Les conférences gesticulées, renouveau de la parole politique populaire
C’est au détour d’un bâtiment de la rue Gambetta que nous avons suivi une conférence gesticulée, dans les locaux de la Grappe, un lieu dédié aux projets collaboratifs. Mais alors, les conférences gesticulées, qu’est-ce que c’est ?
C’est dans une salle quasi-vide que nous sommes arrivés pour assister à la conférence organisée par le collectif l’Etincelle. L’intervenant William Tournier nous interpelle « on va sûrement commencer avec trente minutes de retard, soyez pas pressés ! ». Et nous voilà plongé dans l’ambiance à part de cette conférence. Les gens arrivent finalement assez vite et se parlent, discutent, rigolent. L’ambiance précédant le début du spectacle est très légère, agréable.
William Tournier, l’intervenant de la soirée, prend la parole. Le sujet du jour : Et si je refusais de m’insérer dans l’économie sociale et solidaire ? Il nous emmène alors à travers ses mots, ses mises en scène et des chansons dans sa vie de motard révolté. Toute sa réflexion est tissé autour de son vécu, de sa passion des bécanes.
« Pour moi, être motard c’est une culture, une culture de solidarité. Une philosophie libertaire. Pour moi, être motard c’est se donner une armure pour se protéger contre les violences. Regardez ma grosse veste en cuir, testée et approuvée en manif.»
La vie comme expérience
Parce que voilà, William, ou Willie comme l’appellent ses proches présents dans la salle, est bien plus qu’un motard. C’est un homme passionné de sociologie mais aussi un militant politique. Ce dernier articule ainsi les différents obstacles qu’il a entrevus dans sa conduite du deux roues à son expérience dans les associations, liant les problématiques d’une vie à des problèmes politiques.
L’histoire commence en 2008, William issu d’une famille populaire nous raconte qu’il « n’avait pas de pognon, mais il y avait les bouquins ». Et voilà comment ce dernier a commencé à sortir de la place que la société lui dictait. C’est donc à travers les livres, puis à travers le syndicat des motards en colère pour arriver enfin aux conférences gesticulées que William nous transporte à travers son histoire. Cette histoire, porteuse d’un message politique qui ne lui était pas offert au commencement de sa vie en vue de sa posture de prolétaire, il nous la raconte en multipliant les références historiques, sociologiques et même musicales. Il captive et joue même avec nos émotions. Pourtant, rien ne nous fait décrocher de l’objet de cette conférence : une révolte cinglante faisant de lui un militant politique.
Une réappropriation de la parole politique
Les conférences gesticulées se fondent sur le principe d’éducation populaire : comment faire naitre le débat et la parole politique au sein des citoyens n’ayant pas pour habitude de porter cette parole.
Les conférences gesticulées sont à leur origine une « provocation au monde du théâtre », comme le rappelle William Tournier, acteur mais aussi formateur de ces conférences. Il fallait réinventer une parole politique pour le corps populaire et c’est ainsi que Franck Lepage, un militant de l’éducation pour tous, a inventé ce concept. Ce dernier a rendu une part de son aspect politique au monde scénique, permettant aux classes populaires d’accéder au théâtre. Comme nous l’a bien expliqué William, les classes populaires considéraient le théâtre comme trop bourgeois pour y prendre part, c’est ainsi que sont apparues les différentes formes de Théâtre de l’opprimé, un théâtre fait « par le peuple et pour le peuple », les conférences gesticulées en font partie.
Si l’envie vous prend de vous plonger dans le monde de ces conférences gesticulées, le tout est de choisir un thème qui vous anime pour être d’autant plus passionnant. Vous pouvez jeter un œil sur l’agenda de ces conférences disponible directement sur le site internet de l’Etincelle.
Et pourquoi pas vous lancer à votre tour ?
Chloé Lavoisard
Vidéo réalisée par Macha Ogransky
Focus : la démocratie participative comme nouveau modèle politique ?
Le désintérêt populaire pour la vie politique du pays ou des régions est un constat de plus en plus fréquent. « Personne n’écoute personne », « on ne peut plus se faire entendre », « on ne nous demande jamais notre avis », des réflexions qui reviennent en permanence et qui s’intensifient à la venue des élections.
Pourtant, ne plus s’intéresser à la politique gouvernementale n’empêche pas de vouloir agir sur son environnement citoyen et de participer à la vie publique. C’est ainsi qu’est né le principe de « démocratie participative », qui va chercher là où le système de représentativité actuel ne peut pas aller. On y trouve un modèle mixte qui se base sur le partage des pouvoirs entre élus, qui s’occupent toujours des lois, et le peuple, qui conserve le droit de s’occuper lui-même de certaines charges.
La démocratie participative va donc s’axer autour de débats libres, de comités de délibération, de conseils de concertation et des arènes d’argumentations. Tous ces procédés ont le même objectif que les conférences gesticulées : redonner une parole politique aux citoyens désintéressés ou démunis. La démarche se concentre à l’échelle municipale pour mieux se diffuser et s’adresse particulièrement aux classes populaires pour laisser une chance à n’importe qui de s’exprimer.
Si le modèle reste à développer et à populariser, il prouve néanmoins que des alternatives à la vie politique et citoyenne classique sont possibles.
Barthélémy Cabusel