La self-défense, une précaution désormais nécessaire ?
À l’heure où les mobilisations contre les féminicides et le harcèlement se multiplient au même rythme que ces derniers, de plus en plus de femmes décident d’assister à des cours de self-défense.
50 % des Françaises ont déjà subi de la violence, du harcèlement ou une agression d’ordre sexuel au cours de leur vie selon un sondage d’Odoxa. Et la tendance est à la hausse. En dehors de chez elle, dans les lieux publics, une femme ne peut se sentir en totale sérénité. Les regards mauvais, les phrases dérangeantes, les gestes déplacés font presque partie de son paysage quotidien. Le sentiment d’insécurité qu’elles subissent chaque jour dans les rues est pourtant grandissant. Remarques verbales quotidiennes et parfois au-delà, les bombes au poivre ne suffisent pas.
Élevée dans le « attention dehors c’est dangereux », Sarah*, jeune fille de 19 ans, est craintive quand elle sort ou lorsqu’elle prend les transports en commun seule.
Elle fait toujours attention à ce qu’elle porte, évite les robes et les jupes, mais cela ne l’empêche pas de subir des agressions.
Des exemples, elle en a, « comme la fois ou, dans les transports en commun, alors que j’étais assise à l’avant du bus, un homme à côté de moi s’est permis d’utiliser ma cuisse comme accoudoir. En tournant le regard, j’ai vu qu’il se touchait l’entrejambe en même temps avec un large sourire. Je me suis levée pour sortir du bus en avance et il a tenté de me toucher les fesses. Je me suis précipitée hors du bus, j’étais terrifiée. J’avais 14 ans. »
Maîtriser sa peur
Les professeurs de self-défense semblent unanimes : au début, leurs élèves avaient dans l’esprit qu’elles ne pourraient jamais faire face à un homme, costaud, plus grand. « L’idée que la femme est moins forte que l’homme est encore très présente dans les arts martiaux et les sports de combat », observe Laetitia Behagle. Depuis une dizaine d’années, cette coach sportive lilloise, donne des cours d’auto-défense inspirés du hapkido, un art martial coréen, aux hommes et aux femmes désireux d’apprendre les gestes utiles et d’adopter les bons réflexes en cas d’agression. Laetitia l’affirme : « Tout le monde peut pratiquer cette discipline. Ce ne sont pas des gestes compliqués, en situation d’agression le plus simple est le mieux ». Elle apprend d’abord à ses élèves à ne pas montrer leur peur en cas d’agression.
J'ai testé pour vous : la self-défense
Quand Laetitia a commencé à enseigner ces pratiques de self-défense, elle s’attendait à toucher un public principalement féminin. Et pourtant dès les premiers cours, elle a rencontré des hommes voulant apprendre les techniques de défense. Néanmoins, Laetitia a remarqué très vite que les hommes recherchaient plus souvent le côté sportif et au final se redirigeaient vers les sports de combat comme le krav maga ou le penchak silat, efficaces également.
Les demandes à la pratique sont en hausse. Alban, professeur de Goshindo à Erquinghem-lys, rappelle qu’il faut éviter le conflit et n’utiliser les techniques de défense qu’en cas d’ultime recours. « Au vu de l’actualité, du risque d’agression accru dans les rues, les citoyens veulent se préparer à toute éventualité, suppose-t-il. La self-défense consiste à apprendre diverses techniques pour permettre de se sortir rapidement d’une situation complexe. Évidemment, ce n’est pas un cours par mois qui fera la différence. C’est un travail sur soi, un entraînement de répétition qui permet d’obtenir des automatismes, mais surtout d’améliorer la gestion du stress qui peut paralyser la personne.”
Elisa Savaete
*Prénom d’emprunt
L'association Louise Michel un autre accompagnement en cas de violences conjugales
Différentes initiatives sont à disposition des femmes victimes de violences conjugales dans la Métropole lilloise. L’association Louise Michel, créée en 1984, propose une équipe pluridisciplinaire.
Juristes, assistants sociaux, conseillers économiques et psychologues se réunissent pour venir en aide à celles qui ont vécu un traumatisme.
Mais l’écoute ne suffit pas. Au-delà du soutien psychologique, l’association a pour volonté d’accompagner ces victimes jusqu’à la recherche d’un logement et dans les démarches judiciaires.
L’aide proposée par l’association Louise Michel témoigne d’un malaise apparent dans la région.
Rappelons que les Hauts-de-France détiennent tristement le taux d’homicides dans un couple le plus élevé de la France métropolitaine : 3,1 pour 1 million d’habitants. Si ces chiffres ont de quoi effrayer, ils poussent la Métropole européenne de Lille (MEL) à se pencher sur le problème.
Sandrine Ballonet, référente départementale à la MEL et directrice de l’association, insiste sur la nécessité d’étendre la prévention aux professionnels qui prennent en charge ces femmes battues.
Le combat de Louise Michel, grande figure du féminisme au XIXe, fait malheureusement encore écho aujourd’hui. Mais la libération de la parole rend possible ce genre d’initiatives.