La diffusion de court-métrage en France reste souvent limitée aux festivals et plateformes spécialisées. Face à cette faible visibilité, l’association Dick Laurent fondée par Eric Deschamps s’investit pour élargir son public, notamment en initiant les jeunes au processus créatif et en rendant ce format accessible dans toute la région des Hauts-de-France.
A l’origine, Eric Deschamps a fait des études de cinéma et cherchait un financement pour produire son premier film. Il a créé l’association Dick Laurent pour produire des courts-métrages et a monté sa propre chaîne de production sur un modèle associatif. “Ce qui m’intéressait, c’était d’aider les gens qui voulaient réaliser un film mais qui ne savaient pas comment faire”, dit-il. Depuis, l’association se consacre donc à la production mais aussi à la diffusion de courts-métrages, à un projet de réalisation par an et s’engage activement dans l’éducation cinématographique. Son intervention dans des établissements scolaires, comme les lycées ayant la spécialité cinéma, permet aux élèves d’être accompagnés dans les différentes étapes de la création de courts-métrages. Grâce à cet accompagnement pratique, les jeunes s’initient au processus créatif et se sensibilisent au format court.
L’association propose un programme itinérant de projections de courts-métrages, circulant à travers toute la région des Hauts-de-France. Cela permet de diffuser une culture cinématographique souvent inaccessible dans les cinémas commerciaux en valorisant les œuvres locales.
Dick Laurent propose deux types de projections en salle : des séances éducatives pour les groupes scolaires, avec médiation, et des projections pour le grand public. Chaque session présente environ douze courts-métrages, suivis d’échanges avec les réalisateurs, offrant aux spectateurs, notamment les jeunes, un aperçu des métiers du cinéma. Les réalisateurs viennent de 2 à 5 par séance, ils discutent de leur parcours et cela permet aux élèves de se projeter dans le domaine qui les intéresse professionnellement.
“Lorsque les élèves venus en groupe scolaire expriment de l’incompréhension devant des courts-métrages au style plus indépendant, les réalisateurs expliquent les intentions et les particularités de ces œuvres”, confie Sarah, en service civique dans cette association. Les jeunes apportent des réactions fraîches et sincères car ils n’ont pas les mêmes attentes et habitudes cinématographiques qu’un public plus âgé et c’est d’autant plus gratifiant pour les réalisateurs qui ont des retours sur leur court-métrage. Ils peuvent ainsi expliquer et valoriser les codes du cinéma indépendant en voyant des jeunes curieux et engagés. “Comme il y a douze projections par séance, les jeunes sont concentrés car ils sont sollicités par douze projets desquels ils débattent ensuite”, poursuit Sarah.
15/09/2024, Liévin – Lycée Henri Darras, Vincent Gosselin réalisateur de ” Mallory ” (Crédit : Sarah Lecerf)
Une liberté au prix de la visibilité
Le court-métrage permet d’explorer des récits atypiques et visuels audacieux, des thèmes souvent délaissés par les longs métrages y sont mis en avant. Beaucoup de cinéastes renommés comme Michel Gondry ou Xavier Dolan ont commencé leur carrière en explorant les possibilités créatives de ce format. Le format incarne alors un terrain d’expérimentation artistique restant fidèle à son essence, mais à quel prix ? “Il n’y a pas de circuit de diffusion du court métrage et donc il n’y a pas de notion de rentabilité [contrairement à l’industrie du long métrage] et ce n’est pas plus mal car cela permet une grande liberté de narration, mais cette notion de liberté limite donc sa visibilité“, confie Eric Deschamps. En effet, mobiliser des moyens conséquents pour accroître la visibilité des courts-métrages nécessiterait des retombées financières, ce qui risquerait de compromettre leur authenticité et leur singularité. On comprend alors que le format priorise la liberté de création plutôt que la logique de profit.
Pour plus d’informations, l’association communique activement via ses réseaux sociaux, permettant au public de suivre son actualité et ses projets.
Infos pratiques :
Ines Rasson-Sellah
Zoom sur : les solutions pour un accès équitable à la culture au niveau national et dans les Hauts-de-France
Rassemblant 7% de l’ensemble des lieux et équipements culturels, les Hauts-de-France sont un puits de culture rassemblant 5000 sites dans la région. Cependant, il semblerait que l’accès à la culture ne soit pas favorisé pour tous en raison des nombreux espaces ruraux de la région, pourtant connue pour son bassin minier.
Créé en 1959, le ministère de la culture avait un objectif clair selon le site culture.gouv : “Rendre accessibles au plus grand nombre les œuvres capitales de l’humanité.” Celui-ci a étendu son champ d’action en 1977 dans chaque région de France avec les DRAC (Directions régionales des affaires culturelles). Afin de lutter contre les disparités territoriales et inégalités sociales culturelles, la DRAC a lancé en 2018 le plan “Culture près de chez vous” qui vise à favoriser un meilleur accès à la culture dans des “zones blanches” disposant de moins d’un équipement culturel public pour 10 000 habitants. C’est par le biais de ce plan d’action que la région Hauts de France a engagé le “Contrat culture ruralité” visant toujours selon culture.gouv, à “combattre les inégalités territoriales, sociales et familiales” l’un de ses objectifs étant de “développer l’esprit critique de chaque habitant, enfant, jeune ou adulte souhaitant s’intégrer dans une dynamique collective”.
Alors que l’Etat joue un rôle important dans la diffusion de la culture et contre les inégalités, les associations sont elles tout aussi importantes afin de permettre à tous les habitants d’accéder de façon plus personnalisée à celle-ci ou bien même de découvrir ses multiples formes et facettes. Effectivement, les associations culturelles sont nombreuses dans les Hauts de France et sont pour la plupart spécialisées dans un domaine précis : cinéma, breakdance, littérature, orchestre de flûte… Et vive la culture !
Méline Fasquel
Photo de Une:
14/09/2024, Tourcoing – Le Fresnoy
À gauche de dos : Baptise Delamare réalisateur de « Au paradis »
À droite de dos : Damien Pétain réalisateur de «Nuit »
(Crédit : Sarah Lecerf)