Inclusion des sourds et malentendants dans une société « encovidée » : êtes-vous prêts à relever le défi ?
La pandémie du coronavirus a demandé à la société française une adaptation rapide. Pour autant, quelques-uns restent en marge : les sourds et malentendants. Cette marginalité, qui ne date pas d’hier, est mise en exergue par cette crise d’un genre nouveau à cause de l’utilisation du masque. Et si c’était aux entendants de s’adapter ?
La Covid-19 a entraîné l’arrivée de conférences de presse journalières pour faire le point sur l’épidémie. Avec elles, s’est démocratisée la présence de signeurs chargés de traduire pour les sourds et malentendants. Toutefois cette avancée ne semble pas être du goût des chaînes d’information, à qui il arrive de cacher les traducteurs avec leurs bandeaux d”informations en continu. Ce balbutiement télévisuel illustre bien le problème de l’intégration des sourds dans la société.
En France, les sourds et malentendants représentent plus de six millions de personnes. Une grande majorité d’entre eux doit s’adapter en lisant sur les lèvres et tenter d’analyser les expressions faciales des entendants. En retour, c’est par des rudiments de mimes que ces derniers tentent de se faire comprendre. L’utilisation du masque dans la crise du coronavirus a balayé d’un revers de la main cette unique possibilité d’inclusion des sourds. Ce masque devient l’incarnation de la barrière paraissant infranchissable entre les sourds et malentendants et les « autres ». Ces derniers ne peuvent plus lire sur les lèvres et se retrouvent bloqués, en proie à de nouveaux défis pour combattre l’opacité d’une société « encovidée ».
Les cours de langue des signes au service de l’inclusion des sourds
Une seule solution voit le jour : c’est aux entendants de s’adapter et non l’inverse, par l’apprentissage de la langue des signes notamment. C’est le message que l’association Visuel langue des signes française veut nous faire passer. L’antenne des Hauts-de-France, créée cet été par Damien Ducasse, sourd de naissance, connaît depuis son ouverture un engouement envers l’apprentissage de cette langue. Virginie, convertie récemment dans la cause de l’inclusion des sourds dans la société et bras droit du directeur nous confie avec enthousiasme que les cours du soir sont déjà tous complets. Cette dernière confesse : « C’est en me retrouvant incapable de communiquer avec les sourds et malentendants dans mon entreprise que j’ai pris conscience de leur exclusion et que j’ai voulu me mettre au service de la cause. » Ravie, elle constate que de plus en plus de salariés travaillant au contact des sourds s’intéressent à la problématique de l’inclusion et souhaitent apprendre la base de la langue des signes pour pouvoir communiquer avec eux. C’est le cas notamment des médecins ou de certains employés de mairie.
Un plan B : le masque transparent
Toutefois, si par manque de temps ou de moyens cette solution vous est exclue, il en existe une autre. Les masques continuent de creuser le fossé séparant les sourds usant de la lecture labiale des entendants. C’est pourquoi le masque transparent pourrait être une solution de secours s’il était démocratisé. Toutefois ce dernier, encore rare et peu développé, est cher : entre 10 et 20 euros sur le marché.
Marta, youtubeuse cuisine, s’est reconvertie dans la production de masques transparents. En discutant avec le personnel soignant, elle s’est rendue compte du problème engendré par les masques pour les personnes utilisant la lecture labiale. « Je me suis rendu compte que le masque conventionnel était une vraie tare pour les handicapés, que ce soit ceux souffrants d’autisme comme les sourds et malentendants. J’ai voulu mettre la main à la pâte. » Elle a alors décidé d’apprendre aux entendants à créer leurs propres masques transparents, et ce avec peu de moyens. Cette pratique pourrait être un premier pas dans la lutte contre l’exclusion des sourds et malentendants pendant l’épidémie du coronavirus.
Jade Esposito
PORTRAIT : Léo, étudiant en L3 de psychologie
Lors des portes ouvertes du VLSF (Visuel Langue des Signes Française) ce 22 Septembre, Léo, étudiant en troisième année de psychologie, participait à sa première initiation avant le début de ses cours du soir.
C’est dans le cadre de son projet professionnel que Léo se rendra aux cours du soir de langue des signes, avec enthousiasme et motivation il apprendra les premiers gestes qui lui permettront, il l’espère, de communiquer avec ses futurs patients. Il souhaite devenir psychologue pour les personnes sourdes et malentendantes, raison pour laquelle il s’engage dans une formation d’un an en vu de d’obtenir le niveau A1 en langue des signes française.
Plutôt habitué à un public déficient intellectuel, il n’avait jamais pensé au problème que pouvait causer la méconnaissance de la langue des signes dans le domaine médical pour les sourds et malentendants. En se renseignant via le réseau social Linkedin, il retrouve un ancien étudiant du master Développement Education et Handicap Individu et Société (DEHIS) délivré à l’Université de Lille. Aujourd’hui devenu psychologue pour les personnes sourdes, Léo le contacte afin d’en savoir plus sur son métier. “Ce sont des personnes comme tout un chacun. Pourquoi ils n’auraient pas le droit d’avoir un psychologue parce qu’ils (les psychologues, ndlr) ne savent pas leur parler.” Voilà ce qui inspire principalement Léo. Encore peu démocratisée dans le milieu médical, la communication est difficile, voire impossible sans interprète et cela donne lieu à une forte inégalité dans l’accès aux soins. Pourtant plus enclins à la dépression et à la déprime car victimes d’exclusion sociale, les sourds et malentendants n’ont de ce fait, pas les mêmes facilités à trouver des psychologues sachant les comprendre. Pour Léo, l’handicap du langage n’est pas encore assez reconnu et malheureusement en psychologie “ce n’est pas du tout la branche la plus connue et mise en valeur”.Nephtys Bodet
Crédit photos : Maïa Delcourt