Défendez-vous ! le livre qui tape du poing sur la table (et dans la figure)
En moins de deux cents pages, la défenseuse des droits humains Laure Oudet-Dorin et le gendarme professeur de self-défense Laurent Hennequin ont relevé il y a deux ans le défi de concevoir un guide le plus exhaustif possible pour aider les femmes à se protéger contre le fléau du harcèlement de rue. A vos marques… Prêtes ? Défendez-vous !
Début de soirée d’automne. Dans une rue paisible du quartier République, éclairée par un lampadaire jaunâtre, Julie* se fait aborder par un cycliste. Ses yeux sont exorbités, il lui lance des injures salaces. Face au regard désapprobateur des témoins, l’agresseur passe son chemin. L’adrénaline retombée, la peur de Julie prend le dessus : “Et s’il m’avait touchée ? Et s’il me retrouve ?” Un an après, c’est toujours la main vissée à sa bombe lacrymogène qu’elle rentre chez elle.
Parce que le choc psychologique survit généralement au choc corporel, Défendez-vous ! met en lumière des techniques physiques, mais aussi et surtout des comportements et ressources susceptibles de changer la donne et d’ajouter plusieurs cordes à votre arc défensif.
Une violence légitime
“Une bonne pratiquante de la self-défense est une bonne citoyenne”, martèle Laurent Hennequin. Pour lui, la self-défense est trop souvent enseignée de manière belliqueuse, alors que la vengeance n’a pas sa place dans ce sport pragmatique. Comme un clin d’œil à son propos, le livre est ponctué de nombreux rappels de la loi.
Pour Laure Oudet-Dorin, la législation permet à la victime de gagner une course insidieuse contre la montre de son assaillant : “Nous voulions aussi éviter aux personnes qui usent de la violence pour se protéger qu’elles ne fassent l’objet de poursuites judiciaires. Trop souvent, on voit des agresseurs qui devancent leur victime en allant porter plainte.”
Mais aux yeux des auteurs, le plus important reste encore de parvenir à surmonter le blocage psychologique sur le recours à la violence : “La self-défense, ce n’est pas aimer la violence. C’est dire qu’elle existe et qu’il faut apprendre à y faire face.”
Une pratique physique… mais pas seulement
Deux mains roides et pressantes s’emparent de votre taille. Votre rythme cardiaque s’accélère. Un grognement sourd monte alors dans votre gorge, que vous expulsez rageusement en décrochant un furieux coup de coude dans le menton de votre agresseur hébété. De nombreuses techniques comme celle-ci sont énoncées dans le livre.
Pourtant, ce qui ressort de manière criante dans le discours des auteurs, c’est que le combat n’est qu’une infime partie de la self-défense : “95% de prévention et 5% de bagarre”, montre Laurent. “Ce n’est pas qu’apprendre à donner des coups de pied, c’est apprendre à ne pas se retrouver dans une situation où on a besoin de le faire”, renchérit Laurence. Le conseil n°1 donne le ton : “Préparez-vous mentalement à une agression.” Dans un sport où l’équation n’a de variable connue que la femme, la confiance en soi reste le fer de lance majeur des cours de self-défense. Plus qu’à acquérir une agilité corporelle, l’apprentissage de prises permet de se former une foi personnelle assez musclée pour se sentir capable de gagner un bras de fer contre un agresseur présomptueux.
La fin de la guerre des sexes
La self-défense peut-elle contribuer à une société plus égalitaire ? Elle répond d’abord à un état de fait : les violences sexistes ne disparaîtront pas en un claquement de doigts et avoir une maîtrise mentale et physique de soi change la donne dans la vie de tous les jours : “On gagne en confiance. En ce sens, une femme peut être l’égale de l’homme”, affirme Laurent.
Plus profondément, ce livre, en abordant des préjugés et tabous sociétaux, a aussi une visée pédagogique collective : “L’objectif est de montrer que c’est une œuvre commune : des projets d’éducation des filles ET des garçons et de prévention contre le viol, tel que No means no en Afrique, voient le jour.”
En conquérant les territoires de la bravoure et de l’assurance, jusqu’alors détenus majoritairement par les hommes, la self-défense contribue à changer la vision trop largement relayée d’une femme apeurée et faible.
La regrettée Gisèle Halimi le résumait bien : “Pour briser la clôture où l’enferme l’homme, la femme doit aussi dénoncer l’image d’elle-même qu’il lui renvoie.”
* Le prénom a été modifié pour des question d’anonymat.
Article de Anna Perra
ZOOM : Quand les accessoires de self-défense se mêlent au quotidien
Avez-vous déjà marché seul(e) dans la rue avec un fort sentiment d’insécurité, notamment si vous êtes une femme ? Certes il existe la technique des clés entre les doigts, mais cela n’assure pas notre sécurité face à un assaillant. Afin de lutter contre les agressions, le marché des produits d’auto-défense devient de plus en plus varié, les entreprises innovent et proposent des objets spécialisés pour La défense des femmes, pouvant facilement passer inaperçus.
On trouve ainsi des accessoires du quotidien modifiés en objets défensifs : un taser sous la forme d’un rouge à lèvre faisant également lampe de poche, un stylo lacrymogène ou encore un porte clefs anti-agression coloré étant capable de déclencher une alarme de 120 décibels. Beaucoup d’autres produits ont été développés, notamment les gels au poivre, afin d’immobiliser l’assaillant en cas d’agression. Il est important de noter que ces produits sont onéreux, il faut compter 30€ minimum en moyenne.
Au niveau de la législation, il est légal de porter une arme de catégorie D (c’est à dire une arme qui peut être achetée et retenue librement), mais avec obligation d’un motif légitime. Il existe ainsi une liste définie par l’Etat des armes autorisées à être transportées sur soi. La question du motif est primordiale puisqu’il est illégal de posséder une arme dans l’espace publique sans justification valable. Ainsi, les poignards, bombes lacrymogènes, cannes et parapluie épée ou encore une arme à impulsion électrique sont légales.
Désormais, de nombreux moyens et accessoires, bien qu’insuffisants, sont crées afin de lutter contre les agressions de rue, en outre subies par les femmes. Il existe par ailleurs des cours d’apprentissage à la self-défense ou encore des applications spécialisées afin d’alerter nos proches.
Marion Picard
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