Fabien Swyngedauw : l’artiste qui réinvente le graffiti
Dans le cadre de la 18e Nuit des arts, Fabien Swyngedauw expose, depuis le 30 novembre dernier jusqu’au 11 mai 2019, une série de graffitis, témoins de ses investigations dans les villes de Rome et de Roubaix. Les graffitis, gérés par le B.A.R (Bureau d’Art et de Recherche), font de lui un véritable street artiste conceptuel. Le but de son travail ? « Faire parler la magie » du street art et du quotidien dans des lieux uniques comme, pour cette exposition, le restaurant Il Bacaro à Roubaix.
Pour la grande majorité des amateurs de la rue, la France s’est révélée avec succès comme un melting-pot contemporain pour un nombre important de jeunes artistes. Parmi ces derniers, certains graffeurs ont su, malgré une réticence importante, s’imposer. C’est le cas de Fabien Swyngedauw, artiste indépendant, qui présentait son exposition, Carnet de voyage au bout de la rue.
Cette dernière permet en effet aux clients, d’apprécier au cour d’un repas, la beauté de son travail artistique. Éric, directeur du B.A.R, explique que ces graffitis, présentés sur toile, « plongent les personnes dans des codes modernes du graffiti et réinventent cet art en se basant sur les expériences et les voyages de Fabien ». Et c’est ainsi qu’apparaît l’originalité de l’artiste : amener le graffiti dans des lieux peu communs pour toucher un public large. Pour cela, il participe à de nombreuses expositions entre quatre murs dans lesquelles il réinvente et modernise son travail de rue.
Complétés avec les graffitis de la ville de Roubaix, majoritairement en noir et blanc, son travail met principalement en avant « les murs et les paysages de la ville italienne », qui sont observés tout au long de ses investigations. Ces graffitis sont notamment présentés grâce à « des éléments photographiés dans les rues de Rome et trouvés dans les pages jaunes ». Et c’est là que Swyngedauw insiste : le graffiti serait utilisé à bon escient comme véritable messager à travers cette exposition où « les éléments vernaculaires sont associés au vocabulaire graphique ».
© Vincent Le Goff
UNE ENVIE DE DÉMOCRATISER LE GRAFFITI FACE AUX PRÉJUGÉS
La question du style n’est en réalité pas la principale démarche de Fabien Swyngedauw. Formé à travers un parcours scolaire dans les arts appliqués, l’artiste affirme que le graffiti est l’assemblage de « signes qui viennent de la culture art pop ». Cette « passion » de cet art explique, dans un sens, sa motivation première qui est de « former un langage particulier » et de « proposer un regard sur la ville et notre quotidien ».
L’envie principale du graffeur ? Témoigner. Apporter une démarche différente des autres pratiques artistiques. Fabien Swyngedauw dessine depuis l’âge de 14 ans et veut que l’on pense le graffiti autrement, en apportant des éléments de ses expériences. Notamment à cette exposition où quand certains graffitis “sont des sérigraphies (réactions rebelles de terrain), d’autres apportent une véritable authenticité où des collégiens ont apporté leurs blazes et en on fait de véritables tableaux”, selon Éric.
Et son travail artistique depuis des années se concentre sur cette idée de privilégier le signifié au signifiant. Le graffeur, résidant à Lille, pense concrètement que la solution à la mise en avant et à la dédiabolisation des graffes, passe par une méthode méticuleuse qui consiste à humaniser, conceptualiser et témoigner à travers ses œuvres.
Ses expositions à succès comme celle-ci, allient en fait l’artiste et son indépendance sous formes d’expositions et d’éditions. Pour ce graffeur qualifié de « sociologue », cette exposition est un réel atout pour faire évoluer les consciences face à un certain dénigrement.
Pour plus d’informations : https://www.dropbox.com/s/jxqk1wkvuz5fb8v/dosFabien_Swyngedauw_bassDef.pdf?dl=0
© Vincent Le Goff
© B.A.R
De Rome jusqu'au B.A.R de Roubaix ...
Zoom sur...
L'Histoire du graffiti
Les graffitis sont bien plus anciens que l’on imagine. En effet, ils remontent à l’époque antique où ils étaient généralement rédigés en latin vulgaire. Egalement présents au Moyen Âge, on en recense environ 2000 au château de Chambord dont ceux de Victor Hugo ou Jean de la Fontaine.
Le graffiti urbain s’est développé dans un contexte de tensions politiques pour exprimer des idées de liberté et de paix, surtout pendant les révolutions, sous l’occupation, pendant la guerre d’Algérie ou encore sur le Mur de Berlin. A la fin des années 1960, la disponibilité des aérosols de peintures « émaillées » s’est largement accrue. Ces peintures, originellement destinées aux voitures, ont permis aux graffitis de gagner en esthétique. Notamment dans le métro de New York, où de grands noms de graffeurs ont émergé.
En 1981 s’est tenue une exposition intitulée « Graffiti et société » au centre Georges Pompidou. L’art du graffiti s’est enfin ouvert au public qui ne connaissait que l’aspect brouillon des tags envahissants le métro. Cependant, d’un point de vue contemporain, les graffitis ont toujours une connotation négative aux yeux du grand public.
Par exemple en 2017, des inscriptions sur le Lincoln Memorial aux Etats-Unis ont engendré une vive vague de protestation et une enquête de police. Aujourd’hui, la loi française punit de 750 € d’amende toute « dégradation intentionnelle » sur les monuments. L’art du graffiti risque donc de rester longtemps aux mains d’artistes de l’ombre.
Article et crédits photos : Vincent Le Goff
Edito et infographie : Emma Confrère
Vidéo : Amélie Réveillard
Mise en page : Cloé Geffroy