Le moucharabieh revalorise l’industrie
Posted On 18 novembre 2021
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C’est l’histoire de la rencontre entre un héritage de l’industrie minière du Nord et celui de l’architecture traditionnelle du monde arabe. Pour la raconter, Francis Ciuch, patron du groupe éponyme, nous embarque dans ses ateliers. Lieu d’innovation et de création, cette grande usine très organisée est à l’image de son créateur, tout sourire, plein d’allant et avide de partage.
Le groupe Ciuch, qui travaille principalement pour le e-commerce, rassemble 150 personnes et trois secteurs : la fabrication de matériel de manutention, le développement de solutions dans l’intralogistique et la maintenance des installations. « Dans notre atelier, nous avons une poinçonneuse à convoi numérique qui fait des trous ronds, carrés, dans les tôles. Quand nous avons des motifs répétitifs sur la tôle, ça crée comme un moucharabieh. »
C’est à l’occasion d’un voyage au Maroc que Francis Ciuch découvre pour la première fois le moucharabieh. Ce volet, qui permet une ventilation naturelle, trouve son origine dans l’Egypte des Mamelouk du XIIIe siècle. Une fois les fenêtres fermées, les femmes pouvaient regarder vers l’extérieur sans que les hommes ne puissent les apercevoir. Un système ingénieux que l’on retrouve encastré dans le mur de briques rouges qui longe l’allée jusqu’à Ciuch Industrie, et qui est le fruit d’une collaboration avec l’association WeFabArt (voir zoom).
Si l’on s’approche bien, on distingue toutes les subtilités de l’œuvre. Deux squelettes de tôle, décalés l’un de l’autre pour donner de la perspective, et recouverts de motifs qui ressemblent à des mosquées. Le tout forme la première chose que les employés de l’entreprise voient en arrivant au travail.
D’ailleurs, les équipes y ont participé. C’est l’occasion de fédérer autour d’un projet qui change de ce que l’on a l’habitude de faire ; une œuvre qui rassemble pour « se dire qu’on a fait quelque chose de chouette ». Résumé en une phrase par Francis Ciuch : « Montrer que nos équipes sont capables de faire quelque chose de beau avec ce qu’on appellerait vulgairement, et que je n’aime pas, un déchet. »
Le projet s’inscrirait-il alors dans une démarche écologique ? En y réfléchissant, on pourrait croire que réutiliser les matériaux destinés à la production s’ancre pleinement dans une réflexion environnementale. Et pourtant, les traits du visage de Francis Ciuch ne semblent pas être d’accord avec cette remarque. Non, il s’agit juste du fruit d’une éducation. « Quand mon père a commencé l’activité, on a toujours appris à utiliser tout ce qu’il restait. Le gaspillage n’a rien à voir avec l’écologie, c’est plus un comportement écologique qui est une conséquence des habitudes qu’on peut avoir quand on commence avec pas grand-chose et qu’on apprend à utiliser tout ce qu’il reste. »
D’accord. Pas d’écologie là-dedans. Mais peut-être d’autres envies, comme celle « d’amener un regard sur notre monde industriel qui soit un peu différent ». Cette vision remonte sûrement à la rencontre inopinée du groupe Ciuch et de l’association We Fab Art lors de manifestations. Francis Ciuch leur fait part du moucharabieh, et très vite, des connexions se créent. « L’idée c’est de pouvoir continuer à faire des œuvres, et cette fois-ci avec des artistes. » Francis Ciuch a d’ailleurs déjà une idée en tête : « Faire des prises de son sur toutes les machines », en vue de « transformer ça en une œuvre musicale ».
L’UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie) suit également les projets du groupe Ciuch, car, une fois encore, leurs intentions convergent : revaloriser la métallurgie pour attirer la jeunesse. Renverser l’image du monde industriel, trop souvent victime de stéréotypes, mêlant des conditions de vie et de travail difficiles. Redonner un second souffle à ce milieu qui porte le poids des vieux clichés.
Finalement, c’est peut-être ce qu’incarne le moucharabieh. Ancré dans son mur de briques rouges porteur d’un passé difficile à redorer, l’espoir de l’art tente de se faire une place pour changer les représentations.
Audrey Quétard
L’idée vient fin 2019 de la créatrice Corinne Molina, dont le désir est de changer les codes entre patrons et demandeurs d’emplois. Le WeFabArt a pour but d’accompagner les entreprises industrielles, en les mettant en collaboration dans une projet lié avec le monde artistique. De la mise en relation avec les artistes jusqu’à la communication du projet, WeFabArt jette un pont entre les deux mondes !
L’objectif principal de ce projet est de parler autrement des usines tout en soutenant l’industrie, qui a été quelque peu fragilisée ces derniers temps. Afin de contribuer à montrer un visage nouveau de l’industrie, plusieurs facteurs sont à prendre en compte. En commençant par changer le regard sur l’industrie, qui est encore aujourd’hui négatif. Autre facteur, mettre en place des artistes locaux pour insérer l’art. Puis, dernier enjeu : apprendre à l’homme à réfléchir et créer autrement.
En effet, le monde du XXIe siècle voit les choses complètement différemment, notamment avec les nombreux dérèglements climatiques et l’épuisement des ressources. Ainsi, la fabrication d’œuvres d’art à partir de déchets est soutenue par le WeFabArt. Ce dernier mène également un projet avec Pôle Emploi pour accompagner les demandeurs d’emploi vers ces industries. Quand aux artistes, ils doivent incarner l’image de l’entreprise avec des arts vivants, les arts plastiques, la musique, les vidéos ou bien encore la réalité augmentée.
Noémie Duriez
Tom Soriano
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