L’audiodescription sportive ou comment transcender les limites de la vue
Posted On 9 avril 2024
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Le voici traversant la cafet’ de l’ESJ. Plongé dans une conversation téléphonique, il sourit en programmant sa journée. Thao Coubrun, chef de projet de l’ASA, est passé par l’Académie où il est maintenant formateur et éducateur aux médias. Avec enthousiasme, il partage le fonctionnement d’un système, dont l’objectif est de faire de l’inclusion une réalité palpable dans les gradins.
C’est en 2016 que l’aventure ASA commence, lorsque l’UEFA a pour obligation de proposer l’audiodescription dans les stades qui accueillent l’Euro. Un appel à projet est lancé. Charly Simo, aujourd’hui manager de l’ASA et président de la Fédération Française Handisport (FFH) s’en saisit. Après l’évènement, Lille décide de poursuivre, en intégrant l’expérience au sein de son tissu sportif local. C’est pourquoi le LOSC propose beaucoup de matchs en audiodescription.
Sans elle, les supporters en situation de cécité, doivent choisir entre écouter la radio pour un récit détaillé du match ou se laisser envelopper par les rugissements des supporters parfois inintelligible et non indicatifs de l’action en cours lorsqu’ils sont dans les gradins. Là, le récit du jeu est tel, que les supporters y prêtant attention ont la faculté de connaître les expressions faciales des joueurs, leur coupe de cheveux, le détail de leurs actions.
Ses bénéficiaires sont munis de casques à récepteurs qui reçoivent les commentaires des « audio-descripteurs » placés dans les tribunes de presse. « Ils nous disent souvent qu’ils mettent une oreillette sur deux pour être dans l’ambiance et comprendre le jeu simultanément », explique Thao.
Depuis 2018 et grâce à une convention, les Masters 2 de l’Ecole supérieure de journalisme de Lille, peuvent eux aussi, se mettre à la place des yeux de ceux qui ne voient pas. « Ce que j’adore dans ce projet, c’est que personne n’est perdant. C’est le meilleur exercice pour les futurs commentateurs sportifs. Les étudiants progressent tout en contribuant à une bonne cause. »
« Je leur dis souvent qu’un commentaire à la radio en est un bon, lorsqu’il peut faire office d’audiodescription. » Mais la subtile différence entre le commentaire radio et celle-ci est que chaque tirs, passes, touches, chaque mouvement sur le terrain est « décrit de A à Z », sans coupure de PUB ni retour plateau. Une précision qui transcende les limites de la vue. L’aveugle voit plus de choses que l’arbitre. Le comportement des entraîneurs y est même rapporté.
Si les clubs sont difficiles à convertir en raison du coût du matériel, 8000 euros par an pour un kit. « Plus le temps avance, plus ils adhèrent au projet. Nous avons eu Lens cette année. » Ils sont freinés par « le retour investissement qui ne vient pas tout de suite ». C’est ainsi que le PSG a arrêté d’investir dans l’audiodescription après qu’elle n’a plus été imposée à la fin de l’Euro 2016. Le défi de Thao est de les convaincre. « A long terme se montrer inclusif peut engendrer des bénéfices. » Attention, Thao n’agit pas dans cette intention, mais parce qu’il a « le sentiment de travailler dans sa passion » et que rendre le monde du sport accessible et accueillant est « gratifiant ».
La mise en place de l’audiodescription ne recule pas, « mais nous en sommes en retard par rapport à des pays comme l’Angleterre où elle est professionnalisée ». En France, l’audiodescription sportive est permise grâce au domaine associatif, et l’espoir de Thao est que toutes les salles puissent en bénéficier. Il serait cohérent que les JO et paralympiques de Paris contribuent à la généralisation de ce service.
Lison MESNIL
Ainsi, l’audiodescription dans les stades de foot se développe depuis très peu de temps et fait le bonheur des non ou mal voyants. Cependant, qu’en est-il des déficients visuels voulant réaliser une pratique sportive ? Et bien c’est totalement possible. En effet, le Cécifoot permet aux non-voyants et aux malvoyants de pratiquer en loisirs ou en compétition. En France, il y a une ligue composée de 10 équipes dont la section Cécifoot du RC Lens qui propose cette pratique depuis juillet 2018. La communication est évidemment primordiale dans ce sport ; le ballon fait un bruit particulier, il faut crier « Voy » lorsque l’on se déplace avec le ballon.
Michael Derensy, le coach de l’équipe nous raconte : « J’ai d’abord créé une section Cécifoot à l’AS Violaines en 2014 mais quand le RC Lens m’a contacté, j’ai tout de suite saisi l’opportunité. » Être représenté par un aussi gros club, c’est un projet qui ne se refuse pas : « Autant pour les joueurs que pour moi, c’est une vraie fierté de jouer pour les couleurs du RC Lens, puis ça permet d’avoir plus de moyens pour progresser et faire rayonner ce sport. » L’équipe du RC Lens est composée de joueurs qui sont membres de l’équipe de France de Cécifoot. Après une mauvaise performance aux JO de Tokyo où les bleus ont fini derniers (4 défaites en autant de match), l’équipe de France a su rebondir en remportant les championnats d’Europe 2022. Une dynamique qu’il va falloir conserver avant les JO de Paris où la France est qualifiée en tant que pays hôte. On souhaite donc bonne chance à l’équipe de France que l’on pourra voir au stade Tour Eiffel, en plein cœur du Champ-de-Mars.
Zadig MARVYLE
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