La reconversion des sportifs professionnels comme ultime compétition
L’arrêt d’une carrière professionnelle est une transition difficile pour de nombreux sportifs. Entraînements, compétitions et autres voyages à l’étranger laissent alors place au monde du travail. La startup Double Mixte, lancée en 2017, les aide ainsi dans leur reconversion.
Retraite. Voici le mot qui effraie tout sportif de haut niveau. La psychologie du sport a même trouvé un terme pour cette étape de vie très appréhendée : la “petite mort”. Car oui, même s’ils sont talentueux, les athlètes peinent à assurer leur reconversion après une carrière souvent très courte. Nombreux se retrouvent désemparés en voyant la fin d’une histoire sans savoir de quoi sera fait leur futur. « La reconversion professionnelle pour les sportifs n’est vraiment pas chose facile », assure Azzedine Boudjemaa, ancien coureur professionnel du 800 mètres.
La dépression du retraité
Passer de la gloire à un quotidien sans échéances, sans repères, exige un véritable travail de deuil. Habitué à être entouré par toute une équipe (entraîneur, kiné, sponsors…), le sportif se retrouve du jour au lendemain seul face à son destin. Une chute terrible pour ces athlètes qui peinent à trouver un sens à cette nouvelle vie. Face à cette situation, nombreux se retrouvent inquiets pour leur avenir et tombent en dépression.
Si aujourd’hui les sportifs se retrouvent démunis quand vient l’heure de la reconversion, c’est en partie par « le manque d’intérêt du double projet sportif et professionnel en France », explique Catherine Plewinski, membre de l’équipe Double Mixte et ancienne médaillée de bronze en natation aux Jeux de Séoul (1988) et Barcelone (1992). L’absence de développement de double projet empêche les athlètes d’envisager sereinement leur après-carrière. Il est fréquent que ceux-ci se retrouvent très jeunes face à un choix entre études et pratique sportive, avec rarement la possibilité d’allier les deux.
Une insertion dans les entreprises
Des connexions et une insertion dans le monde de l’entreprise rien que pour ces sportifs, voilà ce que propose la startup Double Mixte. Lancée en 2017 par Jean-Philippe Demaël, « Double Mixte permet aux athlètes de leur faire découvrir ce monde professionnel et leur démontrer qu’il n’est pas inaccessible après une carrière », déclare Catherine Plewinski.
La société aide ainsi les athlètes dans la création d’un CV, d’une lettre de motivation et les prépare à des entretiens professionnels. Un premier pas dans cette nouvelle vie de monsieur ou madame tout le monde. Pas forcément évident, pour des sportifs qui débarquent pour la première fois dans le monde du travail.
L’accompagnement psychologique qui leur est proposé est également un soutien de taille pour les aider à se tourner vers cette nouvelle vie.
Pour la responsable de la startup : “s’il n’y a pas quelqu’un qui fait redescendre le sportif sur terre et qui lui fait découvrir des choses, il aura des difficultés à se reconstruire après sa retraite.”
Ce travail spécifique avec les athlètes permet ainsi à Double Mixte de les orienter très vite vers les entreprises les plus adaptées à leur profil. Ainsi, qu’ils soient fraîchement retraités, actifs ou encore blessés, ces derniers peuvent obtenir des stages et des CDD avec des établissements qui leur correspondent comme des pépinières ou même des banques. Ces dernières y trouvent notamment un intérêt. « Les entreprises se rendent compte que les compétences développées au plus haut-niveau, comme la curiosité, la culture de l’effort leurs sont nécessaires. » Des CDD qui se transforment par ailleurs la plupart du temps en CDI. Aujourd’hui, la plateforme accueille de plus en plus de sportifs, soucieux de préparer sereinement leur avenir.
Éloi Thouault
Crédits Photo : Naël Makhzoum
Zoom : consultants sportifs
Tel un passage dans un lave-linge
C‘est neuf que l’athlète pénètre le monde sportif. Il y est trempé par l’effort, retourné par l’émotion, nettoyé par ses soignants et essoré par les médias. Pourtant, lorsque vient la “petite mort”, les retraités, rincés, s’empressent de revenir sous la lunette des caméras. Beaucoup choisissent la peau de consultant pour se reconvertir.
Aujourd’hui, le mariage paraît évident. Le modèle journaliste-consultant fait autorité à l’instant de commenter les compétitions. Les téléspectateurs se ruent vers leurs anciennes idoles qui apportent expertise et expérience du milieu. Cette union n’a cependant pas toujours arrangé les deux parents. Mai 68, l’ORTF manque de personnel pour couvrir le Tour de France. Ex-cycliste, Henri Anglade devient alors le premier consultant en France. Mais les journalistes se méfient et le SNJ (Syndicat national des journalistes) attaque certaines vedettes pour exercice illégal du journalisme.
La mayonnaise prend tout de même, guidée par la recette du duo Larqué-Roland ou par le recrutement étoilé de Canal pour les JO 92. D’abord Platini et Noah. Plus tard Asloum ou Marion Rousse. Tout ce petit cirque relève pourtant du paradoxe. Sortant d’une carrière faite d’entraînements et de fins calculs, les consultants sont peu accompagnés vers leur nouveau rôle. Aussi, face aux médias, la communication des sportifs est lissée au maximum. Alors que de l’autre côté de l’écran, nombre de leurs anciens collègues sont condamnés à enchaîner les heures d’antenne et de débats. Il faut rentabiliser leur salaire et la recherche du buzz prend vite le pas sur l’analyse. Puis les consultants se lassent. Pour finalement se retirer et s’étendre tranquillement au soleil, tel un t-shirt sur un séchoir.
Marius Veillerot
Vidéo : Le renouveau de l’ancien décathlonien Gaël Querin
Vidéo réalisée par Adrien Leroux