Jeux d’argent : stopper la spirale de l’addiction
Avec ses 300 machines à sous, le Casino Barrière de Lille a réussi à séduire Louis, un jeune devenu addict qui consulte désormais un spécialiste. Il met en lumière les enjeux complexes de sa lutte. En 2023, près d’un Français majeur sur deux s’adonnait aux jeux d’argent et de hasard, au risque de tomber dans une spirale addictive. Alors que les mécanismes neurologiques et sociaux de cette dépendance deviennent mieux compris, des outils et dispositifs commencent à émerger
Au casino ou en ligne, l’addiction aux jeux d’argent plonge des milliers de joueurs dans une spirale invisible mais dévastatrice. Louis, 23 ans, raconte dans un entretien sa descente progressive. « J’ai commencé par de petites mises, presque pour m’amuser. Chaque perte me poussait à rejouer pour me refaire. Très vite, j’ai perdu le contrôle et accumulé des dettes. Être jeune ne m’a pas protégé, ça m’a plutôt fragilisé. » Son parcours reflète une problématique de plus en plus visible en France : en 2020, un million de personnes étaient considérées comme addictes aux jeux d’argent, selon Santé publique France. Derrière ces chiffres, des trajectoires individuelles marquées par l’endettement, l’isolement ou encore les conflits familiaux. Les mécanismes de l’addiction, proches de ceux observés dans la consommation d’alcool ou de tabac, brouillent la frontière entre loisir et dépendance. « Le besoin de miser davantage pour ressentir les mêmes sensations, les tentatives infructueuses pour s’arrêter… On observe des mécanismes similaires », explique Thomas Amadieu, sociologue, dans une enquête pour Le Monde. Les histoires de joueurs comme Louis montrent que l’addiction ne se résume pas à l’appât du gain. Elle s’inscrit dans un contexte plus large, où l’omniprésence des jeux – entre grattages anodins et paris en ligne omniprésents – façonne une société où jouer devient presque un réflexe.
Les jeux d’argent ont connu une croissance significative ces dernières années, notamment grâce à l’essor des plateformes de jeux en ligne. En 2022, le Produit Brut des Jeux (PBJ) du marché français affiche une augmentation de 20% par rapport à 2021 et confirme sa dynamique de croissance.
Prévention et réalité se confrontent dans la lutte contre l’addiction aux jeux
Sortir de l’addiction au jeu n’est pas si simple. C’est ici que se mêlent déni, culpabilité et un nécessaire deuil des pertes financières. Pour Louis, le déclic est venu après plusieurs années. « Ce n’était pas seulement l’argent. Chaque mise, c’était l’espoir de reprendre le contrôle. Renoncer à jouer, c’est aussi accepter tout ce qu’on a perdu. » Face à ces trajectoires complexes, des dispositifs de prévention comme l’interdiction volontaire de jeux ou les plafonds de mise ont été mis en place par l’Autorité nationale des jeux (ANJ). Mais sur le terrain, ces outils se heurtent à des contradictions profondes. En 2019, la campagne publicitaire de Winamax « Tout pour la daronne » avait suscité la controverse, incitant à associer paris sportifs et réussite sociale. Malgré son retrait sur demande de l’ANJ, cet exemple révèle les limites d’une prévention qui reste souvent éclipsée par la puissance de l’industrie des jeux. Pour Thomas Amadieu, « ces outils sont en contradiction avec l’ensemble des dispositifs de la plateforme ». Pour les joueurs qui en souffrent, des alternatives existent. Il est possible de se rapprocher d’associations spécialisées dans la dépendance au jeu comme SOS Joueurs ou encore Gamblers Anonymous et de contacter les lignes d’écoute comme Joueurs Info Service (09 74 75 13 13). Il est également possible de rejoindre des groupes de soutien. L’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) observe des progrès pour les personnes qui s’engagent dans ces démarches. Le défi reste sociétal : comment conjuguer la prévention, souvent perçue comme une contrainte, avec la réalité d’une industrie qui prospère sur la fragilité psychologique et sociale des joueurs ?
Par Marguerite Lecas
Photo Maëlle Piriou
Zoom sur les coulisses d’une addiction : la mystérieuse fabrication des tickets à gratter
La question relative à l’addiction aux jeux d’argent est assez largement étudiée et documentée. En revanche, la FDJ entretient un impénétrable secret sur la fabrication de ses tickets. Voyons où, comment et par qui sont fabriqués les tickets à gratter.
C’est au Canada, dans la banlieue est de Montréal que le mystère se perce. La société américaine Scientific Games y est implantée et fabrique chaque jour deux milliards de tickets pour la Française des jeux. Le casier judiciaire vierge et l’interdiction aux téléphones sont les conditions pour travailler dans cette entreprise ultra-sécurisée de onze mille mètres carrés. Le processus d’impression requiert une précaution absolue. Prenons l’exemple du best-seller des jeux de hasard avec un milliard d’unités vendues en 20 ans : le Cash. Le nombre de lots gagnants est fixé à l’avance mais les gains sont répartis aléatoirement sur des algorithmes de chaînes d’impression. Ainsi, sur une série de 18 millions de tickets, le tableau des gains sera de cinq tickets à 10 000 euros, trois à 100 000 euros et trois à 500 000 euros. La presse (imprimeuse high-tech à 20 millions de dollars) suit un procédé précis. Dix-huit couches d’encre colorée recouvrent le rectangle « nul si découvert », dissimulant des données variables (chiffres, lettres, signes) permettant l’identification du ticket au sein du lot. La zone grise, prise d’assaut par pièces et ongles, est produite à partir d’encres grattables dans le « cerveau » : la zone de production où est déterminé le statut gagnant ou perdant du ticket, inaccessible pour la plupart des 225 salariés de l’entreprise. Grâce à ce processus complexe de fabrication, la FDJ peut se vanter d’être « capable de garantir que le lot [gagnant] existe quelque part sur le marché français, sans savoir exactement où » (Murielle Fontaine, Vice-Présidente Game Management et Design)
Par Vicky Garnier
Vidéo : les “before” de Prévention Plurielle, quand la sensibilisation ne tue pas la fête
Se débarrasser d’une addiction n’est pas une mince affaire. Qu’il s’agisse d’une dépendance aux jeux ou bien d’un penchant régulier pour le tabac, le cannabis ou encore l’alcool, il existe des solutions pour lutter contre ces fléaux. Parmi elles la prévention, dont l’association Prévention Plurielle à fait son cheval de bataille. Reportage sur les actions menées par ces jeunes en service civique pour lutter contre l’addiction.