Le podcast Jeune&Engagé.e pour dynamiser et étendre les mobilisations
Vincent Brunet et Rémi Babonneau étudient le journalisme à Lille. En janvier 2023, les deux amis lancent leur émission sur Radio Campus Lille, également diffusée en podcast. Tous les deuxièmes lundi du mois, ils coaniment ce rendez-vous en compagnie d’un invité et de chroniqueurs. Tous ont la vingtaine, décidés à changer le monde et à convaincre les auditeurs.
Au sein de la contestation de la réforme des retraites, la population mobilisée a évolué depuis l’utilisation du 49.3 par le gouvernement. La présence des jeunes s’accroît, au détriment de leur considération. Des étudiants concernés, capables de renverser la société inadaptée aux enjeux actuels, voilà les personnes que Vincent Brunet et Rémi Babonneau valorisent. Eux-mêmes investis, les deux apprentis journalistes bouillonnaient d’impatience de populariser les différents types d’engagements dont se saisissent les jeunes. « Je suis un peu influencé parce que je lis Sois jeune et tais-toi où Salomé Saqué montre que la jeunesse est perçue comme faignante et à l’origine de nombreux problèmes. Cette idée ne doit pas laisser le droit aux plus anciens de nous prendre de haut », confie Vincent.
L’émission débute avec un portrait de l’invité avant d’évoquer les enjeux cruciaux pour le futur de la génération Z : crise environnementale, impact du capitalisme sur la société ou encore montée de l’extrême droite. Des thèmes incarnés par les invités des quatre premiers épisodes : Manon Lorant, membre des Jeunes communistes, Louise Ulrich de Frdiays For Future, Yanis Di Bartoloméo président de la branche lilloise de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) et Thomas Muller du mouvement Place publique dans le Nord. Vulgariser l’engagement, expliquer comment s’organise la lutte et appeler à la rejoindre, tels sont les mots d’ordre. Pour autant les deux étudiants s’opposent à installer une sorte de « guerre des générations », surtout que ce terme connaît un emploi erroné. Ivan Sainsaulieu est professeur de sociologie à l’Université de Lille. Contrairement aux idées reçues, l’âge ne définit pas à lui seul une génération comme il le détaille : « Les générations c’est surtout une question de contexte et de période. Tout le monde connaît la génération de mai 68, celle de la guerre d’Algérie… Les générations ne respectent pas forcément la distance biologique de 25 ans. »
Inspirer sans opposer
La diffusion de l’émission sur Radio Campus et en podcast permet de s’adresser à un public diversifié. Une condition indispensable pour recréer du lien entre les générations et qui permet de motiver les jeunes non engagés à s’investir. Après trois émissions les garçons le constatent, le public évolue selon l’invité. « Dans les deux premiers épisodes les invitées étaient des femmes. On a constaté que le public était à 70 % féminin. La tendance s’est inversée lorsqu’on a reçu un homme. Les gens cherchent des modèles qui leur ressemblent », analyse Vincent.
D’autant plus que l’actualité joue en leur faveur. Ivan Sainsaulieu l’avoue, l’image des jeunes change : « Il est vrai qu’il y a de nouveaux facteurs de mobilisation portés par la jeunesse comme l’écologie. Des mouvements qui sont très vivants, avec beaucoup de pancartes. Quand la jeunesse s’installe dans l’espace public ça crée un climat de contestation. Il y a un côté un peu étincelle. »
L'étincelle jeune
A chaque mouvement social la même musique revient. Les éditorialistes et politiques de l’opposition insistent sur l’importance de la jeunesse dans l’intensité de la contestation et sur la menace qu’elle représente pour le pouvoir en place comme le prouve des évènements comme « mai 68 » souvent cité en modèle. En 2023, le podcast devient un nouveau canal de mobilisation, capable d’incarner une pièce maîtresse des futures manifestations. Même ce dernier terme pourrait devenir obsolète tant les jeunes apprennent avec la réforme des retraites l’intérêt de réinventer les mouvements sociaux pour concrétiser des revendications.
Inquiet, le pouvoir établi délégitime volontairement la parole des jeunes en leur prêtant peu d’attention. Mais pour Ivan Sainsaulieu, l’interrogation autour de l’image de la jeunesse prouve que cette dernière ne connaît pas l’apogée de son investissement : « A partir du moment où on se pose la question de savoir ce que pensent les plus vieux, est-ce qu’on est vraiment engagés ? Quand on marque la société, on ne se demande pas ce que pensent les vieux. C’est donc plutôt un signe de faiblesse de se le demander ».
Nathéo Dillenseger
Pour écouter Jeune&Engagé.e, vous pouvez vous rendre sur le site de Radio Campus Lille et suivre leurs pages instagram et twitter.
Zoom sur le podcast, ce média en plein essor qui séduit la jeunesse.
Depuis le confinement, le podcast a pris une place importante dans nos vies. Permettant de s’informer sur l’actualité et d’en savoir plus sur les sujets qui nous passionnent à tout moment, ces émissions audios à la demande ont su séduire la jeunesse. Une paire d’écouteurs et une oreille attentive suffisent afin de se plonger à tout moment (et peu importe le lieu) dans l’un des milliers de ces récits, témoignages et journaux audios mis en ligne chaque jour. Ce média, qui était encore méconnu il y a 4 ans de cela a vu son nombre d’auditeurs exploser durant ces trois dernières années. Ce sont plus de 200 millions de podcasts qui sont écoutés chaque mois, et les jeunes figurent parmi les principaux consommateurs (les moins de 35 ans représentant plus de 60% des auditeurs). Ces chiffres témoignent d’un intérêt encore bien concret pour les contenus auditifs, contrairement à ce que beaucoup pourraient penser en remarquant les baisses d’audiences de la radio.
Mais si ce format a connu un tel essor chez les jeunes récemment, c’est en particulier suite à la crise sanitaire. En effet, le COVID et son confinement ont invité les jeunes à trouver de nouveaux centres d’intérêt, mais surtout à créer, à écrire et à partager de façon différente. Pour donner une idée, il y a eu en 2020 trois fois plus de podcasts mis en ligne qu’en 2019, avec près de 900 000 nouvelles émissions. Aujourd’hui, cette tendance au son n’a fait que s’accroître et l’audience invite proportionnellement de plus en plus de personnes (et de jeunes en particulier) à s’exprimer et à partager leurs voix de manière plus travaillée et souvent bien plus intime que sur les réseaux sociaux.
Le podcast ne s’est jamais aussi bien porté, et cet essor se globalise avec le temps, ayant commencé aux États-Unis et s’installant dans toute l’Europe. Un succès inattendu, donc, qui ne connaît pas la crise sanitaire et qui ne cesse de s’accroître grâce à la diversification des contenus proposés.
Yacine Nouichi