Cela fait maintenant plus de 6 ans que la section Cécifoot du Racing-Club de Lens a ouvert ses portes. Une initiative rare qui permet à une trentaine de personnes, quels que soient leur âge et leur genre, de pouvoir pratiquer un sport collectif et ce malgré le handicap.
L’initiative prend forme en 2018 lorsque Mickaël Derensy, ancien entraîneur de football, sollicite le RC Lens pour créer une section de Cécifoot, avec le soutien de deux joueurs malvoyants. À la suite de cet accord, le Club et la ville de Lens ont conjointement financé un terrain adapté flambant neuf pour permettre aux joueurs de s’entraîner convenablement.
- En 2004, le sport devient paralympique
- Deux degrés de handicap, les B1 et les B2/B3
Le Cécifoot : une chance ou un fardeau ?
La réalité c’est qu’il y a très peu d’infrastructures pour le Cécifoot. Il existe seulement 10 stades conformes en France ce qui oblige les joueurs à venir de très loin. Cet infrastructure, aux couleurs du Racing Club de Lens, est l’une des initiatives qui existent pour permettre aux personnes malvoyantes de s’entraîner dans de bonnes conditions. Frédéric, un joueur de l’équipe lensoise résidant à Orchies, soit à 45 minutes en voiture du stade, témoigne : “Je me débrouille personnellement avec mon père, […] mais c’est vrai que c’est pas très accessible.”
Parvenir à intégrer une équipe de Cécifoot est déjà une épreuve en soi. Il n’y a pas d’aides pour rendre accessible le sport aux personnes en situation de handicap. Les aides permettent de payer le taxi pour aller au travail, mais pas pour aller à l’entraînement. Selon le joueur, l’État devrait davantage participer au financement des projets Cécifoot. Il explique que “c’est juste une question de business au départ”.
«Le Cécifoot ça m'a libéré» - Frédéric Grégoire
De surcroît, le manque d’infrastructure s’accompagne malheureusement d’un rejet de la société. Le RC Lens est un des seuls clubs à avoir accepté d’ouvrir une section Cécifoot. Frédéric explique justement avoir été rejeté par d’autres clubs : “Au LOSC et à Valences j’ai fait des demandes mais sans suite.”
Le joueur continue et s’indigne devant la représentation des personnes handicapées au sein du sport et plus globalement au sein de notre société. Il raconte, indigné, avoir été “viré d’une salle de sport” à cause de son handicap. Les entraînements de cécifoot proposés par son coach Mickael Derensy ont donc été pour lui comme une libération, une manière de pratiquer son sport sans être jugé et avec des personnes qui vivent la même situation que lui. Or, presque aucun sport collectif ne permet cela actuellement pour les malvoyants.
Inégalité homme-femme dans le handisport
Si être en situation de handicap est déjà très stigmatisant en tant qu’homme, pour une femme, ça l’est encore plus. En effet, il y a un manque de visibilité pour le Cécifoot en général et pour les femmes, c’est encore pire.
Il y a très peu d’adhérentes féminines, ce qui limite toute marge de manœuvre envisageable. Aurélie nous explique que “comme au foot classique, on fait des équipes d’abord régionales et ensuite nationales. Là le problème c’est que les féminines on est pas assez”. Il existe une équipe basée à Schiltigheim, la seule, regroupant des joueuses de toute la France. Seulement 4 parviennent à s’entraîner régulièrement, comme c’est le cas d’Aurélie. Les autres jouent que très rarement. Si la France compte aujourd’hui environ 500 000 “malvoyantes moyennes”, le nombre de joueuses Cécifoot reste pourtant très bas. C’est pour cela que s’entraîner dans un club historique du championnat de France comme le Racing Club de Lens est une fierté pour Aurélie, qui plus est en se confrontant au haut niveau.
De plus, le problème de l’accessibilité reste le même chez les femmes. Aurélie a la chance de se véhiculer avec son mari, elle parcourt 90 kilomètres pour chaque entraînement. Cependant, ce n’est pas à la portée de tout le monde.
Camille Rambault
Portrait : Mickael Derensy, un acteur clé dans la section cécifoot
Mickael Derensy est entraîneur de la section cécifoot du racing club de Lens. Sa formation au départ : « éducateur-sportif et de foot ». En 2014, il décide avec le président de l’AS Violaines de fonder une section cécifoot à la suite d’une demande d’un jeune de 16 ans, venue pour intégrer le club. Il reçoit par la suite une autre demande d’un deuxième joueur de Lens.
« Avec ces deux joueurs, on a démarré la section cécifoot comme cela »
Le problème, il n’existe pas de formation cécifoot. « Il existe simplement des formations sur le handisport en général et sur la déficience visuelle ». Mais ce n’est pas grave pour Mickael, passionné de football, qui apprends sur le terrain de jour en jour.
« On apprend sur le tas. On est beaucoup à l’écoute des joueurs pour savoir ce qu’ils recherchent, de quoi ils ont besoin »
Au fil des années, ce projet se développe. Les échanges avec le Racing Club de Lens s’intensifient en 2016. Et en 2018, la section cécifoot du Racing Club de Lens apparait.
« L’idée avec Lens était de pouvoir bénéficier de lots pour financer les actions (…) Le club nous permet de faire vivre cette section grâce à des subventions »
Mickael s’investie pleinement de ce projet en tant qu’entraineur bénévole mais aussi en tant que responsable de la section. Ses entrainements novateurs et surtout faisant participer tout le monde, sont très appréciés par ses joueurs.
En 2024, le stade Georges Carpentier reçoit l’équipe de France de Cécifoot. C’est un bonheur pour Mickael qui peut s’inspirer de son sélectionneur, Toussaint Akpweh. Malgré une courte trêve de joie pendant les Jeux Paralympique, l’événement ne permet pas selon lui d’avoir une forte visibilité sur le long terme.
Les effets ne se sont même pas ressentis juste après cette période, il n’y a même pas eu une flambée de nouveaux adhérents. Mais peu importe, pour Mickael, « le principal est que les personnes qui étaient au courant et déjà là continuent »
Baptiste Bleard