La plateforme de location de logements entre particuliers est de plus en plus prisée par les touristes, faisant de l’ombre aux hôteliers. Ces derniers doivent se réinventer pour conserver leur clientèle face à cette nouvelle concurrence. Comment peuvent-ils s’adapter face à Airbnb ?
Depuis sa création en 2008, la plateforme, fondée dans un esprit de partage et d’entraide entre particuliers, a bien changé. Le concept a été dévoyé par certains utilisateurs qui se professionnalisent. Avec plusieurs appartements à louer sur le site à l’année, ils se transforment en “apprentis hôteliers”. Mais ils ne sont pas soumis aux mêmes contraintes que les professionnels. Leur concurrence vient donc bousculer le milieu de l’hébergement. Les hôtels doivent se réinventer pour ne pas voir partir leur clientèle, notamment à cause des prix.
En effet, si Airbnb séduit autant, c’est pour ses prix, moins élevés que ceux proposés par les hôteliers. Les coûts de fonctionnement d’un hôtel sont automatiquement plus élevés que ceux d’un particulier. Et les particuliers ne sont pas soumis aux mêmes charges. Les prix suivent alors. La solution pour les hôtels est d’au moins tenter de se rapprocher des prix d’Airbnb en revoyant leur organisation.
L’élément prix joue mais pas seulement – Emmanuel Thébaux, gérant d’hôtels à Lille
Emmanuel Thébaux, hôtelier, reconnaît que Airbnb apporte “quelque chose de différent aux clients“. Il réagit donc en conséquence et tente de modifier son offre pour répondre à des attentes diverses. Une chambre plus cosy pour avoir l’impression d’être comme à la maison ou le charme de l’ancien, il y a différents aspects des maisons ou appartements proposés sur Airbnb qui séduisent. Les hôteliers ne pourront pas offrir cette proximité avec des personnes du coin aux touristes, comme les particuliers. Mais ils vont au moins présenter des offres plus variées pour plaire au plus grand nombre.
Si Airbnb convainc autant, c’est aussi parce que l’offre y est plus adaptée aux familles. Une maison équipée pour faire à manger et un grand espace commun pour réunir toute la famille, voilà leur promesse ! Face à cette nouvelle concurrence, les hôtels s’adaptent. Ils proposent par exemple des chambres plus grandes pour accueillir quatre à cinq personnes, quand auparavant il fallait prendre deux chambres communicantes. Les hôteliers tentent ainsi de convaincre la catégorie de clients la plus à même de se diriger vers Airbnb.
Certains hôteliers font même le choix de modifier complètement leur façon de faire leur métier, à l’instar de Marriott International. Cette chaîne d’hôtels propose 5 000 maisons à louer à travers le monde. Cela vient compléter leur offre initiale et permet de répondre à différents besoins. Peu importe ce que les clients recherchent, ils pourront le trouver chez eux.
Miser sur Internet
Les particuliers sur Airbnb bénéficient d’un site internet et d’une application optimisées pour réserver facilement en quelques clics. De plus, depuis 2018, la plateforme propose aussi des chambres d’hôtel à la location, en partenariat avec Les Collectionneurs et Site Minder. Pour pouvoir concurrencer cela, les hôtels doivent donc s’imposer sur le net. C’est là que les sites de réservation en ligne comme Booking ou Hotels.com entrent en jeu. Ils permettent de centraliser l’offre des hôteliers pour avoir plus de poids face à Airbnb. L’inconvénient reste les 15 à 20% de commission retenue par ces sites. Certains hôteliers ont alors préféré améliorer leur propre site de réservation. AccorHotels a élargi le sien et référence désormais d’autres hôtels pour agrandir son influence. Une solution que les petits hôteliers ne peuvent cependant pas mettre en place par manque de logistique
Juliette Le Chevallier
Interview d'Emmanuel Thébaux - hôtelier
ZOOM : Comment Airbnb a bloqué l’immobilier parisien ?
Les hôtels ne sont pas les seules victimes de l’ascension de la plateforme Airbnb. Quiconque souhaitant emménager dans la capitale se voit confronter, malgré la présence d’alternatives, à un problème de taille : la pénurie de logement. Ce phénomène n’est pas seulement lié au faible niveau de construction de logement. La plateforme Airbnb a aussi une part de responsabilité.
En 2016, à Paris, 55 720 logements ont été loués sur la plateforme. Plus de la moitié étaient « hautement disponibles » (proposés à la location une très grande partie de l’année) : les gens achètent des logements uniquement pour les mettre sur Airbnb. De plus, 20 % des hôtes parisiens ont plusieurs logements sur la plateforme. Pour ces personnes-là, la location d’appartements devient vite un business rentable.
Pour pallier ce problème, le législateur français a mis en place en 2017 une loi. Elle concerne les locations sur Airbnb ou n’importe quelle plateforme membre de l’UNPLV (Union Nationale pour la Promotion de la Location de Vacances). Toute personne qui souhaite louer, même occasionnellement et pour une courte durée, son logement doit le faire enregistrer auprès de la mairie. La loi met aussi en place une durée maximum légale de 120 jours de location par an pour les résidences principales. Cette loi ne concerne pas seulement la ville de Paris mais aussi bien d’autres grandes villes. En septembre, la loi a été validée par la Cour de Justice de l’Union Européenne. Cela ouvre la voie à ce type de réforme dans d’autres pays de l’Union. Cependant, on peut se demander si cette mesure est suffisante et si les contrôles sont assez dissuasifs pour essayer de retrouver un équilibre immobilier dans les grandes villes, comme Paris.
Chloé Bertrand