Contraception masculine : un petit pas pour l’homme… un grand pas vers l’égalité ?
Pilule, implant, stérilet… ces mots vous sont sans doute familiers. Imposée dès le plus jeune âge aux femmes, la contraception féminine est connue de tous. Pourtant, elle représente souvent une charge pour les femmes qui sont seules à gérer leur fécondité. Depuis plusieurs années se développent des méthodes de contraception masculine modernes dont l’existence atteint trop peu d’oreilles.
Dix-neuf heures au bar La Moulinette. Une dizaine d’hommes tentent de renverser les codes patriarcaux. Ils font partie du collectif Garcon, association de recherche et développement de méthodes de contraception masculine. Autour d’un verre, les spectateurs, curieux, assistent à la présentation préparée avec soin par le groupe. Quand Alex, 40 ans, nous montre le slip qu’il a fabriqué tout seul, c’est la surprise dans le bar : mais comment fonctionne cet instrument étrange, que personne n’avait jamais vu de sa vie ? Vasectomie, méthode thermique ou hormonale : tant de contraceptions efficaces mais inconnues par les hommes sont découvertes ce soir-là.
La contraception est imposée aux femmes par la société patriarcale, dans laquelle les hommes ont beaucoup de privilèges, notamment celui de ne pas partager la charge contraceptive. « Une fille, quand elle prend son premier rendez-vous chez le gynécologue, très souvent on lui prescrit la pilule comme si c’était normal », dénonce Noé, étudiant qui a testé les injections hormonales pendant 8 mois. Pourtant, cette contraception n’est pas toujours fiable ou acceptée par le corps de la femme. Elle peut entraîner une dose de stress quotidien et des douleurs, c’est une charge mentale très importante chez la femme et inexistante chez l’homme.
Partager la charge contraceptive c’est avoir un point de vue égalitaire quant au rôle de l’homme et de la femme dans la contraception.”
Alex, 40 ans
Comme beaucoup d’autres hommes contraceptés, Alex a découvert cette méthode en cherchant à soulager sa compagne qui souhaitait arrêter la pilule. « Pendant un certain temps, on a eu deux moyens de contraception », explique-t-il. En plus de partager la charge mentale, cela permet au couple d’être deux fois mieux protégé. Une double protection permettrait de réduire drastiquement le nombre d’IVG en France, qui rappelons-le s’élève à 224 300 en 2018.
Inégalités et société patriarcale
Dans un interview pour LeBlob, le Dr. Soufir explique pourquoi la contraception féminine s’est développée : c’était une « urgence », à une époque où les IVG étaient illégales et fréquentes. Aujourd’hui, le combat réside dans le développement et l’accès à la contraception masculine, qui a été reléguée au second plan.
En effet, le Dr Soufir est l’un des seuls médecins hospitaliers à prescrire la contraception hormonale, qui n’est pas remboursée par la Sécurité Sociale (8€ par semaine) et difficile à trouver : « Très souvent il y a des pénuries en pharmacie », précise Noé. « Je me souviens une fois être parti faire le tour des pharmacies à vélo pour en trouver. » Plus généralement, beaucoup de professionnels de la santé connaissent mal ces nouvelles méthodes de contraception et ne veulent pas les prescrire à leurs patients, malgré les tests ayant prouvé leur efficacité. Pour la vasectomie, la France impose un délai de réflexion de 4 mois au patient et un grand nombre de médecins refusent de pratiquer cette méthode si l’homme a moins de 40 ans. Enfin, il n’y a qu’un seul fabriquant de slips thermiques en France, à Toulouse.
Utiliser la contraception masculine est donc un pas vers l’égalité, mais son accès est freiné par la société patriarcale. Le Dr. Soufir explique qu’il faudrait un « mouvement social politique et économique qui permette son développement », de la même manière que le féminisme avait permis l’apparition de la contraception féminine. Le problème, c’est que trop d’hommes sont réticents à cette méthode à cause de leurs privilèges acquis. Pour changer les mœurs, Garcon doit continuer sa lutte pour démocratiser la contraception masculine. Peut-être faudrait-il aussi améliorer l’éducation sexuelle à l’école et cesser de penser que virilité rime avec fertilité ?
Zoé Multeau
ZOOM : Une histoire de contraception
Après la Première Guerre mondiale et la crise démographique qui en résulte, la loi du 31 juillet 1920 sera instituée et aura pour objectif de relancer la natalité en interdisant la contraception. En 1956, la pilule contraceptive est inventée mais ne sera libéralisée qu’en 1967 grâce à la loi Neuwirth et le combat de la MLAC (Mouvement pour la Liberté d’avortement et de Contraception). De Gaulle qui était sceptique au début, aurait dit à Lucien Neuwirth : « Vous avez raison, transmettre la vie c’est important. Il faut que ce soit un acte lucide. ».Toutefois, la légalisation et la vente libre de la pilule est le résultat d’une longue lutte. Une lutte entreprise aussi par le Planning Familial, qui a contribué à la libéralisation de celle-ci et à son remboursement par la sécurité sociale.
Aujourd’hui, la pilule, ancien symbole de libération, devient celui d’une nouvelle oppression. Entre prise de poids, baisse de la libido, AVC, cancers, les hommes et les femmes que nous avons rencontrés revendiquent un partage de la contraception comme condition intrinsèque de l’égalité hommes-femmes.
La contraception masculine a aujourd’hui du mal à s’imposer car elle n’a pas été impulsée selon le Dr. Soufir par une demande sociale. À contrario, la contraception féminine a été un remède aux tragédies humaines que pouvaient engendrer les avortements clandestins. « Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur les 300 000 avortements qui chaque année mutilent les femmes de ce pays », déclamait Simone Veil dans un discours à l’Assemblée nationale, en 1974. Épaulée par les associations féministes et de grandes figures comme Margaret Sanger, le social se greffe au médical.
Yousra Larbi Alami