Prévenir pour ne pas subir, quand le Bus du Cœur des Femmes sauve des vies
Les maladies cardiovasculaires sont aujourd’hui la première cause de mortalité chez les femmes en France. Depuis 2021, le Bus du Cœur circule afin d’offrir un dépistage cardiovasculaire et gynécologique gratuit. Plus de 10 000 femmes ont été réinsérées dans un parcours de soin adapté. Cependant, le manque de prévention régulière met en péril la santé de toutes.
« On lui a sauvé la vie. » Ces mots, prononcés par Aude Brunel, bénévole pour le Bus du Cœur, à propos d’une femme souffrant d’une maladie cardio vasculaire grave dépistée trop tardivement ne relatent pas qu’une histoire. Ils témoignent de la réalité de la prise en charge de la santé cardiovasculaire des femmes aujourd’hui en France : trop tardive, trop lente, voire négligée.
Des inégalités au cœur du problème
Des différences sont observées entre hommes et femmes dans le repérage du risque cardiovasculaire, les délais d’accès aux soins en cas d’infarctus ou encore les caractéristiques de la maladie. Le Bus du Cœur des Femmes, initiative de la fondation Agir pour le Cœur des Femmes (ACF), a pour objectif principal de faire un dépistage de deux heures en dix étapes. Dans certains territoires en France il faudrait 3 ans à ces femmes pour effectuer le même parcours de dépistage à cause du manque de personnel médical. Ce bus accueille des femmes de tous horizons : celles qui ne sont pas à jour de leur suivi médical ou n’ont pas de médecin traitant, celles qui sont vulnérables, précaires et éloignées du milieu médical mais aussi des « madame tout le monde » qui ont pris rendez-vous après avoir identifié des symptômes à risque.
Cette pluralité des profils témoigne d’un problème plus large : dans nos sociétés les femmes ont tendance à supporter la majeure partie des charges domestiques. Soumises à cette charge mentale constante, elles en viennent à négliger leurs symptômes pour se consacrer à leur vie quotidienne qui cumule à la fois activité professionnelle et responsabilité du foyer. Auxquelles s’ajoutent parfois précarité économique et sociale. Il n’est pas rare que les retards de diagnostiques s’accumulent, mettant en péril la santé et la vie de nombre d’entre elles.
Causes de décès chez les femmes (par jour)
Agir avant qu’il ne soit trop tard
Aude Brunel, bénévole, se souvient encore avec émotion de la vie qu’elle a sauvée à Pessac en 2023 grâce au Bus du Cœur : « Une jeune femme est allée chercher sa belle-mère après avoir vu l’un de nos panneaux sur son trajet. Celle-ci, âgée de 64 ans, présentait les symptômes décrits et a fait le dépistage. Arrivée au moment du doppler [examen permettant de diagnostiquer une éventuelle maladie artérielle en observant le flux sanguin dans les artères et les veines], la doppleriste a regardé l’aorte abdominale et s’est rendu compte qu’elle avait un anévrisme fissuré qui était en train de saigner dans son ventre. Il lui restait 2 jours à vivre. La doppleriste a appelé les pompiers et la dame a été opérée dans la demi-heure qui a suivie. On lui a sauvé la vie ».
Cette histoire n’est pas une exception : 200 femmes décèdent chaque jour de maladies cardiovasculaires en France. 8 cas sur 10 pourraient être évités grâce à une prévention en amont et un suivi médical régulier. Ces chiffres sont parlants et témoignent d’un manque cruel de prévention sur le sujet auprès des femmes. Pour Thierry Drilhon, co-fondateur d’Agir pour le Cœur des Femmes, le développement du Bus du Cœur des Femmes est essentiel dans la diffusion de « cette urgence vitale et sociétale absolue qui fait qu’aujourd’hui les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité chez les femmes en France ».
Emma Cézard
Zoom : Femmes et précarité, état des lieux et réponse sociale des Hauts-de-France
Un nombre croissant de familles vivent sous le seuil de pauvreté, les refuges pour sans-abris sont
complets et la pauvreté ne semble qu’augmenter chaque année. Une catégorie sociale en particulier se
trouve particulièrement touchée : les femmes. Dans les Hauts-de-France, elles gagnent en moyenne 500€ de moins que les hommes, alors qu’elles sont majoritairement responsables dans les familles monoparentales. Leurs tâches se trouvant démultipliées, leur temps et ressources limitées, la santé est relayée au second plan.
Selon une étude de l’ADULM (Agence de développement et d’urbanisme de Lille Métropole) de 2019, les femmes sont largement surreprésentées dans les situations de pauvreté et de précarité dans la métropole européenne de Lille alors que seul 15.89% des places d’hébergement leur sont destinées malgré la demande croissante et urgente. Cette urgence se traduit par le fait que les femmes précaires connaissent une espérance de vie réduite avec trois fois plus de décès prématurés que chez les cadres, les maladies cardiovasculaires étant chez elles le premier risque.
Pour tenter de faire face à cette situation, des initiatives locales sont lancées pour améliorer l’accès aux soins pour ces femmes. La CEPAM (caisse primaire d’assurance maladie) de Roubaix et ses 108 collaborateurs travaillent pour une médiation santé, pour la facilitation des liens entre les femmes en situation d’exclusion et les professionnels de santé par le biais d’un suivi social personnalisé et de nombreux programmes de prévention.
Eden Bernard