui délivre un certificat pour la fac mais en ce qui concerne un éventuel traitement, ce n’était plus nécessaire. Après ces difficultés, Julien cherche un médecin traitant, plus proche de chez lui. Problème : presque aucun médecin ne prend de nouveaux patients. Il se tourne donc vers un centre social de santé proche de chez lui. Là-bas, le secrétariat, plus accueillant malgré des locaux vétustes, lui explique que des rendez-vous sont disponibles plus rapidement mais qu’il ne sera pas possible de prendre un médecin traitant. « On me dit que les médecins ici ne restent pas longtemps, qu’il y a un turn-over énorme. » Julien se sent tout de même rassuré de pouvoir être pris en charge au besoin et espère que son médecin traitant ne prendra pas sa retraite trop vite.
Aujourd’hui, comme 40 % des étudiants, Julien travaille à côté de ses cours. « C’était le choix logique, pour vivre décemment », justifie-t-il. Il continue en expliquant que son travail a des avantages et des inconvénients concernant sa santé, surtout mentale. Grâce à son travail, Julien retrouve un début de vie sociale. La solitude qui lui pesait et qui avait, entre autres, déclenché le besoin d’un suivi, était allégée. Pourtant, si son emploi lui apporte du positif, il y a un revers à cette médaille. « Je suis souvent fatigué, c’est parfois difficile d’aller en cours ». Son emploi est nocturne, un choix qui lui permet d’avoir sa journée complète pour se consacrer à ses études. Paradoxalement, la fatigue le rattrape et il sent que, régulièrement, son attention en cours se dissipe et que la motivation pour son travail personnel est intermittente, causant du stress et de l’inquiétude pour la réussite de ses études.
*Prénom modifié
François Périsse
EN BREF
Comprendre le mal-être étudiant en quelques chiffres clés
Face aux différentes crises économiques et sociales que traversent le pays, la communauté étudiante semble être la première à en subir les conséquences. La hausse des prix, la crise du logement ou encore les enjeux climatiques ont raison de la santé des étudiants, et cela se constate directement sur différents facteurs importants à prendre en compte pour être en bonne santé. Entre autres, l’accès aux soins, la relation qu’ont les étudiants à la nourriture, les habitudes de sommeil mais aussi le mal-être mental qui est un véritable fléau chez les jeunes, les chiffres parlent d’eux-mêmes :
32% des étudiants ont déjà renoncé à consulter un médecin pour se soigner par manque de moyens financiers;
43% des étudiants se déclarent concernés par des symptômes de dépression;
20% des étudiants rencontrent de grandes difficultés financières;
25% des étudiants déclarent ne pas avoir suffisamment d’argent pour se procurer les besoins de première nécessité;
39% des étudiants ont déjà renoncé à se chauffer par manque de moyens financiers ce qui peut avoir des incidences sur la santé;
Sources : Ifop, Observatoire de la Vie Étudiante et l’association de distribution d’aide alimentaire COP1
Comment réagit l’Etat concernant la précarité étudiante ?
Face à l’instabilité dans laquelle de nombreux étudiants vivent, l’Etat semble ne pas rester de marbre et a déjà instauré plusieurs initiatives telles que les repas à 1 euro pour tous les étudiants depuis la rentrée 2020, le doublement du fond des aides d’urgences Crous ou encore un accompagnement psychologique de 3 séances gratuites nommé “dispositif Santé Psy Étudiants”. En revanche, au vu des statistiques ces mesures ne sont pas suffisantes, et force est de constater que la précarité étudiante nécessite un réel travail de fond dans lequel l’Etat doit investir beaucoup plus d’argent.
Nathan Kouamelan
Le rapport d'une doctorante et professeure à la santé mentale des étudiants
Ayant suivi des formations sur la santé mentale et les violences sexistes et sexuelles, mais aussi en tant que professeure, Lola Marinato nous explique comment elle tente d’aider ses élèves mais aussi son rapport à l’accompagnement de la santé mentale des étudiants à l’université.
Crédit vidéo : Louna Martin-Delbrayelle
Crédit photo : Hana Ghoujdani