Fin octobre, Raphaël Glucksman, eurodéputé de Place publique, a lancé une semaine d’actions sensibilisant au sort de la minorité ouïghoure en Chine. Parmi ces opérations : la diffusion massive d’une pétition. Un moyen de plus en plus privilégié pour mobiliser.
Signer cette pétition. Ce sont les mots qui se sont affichés sur l’ordinateur de Faustine. Etudiante de 19 ans, dont les cours se font désormais en visioconférence, elle maîtrise parfaitement les nouvelles technologies. D’ailleurs, c’est sur un réseau social que le message est apparu. “J’ai ouvert la story d’amis et j’ai vu qu’ils relayaient une pétition. J’ai d’abord laissé passer, et puis à force de la voir, j’ai lu la description. J’étais d’accord avec ce qui était écrit alors j’ai signé.” Le contenu ? Une lettre adressée au Président de la République, demandant d’exiger la fermeture des camps chinois où sont enfermés des centaines de milliers de musulmans ouïghours. Au cours de la dernière semaine d’octobre, Raphaël Glucksmann a partagé massivement cette pétition sur Internet. Comme Faustine, près de 250 000 personnes ont soutenu l’initiative. Une façon de mobiliser qui ne cesse de prendre de l’ampleur.
S’insurger depuis chez soi, derrière son ordinateur, en de simples clics, permet certainement une facilité d’accès que l’on ne retrouverait pas dans la vraie vie. La révolution vient à soi. “C’est hyper rapide“, confie Faustine. Une facilité qui peut former un rempart contre l’inaction politique. “J’ai l’impression que c’est à la portée de tout le monde.” Là est tout le potentiel de la pétition en ligne : créer un effet de masse pour mettre en lumière l’avis de l’opinion publique. Mais Faustine ne se leurre pas : “Malheureusement, peu de pétitions aboutissent véritablement.” Habituée à signer des pétitions pour le bien-être des animaux, elle ne voit pas souvent leur situation changer. Pourtant elle continue d’essayer.
"Au pire ça sert à rien"
Comme Faustine, chacun a une raison de signer. Pour elle, il est clair que ses convictions sont ses seuls moteurs. Mais que ce soit pour se donner bonne conscience ou sous la pression sociale, un effet de mode se fait ressentir, surtout sur les réseaux sociaux. Se crée alors une relation meneur-suiveur : on suit les autres plus que l’on est personnellement convaincu. “Comme il ne fallait pas faire tache au milieu des autres, je pense que certains l’ont partagée sans comprendre”, raconte-t-elle. Ce mélange de passivité et de flemmardise signe les limites idéologiques de ces pétitions. Pourtant cela ne fait-il pas plus de signatures ? Oui, et pour les pétitions, la portée est aussi importante que la raison de la signature en elle-même, voire aussi de l’objet de la pétition.
Alors, imaginons une société où les pétitions en ligne connaissent un succès fulgurant et remplacent désormais les manifestations. Plus personne dans les rues, tout le monde derrière son ordinateur. Cette vision pourrait-elle être transposée à notre époque ? Il est difficile de le concevoir. “C’est la facilité de faire en ligne. On est caché derrière son ordi. Peut-être que ça remplacera les manifestations mais je n’espère pas”, s’inquiète Faustine. Pourtant, outre la fracture numérique, le système possède quelques avantages. A l’heure où les violences policières effraient, les dérapages en manifestation sont fréquents et l’article 24 de la loi de sécurité globale divise la société, les pétitions en ligne apparaissent comme une alternative contre l’invisibilisation de ceux qui ne veulent pas risquer de manifester.
Elsa Yegavian
L’histoire de… Julie et la SEP : sa cagnotte pour financer son protocole de soins à l’étranger
C’est en 2009, trois mois seulement après la naissance de son fils, qu’un événement majeur survient : « Le soir, je me suis couchée, je marchais et le lendemain matin je ne marchais plus. » Julie apprend qu’elle souffre d’une sclérose en plaques (SEP) de type rémittente depuis déjà plus de dix ans. Après des années d’errance médicale, c’est une nouvelle libératrice pour elle : « Quand j’ai été diagnostiquée, ça a été un vrai soulagement. Parce que ça m’a certifié que non, je n’étais pas une feignante, et non, je n’étais pas une malade imaginaire. J’étais réellement malade. »
Malheureusement, la maladie évolue. Son traitement de fond, dont le protocole a été adapté à la hausse par son neurologue au vu de l’agressivité de sa SEP, n’est plus efficace.
Loin de se laisser abattre, l’ancienne ex-commerciale fait preuve d’une incroyable résilience : « On appelle ça un combat parce que les gens nous disent qu’on est forts, mais ça n’en est pas un. C’est la vie tout simplement. Quand on est au pied du mur, il faut pousser des portes. »
« Je vis dans un monde tellement plus agréable que le commun des mortels, que franchement, je peux vous dire, je ne laisserai ma place à personne. J’ai vécu des moments presque magiques. »
Grâce à David Pellot, fondateur de l’association Seprogressif, elle a pris la décision il y a un an maintenant de démarrer une collecte de fonds pour son traitement à l’étranger. Il a lui-même subi une thérapie cellulaire en Allemagne. Et aujourd’hui ? « Je suis au bout, je pense avoir la somme nécessaire. Pour autant, je n’arrête pas de collecter, parce qu’il n’y a pas que moi. »
Pourtant, le projet est parfois lourd à porter. Elle confie : « Il y a un moment où j’ai moi-même volontairement stoppé la collecte de dons, parce qu’à force, à chaque fois que je démarrais Facebook, je ne supportais plus de me voir. J’ai redémarré en force en septembre. »
Ce qui l’a le plus touchée, c’est cet élan de solidarité : « Au-delà de l’argent et au-delà de la collecte, c’est avant tout une aventure humaine. » Elle raconte : « J’ai une connaissance, son papa est décédé. Et bien, au lieu de demander des fleurs, elle a demandé des dons pour moi. Ou il y a eu ce petit garçon, qui m’a donné cinq euros. C’est bouleversant. »
Julie va bientôt fêter ses 43 ans. Aujourd’hui, elle est heureuse. Elle va bientôt être mamie.
Claricia Techer