Au stade Bollaert, l’artisanat durable entre en scène
Au Salon International des Métiers d'Art (SIMA) 2024 qui s'est tenu à Lens, quelque 150 artisans ont exposé leurs savoir-faire, représentant souvent une alternative concrète aux modèles industriels polluants. Dans un stade Bollaert-Delelis transformé, l’innovation et la tradition se sont ainsi rencontrées, du 17 au 19 novembre, sous le signe du développement durable.
En cette année 2024 le SIMA a choisi de “mettre à l’honneur la thématique du développement durable“. Pour autant est-ce à dire que l’initiative est efficace ? Si ce festival était l’occasion d’aborder en détails les méthodes de fabrication (parfois millénaires) d’artisanats locaux, l’événement à surtout permis aux exposants de défendre leur projet entrepreneurial.
C’est la troisième fois que Maxime Seurin, architecte à temps plein, participe à l’aventure. Cette année, il est venu présenter sa collection d’abat-jours fabriqués en bois de placage. Après avoir fait l’Ecole d’Architecture de Paris-Belleville (DPLG), l’architecte remporte le prix projet du Geste d’or 2014 pour le projet de reconversion de l’église Saint-Louis (Tourcoing). À la suite de cette riche expérience, il fonde son entreprise “à partir de rien” qu’il nomme Maxime Seurin Architecture & Design. L’idée, d’abord floue, progresse et Maxime Seurin parvient à matérialiser un imaginaire construit autour de sa passion : le design du bois.
Être autodidacte de la sorte est commun dans le milieu de l’artisanat. Ludovic Gaudret par exemple, est métallier d’art et a fondé L’atelier de Ludo il y a deux ans. S’il se considère davantage artiste qu’artisan, la réalisation de ses œuvres d’art demandent un travail unique et un savoir-faire maîtrisé à la perfection. La qualité proposée par l’entrepreneur lui permet de venir du Mans pour exposer dans ce type de festival plutôt que de vendre en marché.
L'artisanat : une démarche éco-responsable ?
Effectivement, les artisans ne polluent pas, ils récupèrent souvent des matériaux abandonnés et ils alimentent les circuits courts ce qui limite la pollution atmosphérique. L’artiste Ludovic Gaudret a d’ailleurs obtenu le Label éco-défi en triant ses déchets et en “mettant des stops pub” sur la boîte aux lettres. Bien que tous les trois ans le label oblige l’artisan à remettre en question ses modes de productions, est-ce que ce type de solution est vraiment efficace ? Ce qui est sûr c’est que l’artisanat est bien une démarche éco-responsable mais seulement parce qu’elle ne demande pas de gros moyens de productions. Puisque les exposants vendent par année pas plus de 3 ou 4 œuvres il est bien plus simple d’être durable à cette échelle.
Aujourd’hui le métier à tisser à navette, oublié après la Seconde Guerre mondiale, est remis au goût du jour car il permet une meilleure esthétique. L’artisan belge, Simon Vanhée, a été pionnier dans ce domaine puisque dès 1985 il fonde le Musée de la Rubanerie afin de récupérer les métiers à tisser pour les utiliser durablement. Une des guides du musée, déplacée spécialement pour le SIMA, nous explique que lorsque le créateur du musée a vu “tous les métiers à navette être jetés à la poubelle par les industriels pour être remplacés par des métiers à aiguilles qui fonctionnent beaucoup plus vites” il a eu l’idée de tout conserver. Selon la spécialiste de la question, pour créer des pièces en série les industries sont très efficaces, sauf que lorsqu’il s’agit de haute couture ce sont les artisans qui ont le dernier mot. La qualité des œuvres présentes lors du SIMA montrent donc que l’artisanat peut, effectivement, rivaliser avec les industries.
Le SIMA c'est :
Photos de Malo Morice
Parenthèse :
Pour la région, l’évènement est aussi un coup de pub territorial puisque le SIMA est orchestré par la Chambre de Métiers et de l’Artisanat Hauts-de-France qui dans la brochure du salon affirme, sur un fond vert, assurer “un enseignement d’excellence” à toutes personnes qui se formeraient à la CMA Hauts-de-France.
RAMBAULT Camille
En savoir plus : le cuire végétal à l’enseigne de la durabilité
Parmi les différents stand présents au Salon des métiers d’art à Lens, celui de Sophie Cornille attire tout de suite l’attention : des bourses aux couleurs vifs, soigneusement rangées avec un tas d’autres objets de maroquinerie, émanent une odeur douce et délicate. Artisane, Sophie est spécialisée du cuir, sauf que ce n’est pas du tout du cuir ordinaire, mais du simili cuir de liège et d’ananas. La raison de ce choix ? La durabilité, « c’est quelque chose qui me tracasse depuis longtemps » explique-t-elle « j’ai pris conscience [de l’importance de ce choix ndlr] surtout grâce à mes enfants, qui sont super écolos ».
Sophie est également contente du fait que les simili cuirs végétaux, matériaux que pour beaucoup semblent venir directement du futur, sont en train de gagner en popularité. Elle n’est en fait pas la seule au Salon des métiers d’art de Lens à les travailler, il y en a même qui ont maitrisé cet art avec les peaux d’oranges et de citrons. Ils sont une véritable inspiration pour Sophie, qui a comme ambition d’abandonner complètement le (vrai) cuir, pour se convertir définitivement à ces matériaux naturels.
Les simili cuirs ont gagné beaucoup en popularité depuis que Linda McCartney a lancé sa première collection en cuir vegan en 2021, et le rachat de produits faits avec ces matériaux est désormais perçu comme étant un choix durable. Mais il faut nuancer, parce que des nombreuses marques de fast fashion utilisent ce label pour faire du bon vieux greenwashing. Commercialisant des articles qui sont oui, en simili cuir, mais produits avec des matériaux plastiques polluants comme le PU et le PVC, des grandes marques donnent l’impression d’acheter un article durable alors que c’est seulement du plastique.
De toute façon il ne faut pas se laisser décourager par ces informations, c’est une simple question de prêter attention à ce qu’on achète : pas tous les simili cuirs sont en plastique et le simili cuir végétal pollue beaucoup moins que le cuir normal. Les initiatives comme celle de Sophie Cornille sont durables et, pourquoi pas ? encouragent aussi l’artisanat local.
Tommaso Guandalini
Vidéo de Baptiste Bleard